Depuis quelques temps, une file de plus en plus longue se forme devant un comptoir de bagels du Plateau Mont-Royal. A chaque fois je suis émerveillé par l’enthousiasme des touristes prêts à attendre pour goûter ce qui me semble assez exquis, mais finalement banal… Qu’est-ce qui les amène ici ?
Le bagel & café St-Viateur Mont-Royal existe depuis 28 ans, mais vit un tout nouveau chapitre depuis 2021. Selon les observations de Benjamin Choquette, gestionnaire des réseaux sociaux de l’entreprise, le bagel montréalais connaît une popularité sans précédent auprès des touristes. : «Maintenant, les trois choses que les gens veulent essayer lorsqu’ils viennent à Montréal sont : la poutine, le smoked Meat, le bagel. »
On est d’accord, les bagels ravissent nos papilles (et nous tapent un peu en bouche) depuis longtemps. Leur origine est semée de mystère, comme en témoignent les recherches de ma collègue Silvia Galipeau, mais une chose est sûre : ils attirent les foules depuis des décennies.
Consultez l’article « La grande histoire des petits bagels »
Comme me l’a fait remarquer Élise Tastet, fondatrice du guide d’adresses gourmandes Tastet : « Bagel St-Viateur et Bagel Fairmount ont des files d’attente depuis leur ouverture [respectivement en 1957 et en 1949, dans le quartier Mile End]. Cela fait partie de notre histoire gastronomique et culturelle. Tous les guides et circuits gourmands de la région s’y arrêtent. »
Or, le chiffre d’affaires du St-Viateur bagel & café Mont-Royal a doublé entre 2020 et aujourd’hui, selon le copropriétaire José Restrepo. Le phénomène s’amplifie donc… En quatre ans, l’établissement a revu sa formule – passant du service à table aux commandes au comptoir – mais il a aussi vu une foule de touristes frapper à sa porte. Environ 60 % de sa clientèle voyage en métropole.
Les gens arrivent de l’aéroport et viennent directement manger avant de se rendre à l’hôtel… Regardez, tout le monde a une valise !
José Restrepo, copropriétaire du St-Viateur bagel & café Mont-Royal
En effet, les clients qui dégustent leur bagel ce petit matin pluvieux ont tous une valise aux pieds. L’image est éloquente. Comment l’expliquer maintenant ?
Pour Benjamin Choquette, le fait que le café se retrouve sur plusieurs listes de recommandations touristiques y est pour beaucoup. Élise Tastet n’a pas de mal à y croire : « Nous avons 10 000 lecteurs par jour qui cherchent un lieu pour répondre à leurs besoins. Le gros avantage du bagel, c’est que pour moins de 5$, vous pouvez prendre un petit-déjeuner, un déjeuner ou une collation. C’est unique et amusant. »
Les touristes seraient donc attirés par un plat délicieux et économique, aujourd’hui emblématique de l’identité montréalaise. Chicago a sa pizza « deep Dish », Philadelphie, son « cheesesteak » et Montréal, ses bagels.
« Quand des médias comme Condé Nast Traveler et Culture Trip mentionnent St-Viateur, les bagels Fairmount, et même les plus récents acteurs du domaine comme Le Trou, comme aliments à consommer absolument lors d’un séjour dans la métropole, cela fait son chemin dans l’esprit des gens. visiteurs, estime Catherine Lefebvre, animatrice de l’émission podcast On s’appelle et on déjeune. À force de le répéter, les touristes finissent par faire une association indissoluble entre le bagel et Montréal. »
A tel point que le bagel se porte fièrement ! (Oui, porte.)
«Les gens viennent au café pour acheter des objets promotionnels et non des bagels», s’émerveille Benjamin Choquette. Au lieu d’acheter un pull avec un orignal ou une fleur de lys, ils repartent avec un t-shirt St-Viateur. »
Dans l’entrée du café se trouve également une paire de chaussures Dunk Low Montreal Bagel. Je vous rappelle qu’en janvier 2023, Nike a lancé ce modèle d’espadrilles recouvertes d’un imprimé graines de sésame pour rendre hommage à Montréal.
« Une telle collection renforce le symbole du bagel comme aliment incontournable de la culture culinaire montréalaise au-delà des gourmets qui recherchent cet aliment spécifique », estime Catherine Lefebvre. Il touche un public beaucoup plus large. Et même s’il ne met pas la main sur ces chaussures, il y a de fortes chances qu’il pense davantage aux bagels s’il vient à Montréal. »
Selon José Restrepo, ce qui était d’abord un classique du Mile End est aujourd’hui un classique montréalais. Les habitants de la métropole ont adopté le plat et leur attachement rayonne à travers le monde. Chaque matin, les habitués du quartier viennent récupérer leur bagel frais avant de partir travailler. Ils côtoient alors des gens venus du Mexique, de France et de Toronto. Tous sont appelés par le même délice. Et, bonne nouvelle, personne ne semble craindre la file d’attente qui s’allonge devant le magasin…
(Ça bouge vite, de toute façon.)