LL’affiche du film « Olympe, une femme dans la Révolution » trône au milieu de la salle de réunion. Sur les chaises, prennent place les élèves des quatrième et troisième sections de l’enseignement général et professionnel adapté (Segpa). Chacun sort de son sac à dos une feuille de papier sur laquelle il a écrit quelques questions.
C’est une journée un peu particulière au collège Lubet-Barbon à Saint-Pierre-du-Mont. Ce mercredi 20 novembre 2024, Julie Gayet et Mathieu Busson sont présents pour évoquer cette fiction qu’ils ont co-réalisée. Et qui devrait être diffusé sur les chaînes de France Télévisions aux alentours du 8 mars 2025, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes.
Les deux amis ont relevé le défi de raconter la vie d’Olympe de Gouges en quatre-vingt-dix minutes. Femme de lettres et dramaturge du XVIIIe sièclee siècle, elle est pour Mathieu Busson « l’une des femmes les plus symboliques de la Révolution française ». Elle est restée dans la postérité pour sa Déclaration des droits des femmes et des citoyens et pour son combat pour les droits civiques des femmes et l’abolition de l’esclavage. Julie Gayet voit en elle un personnage « humaniste avant d’être féministe », elle qui « s’est battue pour le peuple, pour les autres ».
Être en résonance avec l’actualité
L’actrice a longtemps hésité avant de jouer le dramaturge. Après un long travail de documentation, au point de « connaître sa vie par cœur », elle parvient « à imaginer ce qu’elle était ». Même si les travaux de recherche sur cette figure de l’époque restent récents. « La première biographie d’Olympe de Gouges date de 1981. Quand j’étais au collège, on ne la connaissait pas », se souvient-elle.
Dans le public, les questions abondent pour en savoir plus sur le processus créatif d’un film. Dix-neuf jours de tournage et 60 personnes ont été nécessaires pour réaliser « Olympe, une femme dans la Révolution ». Pour Julie Gayet et Mathieu Busson, cette fiction leur permet de mettre en avant un « point de vue », des « batailles » qui entrent en résonance avec l’actualité. « Quand on observe le traitement barbare réservé aux femmes dans des pays comme l’Iran ou l’Afghanistan, c’est ahurissant. Ce sont des choses qui ne devraient plus exister», dénonce le réalisateur.
« Quand on observe le traitement barbare réservé aux femmes dans des pays comme l’Iran ou l’Afghanistan, c’est hallucinant »
La scène du mariage forcé d’Olympe de Gouges, alors âgée de 17 ans, avec Louis-Yves Aubry, a suscité des interrogations chez les adolescents. Clément Barrier, professeur d’histoire et de géographie, a constaté lors de la préparation de cette rencontre la motivation des étudiants lorsqu’on aborde cette thématique de la place des femmes. « Il a fallu leur expliquer qu’à cette époque, être veuve était une opportunité. Elle s’est même affirmée libertine plus tard dans sa vie. De plus, certains étudiants sont plutôt conservateurs (rires). »
La guillotine a également suscité de nombreux fantasmes dans le public. D’autant plus lorsqu’ils apprirent que cet instrument d’exécution appartenait à un collectionneur. «C’est un psychopathe», ne peut se retenir l’un des jeunes. « Faire des films d’époque demande une préparation très longue à l’avance. Les décors et les costumes demandent beaucoup de réflexion. Tout est compliqué», poursuit Mathieu Busson. Même s’ils se sont permis de changer un nom ou une date pour ce film. « Nous ne sommes pas des historiens », précise-t-il.
Collectif 50/50
Au fil des échanges, les sujets abordés ont été pluriels : les inégalités salariales, la parité (les deux acteurs font partie du collectif 50/50, une association dont le but est de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes), l’endométriose ou encore les violences sexistes et sexuelles. « Ce ne sont pas les femmes qui sont fragiles, ce sont leurs droits. On ne naît pas féministe : on le devient », a réaffirmé Julie Gayet devant le parterre d’adolescents.
Derrière l’importance de raconter cette histoire, les réalisateurs ont souligné qu’Olympe de Gouges “n’avait pas peur de mourir pour ses idées” et qu’elle “avait transmis quelque chose” sans que “le combat ne soit fini”. « . Condamnée par le tribunal révolutionnaire en 1793, elle profite de ses derniers instants pour adresser une lettre à son fils, Pierre Aubry de Gouges. Avant son exécution sur l’échafaud, elle prononcera ses dernières paroles : « Enfants de la patrie, vous vengerez ma mort. » Les étudiants du collège Lubet-Barbon peuvent désormais poursuivre ce combat.