L’Observatoire marocain des prisons (OMP) a présenté son rapport annuel 2023, révélant les défis auxquels sont confrontés les établissements pénitentiaires marocains. A travers une analyse approfondie, le rapport soulève les questions de surpopulation carcérale, de lacunes dans la gestion des récidives et de mise en œuvre de peines alternatives.
Les phrases alternatives, une lueur d’espoir
Lors d’une conférence de presse organisée mardi dernier à Rabat pour présenter ce rapport annuel, le bâtonnier Abderrahim El Jamai a mis l’accent sur les peines alternatives, dont la loi n°43.22 est entrée en vigueur après sa publication au Bulletin officiel le 22 août dernier.
« Le sujet des prisons et des prisonniers est devenu une préoccupation nationale qui touche l’ensemble de la société. Ce n’est plus seulement un lieu de sanction, mais un espace de réhabilitation et de reconstruction de l’humanité », a assuré le Président lors de cette conférence à laquelle ont participé des représentants des institutions (Délégation générale de l’administration pénitentiaire et de réinsertion-DGAPR, CNDH, etc.). et des ONG (OMDH, etc.), tout en soulignant que le système pénitentiaire ne doit plus se limiter à infliger des peines, mais doit contribuer à la réinsertion sociale des détenus.
Selon Abderrahim El Jamai, le nouveau cadre légal prévoit des peines alternatives à celles entraînant la privation de liberté, comme les travaux d’intérêt général ou les bracelets électroniques, réduisant ainsi le recours à l’incarcération, rappelant que la mise en œuvre de ces peines nécessite l’implication de plusieurs acteurs : juges, administrations publiques, associations de la société civile et experts en sciences sociales. « Une approche collective et rigoureuse est essentielle à leur application efficace », a-t-il déclaré.
Il a également indiqué que le juge joue un rôle central dans la sélection des détenus pouvant bénéficier de peines alternatives, après consultation des différentes parties (procureurs, avocats, experts).
Surpopulation carcérale
Selon ce rapport dont le contenu a été présenté par le président de l’OMP, Abdellatif Rafoua, la population carcérale a atteint 102.653 détenus en 2023. Ce taux de surpopulation, estimé à 159%, continue de créer des conditions de détention indignes : espaces restreints, propagation de maladies et le manque de ressources essentielles.
Et malgré la construction de nouvelles prisons, comme celles d’El Jadida et de Tamesna, ces infrastructures restent insuffisantes pour résoudre durablement ce problème. Selon l’OMP, une réforme profonde de la politique pénale est nécessaire.
Selon la même Source, la détention provisoire constitue une cause majeure de surpopulation (38%). Cette mesure temporaire est trop souvent utilisée, alimentant ainsi la surpopulation carcérale. L’OMP insiste sur la nécessité d’encadrer strictement le recours à cette mesure, conformément aux normes internationales qui la considèrent comme une exception.
La récidive, un échec de la rééducation
Le phénomène de récidive reste préoccupant et révèle les insuffisances des programmes de réinsertion. L’OMP a constaté un taux de récidive particulièrement élevé dans les délits liés au vol et à la drogue, notamment chez les jeunes et les mineurs.
Le ministre de la Justice a reconnu en 2023 l’incapacité des politiques actuelles à prévenir efficacement la récidive. Ces résultats soulignent un manque de soutien post-carcéral et l’absence de stratégies d’intégration des anciens détenus dans la société. L’OMP appelle à la création de centres d’accueil et de réinsertion ainsi qu’à la mise en place de programmes éducatifs et professionnels adaptés.
Il estime également que la récidive est souvent le résultat de conditions socio-économiques difficiles et d’un manque de suivi, prônant une approche basée sur l’intégration sociale et la réforme du système pénal pour briser ce cycle.
Abolition de la peine de mort
Par ailleurs, l’OMP a réitéré son appel à abolir définitivement la peine de mort au Maroc, conformément aux engagements internationaux. Bien qu’aucune exécution n’ait eu lieu depuis 1993, les condamnations persistent, soulignant l’urgence d’une réforme.
Ce rapport constitue un appel à l’action en vue de réformer en profondeur le système pénal marocain, en plaçant la dignité humaine et la réinsertion au cœur des politiques publiques.
Traitement des plaintes
De son côté, Abdellah Mesdad a présenté un aperçu des plaintes reçues et traitées par l’OMP au cours de l’année 2023, affirmant que les plaintes liées aux transferts de détenus occupent une place importante. Certains cas ont été résolus positivement grâce au dialogue entre l’OMP et la DGAPR.
Selon lui, certaines plaintes nécessitent un dialogue entre différents acteurs, notamment la DGAPR, les juges et les organisations de la société civile, pour parvenir à des solutions adaptées, tout en précisant que l’OMP appelle à des réformes structurelles afin de garantir un meilleur suivi des plaintes, renforçant les abus. mécanismes de prévention et amélioration des conditions de détention.
Mourad Tabet