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Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a déclaré que la France n’excluait « aucune option » dans son soutien à l’Ukraine. Il n’exclut donc pas d’envoyer des troupes françaises au front. Jusqu’où la France peut-elle s’impliquer dans ce conflit ?
Vladimir Poutine menace peut-être d’attaquer les alliés de l’Ukraine, mais la France peaufine ses armes. Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a déclaré dans un entretien à la BBC le 23 novembre que le gouvernement n’excluait « aucune option ».
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Il prévoit de soutenir « l’Ukraine aussi intensément et aussi longtemps que nécessaire ». Et selon lui, les alliés occidentaux ne devraient pas « fixer et exprimer les lignes rouges ». Une position que le locataire du Quai d’Orsay justifie par les dangers que représente l’évolution actuelle du conflit. « Notre sécurité est en jeu. Chaque fois que l’armée russe avance d’un kilomètre carré, la menace se rapproche d’un kilomètre carré de l’Europe.»
Jean-Noël Barrot confirme ainsi sans le dire la possibilité d’envoyer des soldats français en Ukraine. Le président de la République Emmanuel Macron avait avancé l’idée en février dernier, s’attirant les foudres de certains pays européens, à commencer par l’Allemagne. Le chancelier Olaf Scholz avait alors rétorqué qu’il n’y aurait « pas de troupes sur le terrain, ni de soldats envoyés ni par les Etats européens ni par les Etats de l’OTAN sur le sol ukrainien ».
Les négociations ont commencé
Olivier Kempf, directeur du cabinet Vigie et chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique, ne croit pas à l’envoi de troupes au front. “Ce serait trop risqué, nous deviendrions une cible, nous subirions des pertes humaines et nous serions obligés de riposter.” D’autant que les sondages montrent : « Les Français sont très réticents non pas à soutenir l’Ukraine, mais à y envoyer des troupes ».
Selon Olivier Kempf, le ministre français des Affaires étrangères a un autre objectif, directement lié à l’élection à la présidence américaine de Donald Trump, prêt à mettre fin à la guerre dans « vingt-quatre heures ». «En coulisses, il a probablement déjà entamé des négociations avec Vladimir Poutine. Le dialogue se déroulera donc principalement entre Moscou, Washington et Kyiv. Dans ce jeu en trois parties, il manque l’Europe, à laquelle Jean-Noël Barrot tente, par ses déclarations, de redistribuer les cartes au-delà de l’Ukraine, son arrière-pensée étant la question de l’autonomie stratégique européenne.
Coopération franco-britannique
Et la diplomatie française souhaite multiplier au maximum le nombre de partenaires sur le Vieux continent. Ainsi, selon les informations du Monde recueillies auprès d’une Source militaire britannique, « des discussions sont en cours entre le Royaume-Uni et la France concernant la coopération en matière de défense, notamment dans le but de créer un noyau dur entre alliés en Europe, centré sur l’Ukraine et une sécurité européenne plus large. »
Ce rapprochement avec « l’un des plus fervents partisans de l’Ukraine » et entre les deux seules puissances nucléaires européennes est un argument de plus dans les discussions. “Dans la mesure où les Russes exigeront probablement la neutralisation de l’Ukraine, il faudra organiser un système de garantie de sécurité en Europe, ce qui est peut-être le point le plus dur de la négociation”, prévient Olivier Kempf.
La virulence des propos du chef de la diplomatie française serait donc avant tout une manière de « montrer des muscles ». Le chercheur associé à la Fondation pour la Recherche Stratégique rappelle : « Quand on entre en négociation, il faut parler fort. Quitte à afficher des objectifs dont on sait qu’ils sont irréalisables.