Par
Vanessa Aspé
Publié le
27 novembre 2024 à 20h26
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“On m’avait déjà dit : “50 centimes pour que je te baise (sic), ça vous convient ? », « J’ai été victime d’une agression sexuelle par un proche : abandonnée par la justice et mon entourage », « mon employeur m’a déjà dit que ce serait bien que je vienne travailler en jupe », « Je lui ai dit que ça ne m’intéressait pas, il m’a embrassée de force », « quand j’avais 5 ans, j’ai été violée par mon beau-père », « j’avais 13 ans quand il m’a touché sans mon consentement », « pendant mon stage, mon Le référent m’a pincé les fesses en riant. Il m’a dit que c’était juste une blague… » Il fallait avoir le cœur ferme pour parcourir la cinquantaine de messages d’élèves affichés au feutre indélébile sur le « mur de la honte », au lycée agricole de la Bretonnière, à Chailly-en-Brie. Un mur qui n’a jamais aussi bien porté son nom.
Un choc pour les étudiants
Lundi 25 novembre 2024, à l’occasion de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, l’établissement a organisé des ateliers de sensibilisation. Une plongée brutale dans une réalité souvent ignorée. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les étudiants ont réussi à libérer leur voix.
Invités à s’exprimer sur des mots ou des gestes inappropriés, à travers l’écriture, la danse ou le chant, les lycéens ont été choqués par le nombre impressionnant de victimes, jusque au sein de leurs classes, comme Stanislas, 20 ans, en 2ème année de BTS. « Je ne pensais pas que cette journée allait m’affecter autant », commente-t-il. Tous ces mots sur le mur de la honte, je trouve ça horrible, Si on peut lutter contre ça, je suis fier de faire partie de ce combat. »
Anne-Sophie, 21 ans, victime de sexisme et d’homophobie tout au long de sa scolarité, confie : « Ça rappelle ce qu’on a vécu ou vu. D’un autre côté, cette journée permet aussi aux attaquants de prendre conscience qu’on ne va pas laisser cela se produire sans rien dire. »
Les chiffres cités lors de cette journée étaient particulièrement frappants : 80% des femmes handicapées ont subi des violences. Un constat glaçant qui appelle à une action collective.
Une liberté d’expression nécessaire
« Cette journée nous donne de la force, on se sent inclus dans un groupe et on voit qu’on est tous unis », commente Mathilde, 18 ans. Le mur de la honte est navrant, ça fait mal de voir que tant de gens ont vécu ça et que finalement c’est presque banal. Les amis autour de moi ont été des victimes. Ce genre de journée fait beaucoup de bien aux victimes. Ils voient qu’ils ne sont pas seuls. Le fait que l’école organise cela montre que si nous avons un problème, nous pouvons en parler et ils nous prendront au sérieux. On se sent soutenu. »
L’atelier sur le consentement a montré que cette notion n’était pas toujours bien comprise.
Louis, 18 ans, est lui aussi bouleversé par les messages des victimes et se remet en question. Ce dernier reconnaît s’être lui-même rendu coupable de propos déplacés par le passé : « À 13 ans, j’ai dit une chose horrible. J’ai dit à une fille qu’elle pouvait me sucer la bite. Aujourd’hui, je comprends la portée de ces propos, je m’en excuse. J’étais vraiment stupide (sic). »
Naëlle, 17 ans, exprime une peur quotidienne exacerbée par les histoires : « Je ne sors pas de chez moi en dehors du lycée. On s’est beaucoup moqué de moi sur ma religion, je suis chrétien, et aussi sur le fait que je suis physiquement un homme. J’ai été obligé de faire des choses que je ne voulais pas faire auparavant. »
Et d’ajouter : « Mon propre frère, à 12 ans, fait déjà des commentaires déplacés. Nous devons mieux éduquer les garçons. »
Des enseignants confrontés à des situations graves
Les enseignants, souvent en première ligne, se sentent parfois impuissants. Aude Canale, professeur d’éducation socioculturelle, déclare : « 10 % des élèves par classe ont déjà vécu l’inceste. C’est énorme, et on se tait sur cette violence. Nous ne sommes pas formés pour répondre à cette question. »
Gilles Vallée, professeur d’éducation physique, évoque la création d’une « commission de lutte contre les inégalités et les comportements discriminatoires » afin de répondre à ces problématiques. Une boîte de signalement sera mise en place, ainsi qu’une adresse email dédiée : « Nous souhaitons offrir un espace d’expression et apporter des solutions concrètes. »
Les étudiants ont participé à des ateliers de danse, de chant et même d’auto-défense. Coralie Chamois, professeur, souligne : « Cette journée nous a permis de rappeler les bases de ce qui est normal et de ce qui ne l’est pas. L’atelier sur le consentement a montré que cette notion n’était pas toujours bien comprise. »
La danse, utilisée comme forme d’expression symbolique, était particulièrement touchante : « Certains ont réussi à libérer des émotions enfouies grâce à ces ateliers. »
Un message d’espoir
Cette journée a marqué une étape importante dans la sensibilisation des étudiants à la problématique des violences faites aux femmes. Les messages affichés resteront affichés dans l’établissement pour rappeler l’ampleur du problème et inciter les jeunes à ne pas se taire. Comme le rappelle Aude Canale : « Vous êtes les porteurs du changement. Ne restez pas silencieux. Un mot ou un geste peut tout changer. » Le lycée s’engage à poursuivre ces initiatives, avec une prochaine rencontre prévue le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes. À Chailly-en-Brie, cette journée a permis de briser le silence, tout en semant les graines d’une prise de conscience collective indispensable.
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