Ce programme de formation, explique son directeur, le colonel Guillaume (l’armée française ne divulgue pas les noms de famille), représente une « évolution majeure » par rapport à ceux déjà mis en œuvre en France et ailleurs en Europe. Inscrit dans le cadre de la mission de formation de l’Union européenne, il a été « co-construit » avec des instructeurs ukrainiens, également présents sur place pour encadrer les nouvelles recrues aux côtés de 1 400 militaires français. Avec neuf semaines de formation pratique, il est plus long que le programme standard de cinq semaines utilisé par l’armée britannique en East Anglia dans le cadre de l’opération Interflex, qui a déjà formé 45 000 Ukrainiens.
Ce qui est nouveau, c’est la décision de former, livrer et équiper une brigade par une force européenne (avant la contre-offensive ukrainienne de l’année dernière, l’Amérique avait mené un effort similaire en Allemagne). Rejointe par 1 500 soldats déjà formés en Ukraine, « Anne de Kiev », comme est surnommée la nouvelle brigade, sera composée de deux postes de commandement, de trois bataillons d’infanterie et d’unités complètes de soutien logistique. Un train de marchandises transportant un premier lot de 100 véhicules blindés pour la brigade quittera prochainement la France à destination de l’Ukraine, a déclaré le 14 novembre Sébastien Lecornu, le ministre de la Défense. La brigade recevra également des obusiers César, des systèmes de défense aérienne à courte portée, des systèmes anti-aériens. -des lanceurs de missiles de char et d’autres équipements que les Ukrainiens sauront utiliser et entretenir. En outre, les avions de combat français Mirage 2000, qui sont en cours d’adaptation pour transporter des missiles de croisière français SCALP, arriveront en Ukraine plus tard l’année prochaine.
Selon M. Lecornu, ce nouveau programme de formation pourrait contribuer à assurer un meilleur retour tactique sur le champ de bataille. Dans un rapport publié en juillet par le Royal United Services Institute, un groupe de réflexion britannique, Jack Watling et ses co-auteurs soulignent que le manque de familiarité des Ukrainiens avec les équipements mis à leur disposition et l’absence de formation collective sont deux lacunes qui contribuent à expliquer les échecs des opérations de contre-offensive en 2022 et 2023. À un moment donné, notent les auteurs, chaque brigade ukrainienne entraînée a utilisé et tenté d’entretenir jusqu’à cinq types différents de véhicules blindés.
Les Français ont dû adapter le système à l’évolution de la situation sur le front, explique le colonel Philippe, responsable de l’exercice final. Les Français ont dû creuser des tranchées plus larges pour correspondre à celles des Ukrainiens. Les visiteurs ont demandé plus de temps avec les drones. Toujours à la demande des Ukrainiens, l’exercice final est axé sur la défense. Les troupes sont sorties depuis la veille, survolées par des avions et des hélicoptères français, afin de tester leur résistance à la fatigue et au stress. Les grenades sont utilisées pour simuler des frappes aériennes. Les entraîneurs militaires français insistent sur le fait que, malgré les problèmes de conscription de M. Zelensky, ces stagiaires – dont la moyenne d’âge est de 38 ans – sont motivés. «Ils apprennent deux fois plus vite que nos propres recrues», explique un instructeur.
Malgré tous ses mérites, cet effort risque d’être trop limité et trop tard. Au cours des derniers mois, l’Ukraine a perdu des territoires au profit de la Russie sur plusieurs points de la ligne de front. Ses forces sont épuisées et l’Ukraine peine à mobiliser de nouveaux conscrits. En septembre, M. Zelensky a déclaré qu’il lui fallait 14 nouvelles brigades, suggérant que même quatre d’entre elles n’étaient pas encore équipées malgré les promesses des alliés. L’élection de Donald Trump a modifié le climat diplomatique. M. Macron est peut-être devenu l’un des faucons les plus virulents d’Europe. « Rien ne doit être décidé en Ukraine sans les Ukrainiens, ni en Europe sans les Européens », a-t-il déclaré à Paris le 12 novembre. Mais lui et ses compatriotes européens craignent de ne pas avoir leur mot à dire sur la suite des événements. Le mieux qu’ils puissent espérer est d’aider les Ukrainiens à acquérir un avantage tactique afin de renforcer leur position de négociation.