trois questions sur la généralisation du dépôt de plainte à l’hôpital

trois questions sur la généralisation du dépôt de plainte à l’hôpital
trois questions sur la généralisation du dépôt de plainte à l’hôpital

Déposez plainte sans vous rendre au commissariat. Le Premier ministre Michel Barnier a annoncé, lundi 25 novembre, l’extension du dispositif permettant aux femmes victimes de violences conjugales de saisir la justice directement depuis l’hôpital où elles ont été soignées. «Dès fin 2025»la procédure sera proposée “dans tous les hôpitaux de disposant d’un service d’urgences ou d’un service de gynécologie”a-t-il promis, lors d’une visite à l’hôpital parisien de l’Hôtel-Dieu, à l’occasion de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes.

« Nous souhaitons systématiser et garantir une prise en charge globale de chaque victime dans un lieu unique et sécurisé » a défendu le chef du gouvernement, évoquant un “main tendue” en milieu hospitalier pour « éviter les démarches et parfois le découragement » dans le processus judiciaire. Franceinfo revient sur cette mesure, son intérêt, mais aussi ses limites.

1 En quoi consiste ce dispositif ?

En région parisienne, le dépôt d’une plainte à l’hôpital est possible dans tous les services d’urgence de l’AP-HP depuis l’automne 2023. Pour peu que le médecin urgentiste prenne en charge une personne venue “consulter pour traumatisme”il doit lui demander “si sa consultation est liée à des violences subies dans un contexte conjugal” et si elle « Je souhaite porter plainte ».

En cas de plainte, “le médecin contacte la police via une ligne téléphonique dédiée” et “l’audience se déroule au sein du service d’accueil des urgences, dans une salle mise à disposition par l’hôpital et garantissant la confidentialité des échanges”. La patrouille de police envoyée dans l’établissement apparaît en tenue civile, par souci de discrétion et pour faciliter l’établissement d’un lien de confiance. Des travaux de collecte de preuves médico-légales peuvent également être menés en parallèle au moyen d’échantillons, y compris en l’absence de plainte.

Le recours à ce système est déjà possible dans au moins 236 hôpitaux français, selon le gouvernement. Mais d’un endroit à l’autre, les modalités pratiques diffèrent. Dans de nombreux hôpitaux, comme à Rouen (Seine-Maritime) ou à Nantes (Loire-Atlantique), la procédure ne prévoit pas d’intervention de la police ou de la gendarmerie au sein de l’établissement. Les victimes sont accompagnées par du personnel médical pour remplir un formulaire simplifié, qui est ensuite transmis directement par l’hôpital aux enquêteurs. Une audition du plaignant peut avoir lieu ultérieurement.

2 Quel est l’intérêt de cette procédure ?

Elle vise à libérer davantage la voix des victimes, qui ne peuvent, ou n’osent pas toujours, ouvrir la porte d’un commissariat. « Il s’agit d’éviter le phénomène des victimes perdu”se défend l’urgentiste Benjamin Paule, l’un des premiers à avoir testé le dispositif, en 2020, au Cateau-Cambrésis (Nord). On se rend compte qu’il y a beaucoup de conjoints violents qui attendent des victimes sur le parking de l’hôpital, que beaucoup de patients changent d’opinion”expliquait-il en 2023 sur franceinfo. Sans cet appareil, certains “aurait certainement renoncé à dénoncer les faits subis”propose également l’AP-HP. Un constat partagé par les policiers franciliens.

« Ces victimes nous échapperaient s’il n’y avait pas ce partenariat avec l’hôpital. Ils ne seraient certainement pas venus, ou peut-être trop tard, pour fournir des preuves et un témoignage suffisamment solides à un magistrat.

Omar Merchi, commissaire de police à Paris

à franceinfo, en 2023

La victime peut avoir plus de facilité à se confier dans un environnement médical. « Dans un commissariat, c’est très autoritaire, alors que les infirmières sont plus agréable”a déclaré l’un d’eux, soigné à l’hôpital de Rouen, près de France 3. « Se rendre au commissariat, c’est toujours difficile »renchérit l’avocate Michelle Dayan, présidente de l’association Lawyers for Women, d’autant plus que les victimes « ont souvent peur de ne pas être cru ». “A l’hôpital, ils se sentent en sécurité”salue-t-elle sur franceinfo.

En recherchant les plaintes à la Source, les enquêteurs gagnent un temps précieux. “A partir du moment où l’on dispose rapidement des incapacités totales temporaires (ITT) physiques ou psychiques et des déclarations de la victime, ces étapes sont déjà vérifiées”ainsi décrivait un policier parisien en 2023. Une première étape indispensable qui permet d’accélérer l’enquête de voisinage, les auditions des proches, ou encore l’éventuel placement du suspect en garde à vue.

3 Comment s’effectuera l’extension de ce système ?

Le recours à ce système sera étendu à 377 structures d’ici fin 2025, soit « tous les hôpitaux qui disposent d’un service d’urgences et d’un service de gynécologie »a déclaré la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Salima Saa, lundi, sur franceinfo. De nombreux hôpitaux resteront donc exclus de cette mesure, dans un pays qui a 1 347 établissements publics de santé, selon la Cour des comptes.

Si le principe du système est largement salué, les annonces du gouvernement s’accompagnent d’une certaine prudence. Il faut dire que, dès 2019, au moment du Grenelle des violences conjugales, l’exécutif avait déjà promis une généralisation d’ici 2020. « Tant du côté des policiers que du côté des soignants, il y a un manque de moyens qui fait que, déjà, pour leurs missions traditionnelles, ils ont du mal à tout faire. C’est la raison pour laquelle cette mesure est sans cesse annoncée et sans cesse repoussée »souligne la présidente de la Fondation des Femmes, Anne-Cécile Mailfert, sur France 2.

« Nous avons déjà un stock faramineux de plaintes non traitées »ajoute l’avocate Michelle Dayan, pour qui “il faudra des moyens pour que ce ne soient pas que des effets d’annonce”. D’autres acteurs appellent au renforcement de l’ensemble de la chaîne criminelle. Déposer une plainte à l’hôpital «ne garantit malheureusement pas que l’enquête environnementale et l’interrogatoire des proches soient systématiquement mis en œuvre»souligne l’avocate Violaine de Filippis-Abate. Aider à déposer une plainte est une chose, empêcher qu’elle soit rejetée en est une autre.


Si vous êtes victime de violences conjugales, ou si vous vous inquiétez pour un membre de votre entourage, il existe un service d’écoute anonyme, le 39 19, joignable gratuitement 24h/24 et 7j/7. Ce numéro garantit l’anonymat des personnes, mais n’est pas un numéro d’urgence comme le 17 (ou le 114 par SMS) qui permet, en cas de danger immédiat, de téléphoner à la police ou à la gendarmerie. Il est également possible d’envoyer un rapport par messagerie instantanée. D’autres informations sont également disponibles sur le site Service-public.fr.

 
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