« Nous ne pouvons pas fournir des soins appropriés ni répondre à la demande. Le ratio orthophonistes/population n’est pas suffisant. » Un peu plus d’un an après l’appel à la grève nationale lancé par l’intersyndicale de la profession, rien ou presque n’a changé.
“Ce n’est pas glorieux”confirme Françoise Moreau, basée à Échiré, représentante de la délégation des orthophonistes des Deux-Sèvres au sein de la Fédération nationale des orthophonistes (FNO) et déléguée de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS). « Nous sommes 45, libéralement, dans le département. » A titre de comparaison, fin 2023, il y en avait 38, “la catastrophe”.
Une toute petite amélioration donc, qui ne change rien à la difficulté d’obtenir un rendez-vous rapidement : « Sur ma liste d’attente, il y a 62 personnes, avec 18 mois d’attente en moyenne. »
« Le manque d’orthophonistes dans les structures hospitalières et médico-sociales nous impacte en privé »
Face à une demande croissante, notamment parce que la population vit plus longtemps, l’orthophoniste a établi des pathologies à traiter en priorité : « Problèmes neurologiques, bégaiement, problèmes de voix ou oraux et troubles de l’alimentation. » Les suivis concernant les apprentissages, le langage oral et les troubles neurodégénératifs restent les plus fréquents.
« Le manque d’orthophonistes dans les structures hospitalières et médico-sociales, où de nombreux postes sont vacants, nous impacte sur le plan privé. Nous devons prendre en charge encore plus de patients touchés. Conséquence : il n’y a plus de place pour les autres, qui ont aussi besoin de soins »déplore Françoise Moreau. Sachant qu’en moyenne, les suivis d’orthophonie durent d’un an à un an et demi, à raison d’une à deux séances par semaine.
Vie professionnelle et personnelle
Comment expliquer cette situation ? Un obstacle majeur persiste : le salaire. « A l’hôpital, on démarre au smic majoré de 60 euros, ce qui n’est pas beaucoup pour un métier qui demande cinq années d’études. » La rémunération n’est plus motivante pour les étudiants qui envisageraient de travailler en freelance. « Après avoir payé les charges, nous sommes autour de 35 000 euros par an de bénéfices. »
Autre élément de réponse : les jeunes professionnels préfèrent rester à proximité des centres de formation, situés en ville. “Le conjoint ne trouve pas forcément du travail ailleurs”explique Françoise Moreau en mettant l’accent sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
«Ils n’ont pas forcément de solution de transport»
Dans le département, des installations récentes concernent les jeunes «parfois en reconversion». La présence d’établissements d’hébergement regroupant plusieurs métiers de la santé et l’aide à l’installation dans les zones tendues en ont encouragé certains.
Françoise Moreau accueille également des étudiants pour des stages. Ils ont souvent des attaches dans les Deux-Sèvres et une possibilité de logement. « S’ils viennent de Poitiers, ils n’ont pas forcément de solution de transport. »
Pour les patients aussi, la question du transport est cruciale. « Certains viennent des départements voisins à 30 ou 40 minutes de voiture, en aller simple. C’est fatigant et cher. Les grands-parents sont souvent invités à accompagner les enfants aux rendez-vous. »
Le professionnel, seul orthophoniste du centre de santé d’Échiré, garde espoir : « Peut-être que certains stagiaires s’installeront dans les Deux-Sèvres. » Elle apprécierait la présence d’un deuxième spécialiste à ses côtés.
Une aide de 30 000 € pour s’installer
Au plus bas, 34 orthophonistes exerçaient en libéral, dans les Deux-Sèvres, en 2021. Fin 2023, ils étaient 38, pour atteindre, fin septembre 2024, 45 spécialistes en exercice. « On revient aujourd’hui au nombre de professionnels présents dans la région entre 2014 et 2016. Mais, entre-temps, la demande a explosé. Il faut deux à deux ans et demi pour attendre les enfants. »indique Julien Bouchereau, chef du service santé à la CPAM des Deux-Sèvres.
Parmi ces 45 orthophonistes, “trois ou quatre se sont installés grâce à l’aide du Département”. S’ils choisissent une « zone sous-dense », les candidats à une première installation en freelance peuvent prétendre à une subvention de 30 000 €, étalée sur cinq ans, afin d’équiper leur cabinet.