La municipalité rurale de Saint-Jean-Baptiste peut se vanter d’avoir eu un Métis comme premier résident permanent. Même si l’histoire métisse du village a été quelque peu oubliée au fil du temps, une nouvelle génération a tenté de revaloriser ce patrimoine ces dernières années.
À l’automne 2024, une nouvelle section locale de la Manitoba Metis Federation (MMF) a été créée pour les municipalités de Saint-Jean-Baptiste et de Morris. C’est le point culminant d’un long voyage où cohabitaient la fierté et la honte d’être Métis.
Classeurs, photos, archives. D’un geste tremblant mais vif, Paulette Grégoire-Vermette et sa sœur Marcella fouillent les documents historiques disposés pêle-mêle sur la grande table en bois.
A 81 et 88 ans, la voix, là encore tremblante, mais assurée, ils expliquent avec précision le sens de chacun.
Paulette et Marcella Grégoire ont toujours été de fiers métis.
Photo : Radio-Canada / Mohamed-Amin Kehel
Les deux sœurs connaissent leur histoire par cœur, car c’est sur elle qu’elles se sont toujours appuyées pour s’affirmer en tant que métisse.
Mon père était métis, j’aimais mon père, j’aimais qui il était.
Pour Paulette, c’est le souvenir de sa grand-mère, grande conteuse d’histoires familiales, qui lui rappelle ses racines.
J’ai toujours aimé mon identité, que je sois canadienne-française ou métisse
ajoute-t-elle.
Les deux sœurs ont un argument historique de poids. Au centre du village trône une statue d’Antoine Vandal, arrière-grand-père de Paulette et Marcella et premier Métis à s’établir dans ce secteur de la vallée de la rivière Rouge en 1869.
Il est également l’arrière-grand-père de Daniel Vandal, député fédéral de Saint-Boniface-Saint-Vital. (Nouvelle fenêtre)
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Paulette et Marcella Grégoire ont cependant vécu une époque où le fait d’être Métis les rendait plus vulnérables aux stéréotypes conscients et inconscients.
De ce fait, certaines familles ne transmettaient pas forcément leur héritage, de peur d’exposer leurs enfants au regard indélicat des autres.
Selon les deux octogénaires, il y eut une période où ce n’était pas facile
.
Je ne savais pas étant enfant que ça pouvait être compliqué d’être Métis
testifies Marcella Grégoire.
Mon père a beaucoup souffert et c’est pour cela que je me suis toujours senti Métis. Et puis, quand on est une petite fille de 5 ou 6 ans, on développe des techniques d’adaptation.
A côté de lui, sa sœur Paulette est d’accord. Nous étions la minorité, et quand on est une minorité, on voit les choses différemment, il y avait des gens qui ne voulaient pas admettre qu’ils étaient Métis.
Il y avait parfois ceux qui faisaient remarquer qu’on était une famille métisse, mais bon, on s’en est remis, et la vie continue.
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Pendant huit ans, Paulette et Marcella Grégoire ont rassemblé des dizaines de documents retraçant l’histoire des Métis de Saint-Jean-Baptiste.
Photo : Radio-Canada / Mohamed-Amin Kehel
Si Paulette et Marcella ont affiché toute leur vie leur métissage, d’autres l’ont cachée. C’est ce qu’a vécu Meaghen Fillion au sein de sa propre famille.
A 34 ans, le résident de Saint-Jean-Baptiste est à l’origine de la nouvelle section locale du MMF, créé en octobre 2024 pour les régions de Saint-Jean-Baptiste et Morris.
Elle s’approprie néanmoins son identité à 26 ans.
Avant cela, elle ne se considérait pas comme étant quite Métis
et je ne voulais pas prendre la place de quelqu’un d’autre
.
Du côté de mon père, on l’a toujours su, mais ils ne nous ont jamais expliqué ce que c’était et du côté de ma mère, c’était caché
dit le jeune Franco-Manitobain.
Pour la génération de ma mère, il y a une gêne à se considérer comme Métis. Peut-être que ma grand-mère avait un peu peur. Je ne sais pas pourquoi, je ne comprends pas exactement.
A travers ses recherches généalogiques, elle retrace les origines métisses de la famille du côté de sa mère. Rapidement, elle découvre qu’une partie de sa branche est liée à Louis Riel et que certains de ses ancêtres pratiquaient le perlage, un art intimement lié aux Métis.
Plus je faisais des recherches, plus je réalisais à quel point, du côté de ma mère, nous avions caché cette identité
dit Meaghen Fillion.
Même aujourd’hui, les discussions sont difficiles et Meaghen espère que son militantisme réconciliera la famille de sa mère avec la culture métisse. ça va prendre du temps
elle admet.
Au cours de la dernière année, elle a interviewé ses grands-parents et ils ont parlé, par exemple, de soirées dansantes au rythme du violon lors de soirées privées.
Quand j’ai entendu ça, je me suis dit : ah, c’est des fêtes de cuisine, c’est Métis
» dit Meaghen Fillion d’un ton amusé.
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Georges Grégoire, le père de Marcella et Paulette, a joué du violon toute sa vie jusqu’à l’âge de 80 ans.
Photo : Radio-Canada / Mohamed-Amin Kehel
Paulette et Marcella Grégoire ont également grandi au son de la mélodie du violon.
Leur père, Georges, était un amoureux de cet instrument et, lorsqu’il en parle, les deux sœurs ont des souvenirs bien précis.
C’était son moment de se détendre
se souvient Paulette. Il avait le don de la musique !
Métis et fier de l’être
En reconnaissance du symbole de cette renaissance métisse dans la région, la nouvelle section locale du FMM réunis à Saint-Jean-Baptiste pour sa première réunion le 21 novembre.
C’est excitant ! Nous y travaillons depuis avril, et maintenant nous pouvons enfin faire des choses
», déclare Meaghen Fillion, qui a été élue première présidente.
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En tout, plus d’une quinzaine de membres de la MMF sont venus à la première réunion de la section locale de Saint-Jean-Baptiste et Morris
Photo : Radio-Canada / Mohamed-Amin Kehel
Son père, Léo Fillion, partage avec émotion l’enthousiasme de sa fille. Ce dernier est citoyen métis depuis 1984.
Je suis vraiment excité de voir ma fille et le village ramener la culture de la rivière Rouge
s’exclame-t-il.
Cela va être un grand mouvement à Saint-Jean-Baptiste, et le village mérite la reconnaissance de cette culture.
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Meaghen Fillion et son cousin Darcy ont été élus président et vice-président de la nouvelle section locale de la MMF de Saint-Jean-Baptiste et Morris.
Photo : Radio-Canada / Mohamed-Amin Kehel
Meaghen Fillion veut faire sa part pour la communauté.
Nous voulons inviter tout le monde
explique-t-elle. Elle souhaite également organiser un atelier de perlage ouvert à tous.
Paulette et Marcella Grégoire saluent la réappropriation de l’identité métisse par la jeune génération et la création de la nouvelle section locale.
Après notre passage à l’école, les choses ont beaucoup changé. L’idée que les Métis étaient en quelque sorte inférieurs l’a arrêté.
Les enfants et petits-enfants de Paulette Grégoire-Vermette ont pleinement assumé cette facette de leur identité. La résidente de Saint-Jean-Baptiste parle avec émotion de sa petite-fille qui travaille au FMM
.
Je suis fier de mes ancêtres. Il y a quelques temps, je ne l’aurais pas dit comme ça, mais là : Bravo pour g!
ajoute-t-elle en riant, le poing serré en signe de victoire et d’affirmation.