les municipalités courtisent les médecins généralistes – .

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Attirer des médecins généralistes pour contrer le phénomène des déserts médicaux peut coûter jusqu’à 11,5 millions de francs, comme c’est le cas à Evolène, en Valais. Ailleurs en Suisse romande, il faut aussi se ruiner.

De tous les cantons suisses, Fribourg est le moins bien pourvu en médecins de famille. © Keystone

De tous les cantons suisses, Fribourg est celui qui compte le moins de médecins de famille. © Keystone

Publié le 27/06/2024

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Les médecins de famille deviennent-ils si rares que les autorités doivent lancer de véritables chasses à l’homme ? Dans le Jura français, des maires désespérés n’ont pas hésité à sortir le grand jeu pour enfin attirer un généraliste. En 2022, le petit village d’Arinthod (1 200 habitants) a fait sensation. La municipalité a accepté d’investir un million d’euros, l’équivalent de son budget annuel, pour s’assurer les services d’un jeune médecin pendant 20 ans, avec des arguments : mise à disposition et aménagement de locaux pour la création d’un pôle médical, prime d’installation de 50 000 euros, prise en charge d’une partie du salaire de l’assistante médicale, achat de matériel informatique et de matériel de soins… autant de mesures qui ont réduit le risque financier du jeune médecin de 27 ans qui a finalement accepté de s’installer, mettant fin à une situation de « désert médical ».

En Suisse, c’est cher

La Suisse n’échappe pas au phénomène. Et résoudre ce problème coûte cher : 11,5 millions de francs pour la construction du futur centre de santé et de petite enfance prévu en 2026 à Evolène, en Valais. Une somme colossale, pourtant largement acceptée lors d’une votation de la population locale en avril 2023, compte tenu de l’urgence de remplacer les trois derniers médecins généralistes partis à la retraite, sans successeurs.

«Le loyer gratuit ou réduit du cabinet, ou la location des locaux à prix coûtant, au moins dans un premier temps, font partie des mesures qui peuvent contribuer à attirer les médecins généralistes», explique l’Hôpital cantonal de Fribourg. HFR le Dr Vincent Ribordy. « Parfois, les communes proposent aussi des structures d’hébergement », ajoute le médecin-chef du service des urgences. Il a lui-même participé en tant que consultant au projet de cabinet médical de groupe ouvert en mars 2023 dans l’ancienne gare TPF de Belfaux (3 400 habitants), qui a joué la carte de la proximité en attirant trois jeunes médecins de la région. Un des rares projets cités en exemple de réussite (voir ci-dessous).

Nous recrutons très loin

Au-delà de proposer des locaux rénovés, aménagés et équipés, chaque projet a ses propres arguments pour « courtiser » les médecins généralistes, souvent recrutés à grands frais via des entreprises privées en France, mais aussi en Belgique. C’est le cas du nouveau cabinet médical inauguré en février 2023 dans l’ancienne poste de Saint-Cergue (Jura vaudois), conçu comme une antenne du GHOL-Groupement hospitalier de l’Ouest lémanique. Les recrutements se font jusqu’en Espagne, au Portugal et même au-delà…

« Trouver des locaux n’est pas très compliqué. Le problème financier n’est pas majeur pour les médecins qui s’installent : ils sont tout de suite complets. Le problème, ce sont les ressources en personnel en raison d’un manque important », souligne le Dr Pierre-Yves Rodondi, professeur ordinaire à l’Université de Fribourg. «De tous les cantons de Suisse, c’est Fribourg qui compte le moins de médecins de famille. Sans une augmentation substantielle des postes de formation en médecine familiale dans le canton, la population, notamment les personnes âgées, en subira les conséquences et les centres d’urgences déborderont», résume-t-il. «Avec la Société suisse de médecine interne générale (SSMIG), dont je suis membre du comité de pilotage, nous avons déposé une demande auprès de la Confédération pour un programme de relance de la médecine de première ligne. Nous avons demandé 200 millions de francs pour cette relance.»

Une enquête de la SSMIG montre que d’ici 2033, la Suisse aura besoin de plus de 2300 nouveaux internistes généralistes. «Si nous avions suffisamment de médecins généralistes, les communes n’auraient pas besoin de dépenser autant d’argent pour payer des recruteurs, conclut Pierre-Yves Rodondi. Ni pour «se permettre» un cabinet médical, au risque d’une concurrence entre communes. Nous ferions mieux d’investir cet argent dans la formation. Et d’assurer une vraie relève en Suisse, plutôt que de continuer à voler des médecins à l’étranger.»

«Nous ferions mieux d’assurer une véritable relève en Suisse plutôt que de continuer à voler des médecins à l’étranger»
Pierre-Yves Rodondi

Se lancer n’est pas facile. Dans le canton du Valais, des projets de centres de santé ont eu du mal à démarrer, voire ont fermé. « Les médecins n’ont pas été intégrés au projet dès le départ, trouvaient les locaux clé en main mal adaptés, ne s’entendaient pas entre eux, ne connaissaient pas le réseau régional de santé ni les spécialistes et ne voulaient pas s’engager à rester », regrette un conseiller municipal du Val d’Hérens. A quelques kilomètres d’Evolène, le cabinet médical de Vex aurait du mal à recruter et surtout à fidéliser de nouveaux médecins généralistes.

Fribourg a également été confrontée à ce genre de problèmes. «Un cabinet médical reste un business, avec de la complexité. Il ne suffit pas d’être un bon médecin, il faut aussi être un bon gestionnaire», explique Vincent Schickel, syndic de la commune de Belfaux. «D’après ce que j’ai entendu, dans les cas qui n’ont pas abouti, soit les médecins n’avaient aucune connaissance en termes de bases managériales, soit ne maîtrisaient pas la langue, ce qui complique leur intégration et la prise en charge des patients. Ces deux critères doivent être réunis, surtout si la commune décide d’investir.»

Ceci fait, pour les élus locaux réticents à dépenser, quel serait, selon lui, le « prix plancher » pour se lancer dans un tel projet ? «C’est un vrai métier de monter un cabinet médical aujourd’hui», ajoute Vincent Schickel. “Non pas par manque de volonté politique, ni par manque d’argent – ​​notre municipalité dispose d’un budget de 15 millions d’euros – mais parce qu’il y a très, très peu de médecins sur le marché et que nous n’en formons pas suffisamment.”

Selon le syndic de Belfaux, pour une commune, les coûts de ce type de projet ne sont pas très élevés : 150 000 francs suffiraient. « Il faut avant tout trouver des médecins, sans sous-estimer la durée de la recherche », conclut-il. J’espère que d’autres communes pourront réaliser la même expérience que nous et se lancer. Mais ne vous y trompez pas, cela prend du temps. Cela nous a pris six ans.

 
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