Hommage à Françoise Fabian au Festival du Film de La Rochelle

Hommage à Françoise Fabian au Festival du Film de La Rochelle
Hommage à Françoise Fabian au Festival du Film de La Rochelle

Son appartement au centre de Paris, qu’elle nous avait décrit lors d’un précédent entretien comme petite boîte au fond d’un tiroirn’a pas beaucoup changé. S’il reste le livre de Marcel Bozzuffi, l’amour de sa vie, un tableau représentant le port du Havre vu de la mer signé Jacques Demy, une photo où elle rayonne dans les bras de Cocteau, le refuge intime de Françoise Fabian semble davantage dans la pureté. « J’ai beaucoup vendu, j’ai construit pendant longtemps, aujourd’hui je me débarrasse de certaines choses. Pour moi, le plus important, c’est la vie, pas les objets. Il faut continuer à la célébrer selon nos possibilités, martèle la maîtresse des lieux. J’adorais ma maison à la campagne à Onzain, en Touraine, car j’y faisais du jardinage, de la cuisine et de l’équitation. J’avais aussi un somptueux appartement place du Palais-Bourbon.

Mais la situation a changé : « Aujourd’hui, je vis dans cet appartement, que j’ai acheté pour mes parents lorsque mon père a pris sa retraite de l’enseignement et qu’avec ma mère ils se sont installés en France. Quand j’ai quitté l’Algérie au début des années 50, j’ai dû faire le deuil de mon enfance, de ma jeunesse. Je n’y suis retourné qu’une seule fois, lors du tournage de « Bozzu » Z par Costa Gavrasdit l’actrice. Il avait onze jours de repos là-bas et m’a demandé de l’accompagner pour une sortie en voilier. Costa voulait que je lui apporte le disque de Theodorakis et tous les journaux français. Quand le jeune douanier est arrivé et a vu que j’étais né en Algérie, il a déchiré les journaux et a piétiné le disque. Quand j’ai revu l’Algérie, j’ai pleuré. Au bout de quatre jours, « Bozzu » m’a dit : « Viens, je t’emmène en Tunisie. » Nous avons traversé le désert et sommes allés à Djerba.

“Corbucci voulait filmer une scène de viol, j’ai refusé”

Déjà, sa voix sublime et cette diction précipitée qui a inspiré Julien Clerc, Vincent Delerm, Alex Beaupain, ou encore Charles Aznavour pour un disque sorti en 2018 sont interrompues. Avant d’aborder cet hommage que lui rend le Festival du Cinéma de La Rochelle (Fema) du 28 juin au 7 juillet, Françoise Fabian va chercher un grand cru de champagne : « J’en ai toujours du frais.. La vie, on vous le dit !

Pour célébrer une carrière riche en rencontres marquantes et en films inoubliables, la Fema a choisi huit longs métrages parmi les près de 80 réalisés par Buñuel, Rivette, Demy, Louis Malle, Manoel de Oliveira, Lelouch… Il y aura Raphaël ou les débauchés (Michel Déville), Bonne année (Claude Lelouch), Bonjour artiste (Yves Robert), Comment tuer un juge (Damiano Damiani), L’arbre et la forêt (Olivier Ducastel et Jacques Martineau), Les garçons et Guillaume, à table (Guillaume Gallienne), Rose (Aurélie Saada) et bien sûr, Ma nuit chez Maud (Éric Rohmer).

« Pendant tout le tournage, je ne l’ai vu faire qu’une seule prise. Nous devions tourner en hiver dans un petit studio rue du Sabot à Paris.se souvient Françoise Fabian. Quelques mois auparavant, nous nous retrouvions sur une plage bretonne pour filmer la dernière scène, en préambule du tournage. Un jour, il m’a appelé pour le rencontrer sur Lincoln Street. Il avait loué une petite salle de projection pour me montrer cette scène qu’il avait déjà synchronisée. Nous l’avons regardé tous les deux seuls, puis il m’a dit : « Françoise, je n’ai plus rien à te dire, Maud t’appartient. « C’était une merveilleuse façon de me mettre en confiance et, tout au long du film, il ne nous a jamais donné aucune indication : ni à Trintignant ni à moi. J’ai beaucoup aimé Rohmer qui était à la fois un danseur de rock extraordinaire et un grand intellectuel. Alors quand j’ai présenté Ma nuit chez Maud à New York, il ne m’a pas accompagné car il avait entrepris de lire Goethe dans le texte. »

Ce film est sans doute l’un des plus marquants de sa carrière, au même titre que Bonne année ce qui lui a valu plusieurs récompenses. « On s’entendait tellement bien avec Lino ! On était sous le charme l’un de l’autreelle décrit. Je me souviens que le jour où je devais les rejoindre dans le Sud, j’ai attrapé la grippe. Au téléphone, Claude Lelouch m’a dit : « Mais une femme enrhumée, c’est très joli ! » Il m’a convaincu et, par miracle, quand je suis arrivé sur place, j’étais guéri. Dans son film suivant, Finalementque nous présenterons à la Mostra de Venise, Claude rend un petit hommage à Bonne année. »

Ah ! Venise, en Italie : un pays important pour Françoise Fabian, où elle a souvent tourné et dont elle garde d’excellents souvenirs… A une exception près : « Le seul réalisateur avec lequel j’ai eu un conflit était Sergio Corbucci. Nous tournions Le spécialiste au cours de l’été 1969. Il voulait tourner une scène de viol qui n’était pas prévue dans le scénario : j’ai refusé catégoriquement et les relations sont restées tendues par la suite. J’avais pour partenaire le très gentil et très timide Johnny Hallyday. Il a loué une maison et nous a tous invités à regarder Apollo 11 atterrir sur la lune. »

« Je n’ai jamais voulu d’homme après lui »

L’Italie reste pour Françoise Fabian synonyme de belles rencontres : Pasolini, Fellini puis Mastroianni, son partenaire dans Bonjour artistequi sera présenté à La Rochelle. « C’est un beau film et j’ai adoré Marcello. Comme il était drôle !s’exclame l’artiste. Mais il n’a pas eu un début de vie facile. Il était si pauvre qu’il a dû dormir longtemps dans le lit de sa mère tandis que son frère, qui deviendra plus tard éditeur, dormait sur un matelas à même le sol. Puis Visconti a engagé Marcello pour jouer Un tramway nommé Désir au théâtre et tout a changé. Avant Bonjour artisteJ’avais tourné un autre film avec lui, qui s’appelait Vertiges. »

Autre partenaire inoubliable pour Françoise Fabian : Maurice Ronet, rencontré sur Raphaël ou le débauché : « Maurice était un homme malheureux. C’était un partenaire adorable, très drôle, il aimait le jazz et la littérature. Il était très cultivé, mais très désespéré.

Le champagne coule à flots tout comme le discours intarissable de la star à propos du cinéma : Rose ? « C’est beau, n’est-ce pas ? Il y a une belle histoire de séduction entre le personnage de Pascal Elbé et le mien. Dans ma vie personnelle, j’ai tellement aimé « Bozzu » que je n’ai jamais voulu d’homme après lui. C’était un amour total. Je ne l’ai jamais remplacé, j’ai vécu quarante ans avec lui et je continue de rêver de lui.

“La mort ne m’inquiète pas du tout”

Comment tuer un juge ? “C’est un très bon film mais très brutal”. L’arbre et la forêt ? « Contrairement à mon partenaire Guy Marchand, avec qui je n’avais pas une très bonne relation, j’ai adoré Ducastel et Martineau, les réalisateurs. À la suite du film, qui traitait entre autres de la déportation des homosexuels, j’ai participé au clip vidéo d’Urgence homophobie D’amour, avec Christiane Taubira, Muriel Robin, Agnès Jaoui et bien d’autres. »

Les garçons et Guillaume, à table ? « J’adore prendre des accents, comme celui de cette grand-mère russe qui se trompe tout le temps. Le film a eu un énorme succès et longtemps après, dans la rue, les gens me disaient : « Alors, comment vas-tu, ma petite chienne ? Il pleut du caca ? » »

Sensible à l’hommage que lui rend la FEMA, Françoise Fabian n’oublie pas l’actualité : « J’ai signé une procuration pour le vote. Si j’avais cinquante ans, je serais terrifiée par cette situation, mais à mon âge (91 ans)je n’ai plus peur. Quand on voit l’état de la Terre, les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle, je n’ai pas envie d’obéir à ça. Je ne veux pas de l’avenir qu’on m’offre, je préfère partir. La mort ne m’inquiète pas du tout mais je n’aimerais pas être alitée, devenir un fardeau pour les autresconfie l’actrice. C’est pour cela que je suis engagé en faveur de l’euthanasie. Mais si nous trouvons la vie intéressante, nous pouvons la faire durer longtemps et dans les meilleures conditions. Dois-je ouvrir une autre bouteille ?

Parallèlement à l’hommage à Françoise Fabian, une soirée est organisée le dimanche 30 juin et une rencontre animée par le journaliste Gérard Lefort aura lieu le mardi 2 juillet. festival-larochelle.org.

 
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