La cloche sonne. “Est-ce la demi-heure?” », demande un étudiant. “Non, les deux heures sont terminées !” », répond son professeur. La situation en dit long sur les premiers résultats observés au collège La Source de Mouthe, après neuf semaines de fonctionnement en groupes de niveau. Une série de mesures baptisée Choc de la connaissance qui était pourtant loin de faire l’unanimité lors de son annonce.
« Les familles étaient inquiètes », se souvient Nathalie Albert-Moretti, la rectrice. « Ils craignaient que le point d’arrivée ne soit pas le même pour les différents groupes. Evidemment, ce serait une catastrophe totale, car ce ne serait plus l’école de la République. » « Une mère m’a dit : ‘Si ma fille est dans ce groupe, elle a peur de ne pas en faire assez’ », illustre Aurélie Allaire, professeur de mathématiques à Mouthe, qui avoue avoir fait partie des sceptiques. « Mais non, ce n’est pas du tout l’idée, on fait exactement la même chose d’un groupe à l’autre et le programme est traité de la même manière. C’est juste que nous nous adaptons au rythme de chacun et avons des stratégies différentes. A 12 élèves, on ne fait pas le même travail qu’à 28. »
« Il n’y a plus de réticence à être jugé par les autres »
À écouter les professeurs, les bénéfices sont stupéfiants. «Maintenant, j’ai des élèves qui osent parler, dire qu’ils n’y arrivent pas, alors que s’ils étaient dans une classe de 30, je ne les verrais pas», s’interroge Virginie Morel, professeur de mathématiques. « Ils lèvent à peine la main, mais au moins ils le font ! “Il n’y a plus de réticence à être jugé par les autres”, renchérit Eric Laplaza, directeur du collège. « Ils ont envie de venir, d’investir et de progresser », résume Virginie Morel. D’autant que, pour éviter toute stigmatisation, les groupes portent des noms d’écrivains ou de scientifiques.
En français, les professeurs ont mis en place un système de ceintures, comme en judo, pour faire progresser les élèves. Encore une fois, ça marche. « Il y en a qui n’ont pas développé leur rôle de lecteurs. Quand, après sept semaines, ils sont fiers de dire avec des étoiles dans les yeux qu’ils ont enfin lu un livre entier, quand ils demandent à faire le jardin littéraire, le cercle de lecture ou à présenter leur histoire, je pense que nous avons gagné quelque chose. se réjouit Anne-Sophie Karika, professeur de français.
« Les élèves modèles en groupe deviennent perturbateurs en classe »
« Surtout, cette approche pédagogique est permise parce que nous en avions les moyens et grâce au travail d’organisation exceptionnel de Stéphanie Coulon (la directrice adjointe, NDLR) », insiste Alhia Mareschal, professeur de français, avec l’approbation de ses collègues. . « Tant que le cadre est ultra-propice, nous n’avons nous aussi qu’une seule envie, celle d’en profiter et de l’exploiter. »
Mais la preuve du succès de cette mesure réside dans ses limites. « Dans les autres classes, ils se perdent encore », regrette Alhia Mareschal. « Les élèves modèles en groupe deviennent perturbateurs en classe. » Malheureusement, les enseignants des autres matières n’étaient pas autorisés à fréquenter les groupes de niveaux. Si le climat scolaire s’est nettement apaisé au collège, les améliorations observées en français et en mathématiques ne se répercutent pas en histoire-géographie ou en SVT.
Face à ce nouveau défi, le recteur veut rester optimiste : « J’espère qu’en prenant confiance petit à petit, ils géreront mieux ce temps en classe. C’est le but. »