4 lieux de menacés par le surtourisme et mis en lumière par les smartphones

Venise, Barcelone, Île de Pâques, Île de Porquerolles, Mont Blanc. Quel est le point commun entre ces lieux emblématiques ? Ils sont trop visités. L’afflux de touristes n’est plus supportable pour les populations locales et menace l’équilibre des milieux naturels si bien que les autorités locales sont contraintes de prendre des mesures souvent impopulaires : instauration de quotas, paiement de péages, interdictions de zones à certaines heures de la journée ou pendant les périodes les plus saisons populaires. Ainsi, le terme « surtourisme » est apparu en 2017 mais a surtout été déployé en 2022, après la pandémie de Covid-19 et la reprise qui a suivi.

Mais comment réellement mesurer le phénomène ? Lors d’une conférence organisée en 2023 par l’Institut de géographie et de durabilité de l’Université de Lausanne (Suisse), les participants ont convenu que «retour aux grands principes de la sociologie historique de la quantification »c’est-à-dire mesurer l’ampleur du phénomène. Pas facile. Les outils actuels ne sont pas satisfaisants. Les données proviennent d’indices : fréquentation hôtelière et para-hôtelière, enquêtes auprès des populations locales, des acteurs du tourisme, des collectivités, enquêtes de satisfaction. Les espaces protégés utilisent également des « éco-caméras » pour suivre les flux de randonneurs autour des sites naturels les plus protégés. Ces outils sont imprécis et les méthodes utilisées ne sont pas harmonisées.

Le GPS du smartphone vous permet de suivre un individu

C’est pourquoi la technique développée par la start-up « Citiprofile » révolutionne le secteur. “Grâce au GPS de vos smartphones, nous comptons les points en mouvement sur un territoire donné, explique Arnaud Trousset, géographe co-fondateur de Citiprofile avec Olivier Thomine, ingénieur-chercheur en calcul haute performance. Plus précisément, nous analysons de manière anonyme le nombre de personnes et de véhicules ainsi que leurs déplacements sur un territoire donné..

La méthode est relativement simple, mais nécessite beaucoup de puissance de calcul. Citiprofile achète des lots de suivi de 5 000 à 10 000 applications gratuites ou payantes présentes sur les smartphones qui donnent la localisation de l’appareil, mais donnent aussi une idée de la nationalité et du lieu de résidence. “Ainsi, si un point se déplace sur une petite superficie et revient au même endroit chaque jour pendant plusieurs mois, il est probable qu’il s’agisse d’un résident et non d’un touriste. explique Esprit Gibassier, data journaliste au sein de cette société créée en 2022. La vie privée des individus n’est pas violée puisque les points sont anonymisés et cette première étape est donc entérinée par le règlement général sur la protection des données (RGPD).

Lire aussiFace au surtourisme, Pompéi limite le nombre de visiteurs

Une superposition de couches d’informations

La deuxième étape consiste à superposer ces points sur les différentes couches donnant des informations géographiques sur un territoire.continues Esprit Gibassier. Cartes topographiques IGN, démarcations des espaces protégés et limites administratives, urbanisme, composition sociologique des quartiers, données Insee, enquêtes de mobilité et images satellites comme Google Earth.. Chaque requête utilise son ensemble particulier de cartes géographiques. On obtient ainsi des données de déplacements et de fréquentation massive très précises, dont on peut tirer des enseignements pour une meilleure gestion de l’espace.

Le service est actuellement utilisé dans trois secteurs. Celui du tourisme est le plus évident. La méthode permet de mettre en évidence les lieux les plus fréquentés, ce qui permet d’orienter la gestion des espaces où les conflits d’usage sont les plus importants. Mais c’est aussi utile en termes d’urbanisme puisque l’on obtient une connaissance plus précise et plus rapide des flux de personnes sur un territoire (des études de mobilité globale sont réalisées tous les dix ans). Enfin, une meilleure connaissance de ces flux est recherchée par le secteur commercial en quête des meilleurs lieux d’implantation d’entreprises ou d’activités.

Lire aussiComment voyager en respectant le climat

Voici quatre exemples :

  • Attendance at Perthuis d’Antioche

Entre l’Île de Ré et l’Île d’Oléron avec l’Île d’Aix en son centre, le Perthuis d’Antioche accueille en été une forte fréquentation des bateaux de plaisance. Si les mouvements des navettes maritimes entre La Rochelle et les trois îles sont bien connus du fait de l’équipement des navires d’un système d’identification automatique, où vont les bateaux à moteur et à voile de moins de 12 mètres ? Le suivi GPS permet de reconstituer les itinéraires choisis. Et à noter que la tour Fort Boyard est la balade en mer la plus prisée. Grâce à la vitesse de déplacement, la technique permet également de déterminer si une personne est à pied, à vélo ou en voiture. Cliquez sur l’image pour l’agrandir

  • Fréquentation du Bassin d’Arcachon

Le bassin d’Arcachon est l’un des sites les plus fréquentés en été du littoral aquitain. Comment les estivants voyagent-ils entre l’utilisation de leur propre moyen de transport et le recours à des promenades en mer professionnelles ? Quels sont les sites les plus populaires ? D’où viennent les visiteurs ? Le suivi GPS montre une forte fréquentation des plages et alentours de la ville d’Arcachon et du Cap Ferret et une fréquentation importante du Banc d’Arguin, vaste étendue de sable au pied de la dune du Pilat qui est également un site d’importantes fréquentations. reproduction des oiseaux marins. Cliquez sur l’image pour l’agrandir

  • La Camargue et le pluvier

A la demande de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), Citiprofile a croisé la fréquentation touristique des plages camarguaises avec la carte des sites de reproduction du Gravelot à collier, un oiseau en voie de disparition qui pond ses œufs directement sur le sable. . Les points rouges représentent les endroits cruciaux pour les espèces où les humains (et leurs chiens) sont les plus nombreux. La LPO a ainsi identifié les endroits où elle devra renforcer ses protections. Cliquez sur l’image pour l’agrandir

  • Bonifacio et les herbiers de Posidonies

A la demande de l’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée-Corse, Citiprofile a utilisé les données GPS des propriétaires de bateaux pour caractériser les habitudes de déplacements ainsi que les mouillages en Corse, ici à la pointe de Bonifacio. Ces données ont été croisées avec la cartographie des herbiers de Posidonia, plante méditerranéenne protégée. Les gestionnaires peuvent ainsi intervenir dans les endroits où les habitudes de mouillage correspondent à des herbiers marins, afin d’interdire ces lieux et obliger les plaisanciers à fréquenter les zones sableuses sans risquer d’endommager la plante. Cliquez sur l’image pour l’agrandir

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV un chercheur salue « la prise de conscience bénéfique » en France, mais juge le terme « mexicanisation » « excessif »
NEXT le suspect inculpé pour récidive de meurtre et de viol