Pour célébrer son 1 150e anniversaire, la Monnaie de Paris a lancé en 2014 la collection « Excellence à la française », en hommage aux grandes institutions et maisons françaises (le Louvre, Dior…). A quelques semaines de la réouverture de Notre-Dame de Paris, l’établissement parisien présente aujourd’hui une nouvelle collection de sept pièces à l’effigie de la cathédrale. La plus prestigieuse, la pièce d’or d’un kilo, reprend la forme d’une fenêtre gothique. La façade de la cathédrale et une rosace décorent son avers (le côté droit), tandis que la nef reconstituée et sa charpente se déploient au revers de la monnaie. De la gravure à la frappe, en passant par le délicat émaillage de la rosace, suivez le parcours de création de cette pièce d’exception dans les ateliers de la Monnaie de Paris.
Le dernier atelier monétaire en France
Créée en 864 sous Charles II, la Monnaie de Paris est installée le long de la Seine, quai de Conti dans le 6ème arrondissement de Paris, depuis 1775. Elle est le dernier atelier subsistant de l’ancien réseau monétaire français. Si son site de Pessac en Gironde frappe les monnaies actuelles, le site historique du quai de Conti est dédié à la fabrication de pièces de collection.
Les sept monnaies de la collection dédiée à Notre-Dame de Paris © Monnaie de Paris
Trois cent cinquante artisans y travaillent, répartis dans une quinzaine d’ateliers. Parmi eux, l’atelier de gravure où sont conçus les modèles et les pièces préparatoires de chaque nouvelle collection, et l’atelier des monnayeurs, où sont frappées les monnaies. Les plus prestigieuses, comme les médailles ou les pièces « kilo d’or », sont ensuite envoyées à l’atelier d’émaillage.
La pièce d’or d’un kilo est présentée dans un coffret en bois, rendant hommage à la charpente de Notre-Dame de Paris © Monnaie de Paris
La collection « Excellence française »
Depuis 2014, la Monnaie de Paris réalise chaque année une collection d’excellence, en association avec une institution ou une maison prestigieuse. Il comprend des pièces de différents métaux – or, argent, cuivre – et une pièce d’or pesant un, parfois deux kilos, vendues aux collectionneurs. Cette année, la cathédrale Notre-Dame de Paris est à l’honneur pour sa réouverture prévue le 8 décembre. Pour réaliser les maquettes, les artisans de la Monnaie de Paris et ceux de Notre-Dame se sont longuement consultés.
La pièce d’un kilo d’or, la pièce la plus exceptionnelle de la collection Notre-Dame © Guillaume de Roquemaurel
Dans l’atelier de gravure
La phase de création commence dans l’atelier de gravure. Neuf graveurs y travaillent, tous formés dans des écoles prestigieuses comme l’école Boulle, l’école Estienne, ou encore les Beaux-Arts. Il faut une dizaine d’années à un graveur de la Monnaie de Paris pour maîtriser l’ensemble des connaissances du métier : dessin, modelage, gravure, outillage creux et inversé dans l’acier, logiciels informatiques et outils de production à commandes numériques.
The matrix being engraved © Monnaie de Paris
Le graveur propose d’abord un modèle sous forme de dessin. Une fois validé, celui-ci permet de réaliser une première esquisse en volume, à l’aide de plastiline, une pâte à modeler. Ce dernier est ensuite utilisé pour créer un plâtre négatif, qui sera retravaillé. Une fois le modèle terminé, un plâtre positif est coulé à partir du négatif. « Une maquette est réussie lorsqu’il y a une adéquation entre le volume et le design. La difficulté de notre métier est de devoir créer des raccourcis pour donner l’illusion de la profondeur » souligne Yves Sampo, maître graveur-médaillé responsable de l’atelier.
La matrice gravée qui servira à frapper les pièces © Monnaie de Paris
Une monnaie à la forme originale
Pour la collection Notre-Dame de Paris, le choix de la forme à donner à la pièce « kilo d’or » a été fait en concertation avec les menuisiers du chantier de la cathédrale, que les graveurs ont rencontrés. Ils optent pour une forme de fenêtre à meneaux, fenêtre typique de l’architecture gothique, permettant de faire apparaître la façade de Notre-Dame et sa rosace colorée sur l’avers, et l’intérieur de la cathédrale de l’autre côté. et le cadre reconstruit.
Les flancs, découpés et polis au laser, avant d’être frappés © Monnaie de Paris
Lorsque la forme de la gravure est prête, la matrice est envoyée à l’atelier où sont assemblées les machines utilisées pour la frappe. Le métal, découpé au laser et poli en forme de flanc, est placé dans une virole et frappé. C’est un travail très minutieux où il faut prendre son temps pour que tout soit parfait. Ensuite, pour colorer la rosace de la cathédrale, les pièces d’or « kilo d’or » sont envoyées à l’atelier d’émaillage.
Le flanc est placé dans un obus avant d’être percuté par un engin exerçant une force d’environ sept cents tonnes © Monnaie de Paris
Obtenez l’émail le plus transparent possible
L’application de l’émail, une poudre de cristal colorée avec des oxydes métalliques, représentait un défi pour l’atelier. L’objectif était de retrouver un « renflement » équilibré et de conserver la transparence des couleurs pour faire apparaître les motifs ciselés. Pour obtenir un émail le plus transparent possible, les couleurs sont broyées, affinées au maximum, puis lavées, c’est-à-dire nettoyées à l’eau déminéralisée jusqu’à ce que l’eau de rinçage soit totalement transparente.
Plusieurs compétences ont été sollicitées pour la création de cette pièce, par exemple l’émaillage pour la coloration de la rosace © Monnaie de Paris
L’émail est ensuite posé humide sur la pièce et sèche plusieurs heures avant d’être mis au four, partie la plus complexe du travail. Tout est fait au four, l’émail est capricieux et le four a toujours le dernier mot ; l’important est d’obtenir une rosace aux couleurs transparentes et un « renflement » parfaitement homogène sur l’ensemble de la pièce. Le four est chauffé entre 750 et 900 degrés, le temps de cuisson est très rapide – entre 3 et 4 minutes – et la cuisson se fait sous l’oeil de l’émailleur.
La rosace émaillée, révélant par transparence les motifs gravés © Monnaie de Paris
« Notre-Dame représente pour nous un symbole fort, un point culminant de rénovation et de renouveau après ce drame. Nous y avons mis tout notre cœur. » résume Catherine Vérin, joaillière-émailleur. Le résultat en témoigne : la pièce est lumineuse, fine, précise, et rend un parfait hommage à la nouvelle cathédrale restaurée.
Aujourd’hui, des métiers vieux de plusieurs siècles deviennent métiers rares !
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Il devient aujourd’hui nécessaire de se mobiliser pour que les artisans soient reconnu en véritables créateurs et qui sont mis en œuvre les moyens nécessaires à la transmission et à la perpétuation de leur savoir-faire.