C’est Bernard Laporte qui a nommé Fabien Galthié à ce poste d’entraîneur du XV de France, avant de le prolonger pour un second mandat. En France, il est aussi le seul avant lui à avoir connu le double mandat. Il pose ici un regard forcément affectueux mais aussi très informé par les défis qui attendent son ancien capitaine.
Avez-vous le sentiment que cette réussite est avant tout celle de Fabien Galthié ?
J’ai une confiance aveugle en Fabien, je sais ce qu’il vaut. Au fond, je suis convaincu que pour Fabien, c’est avant tout la victoire des joueurs qu’il a choisis. Un coach ne peut pas s’approprier un succès. Fabien ne fonctionne pas comme ça.
Il a pourtant fait des choix forts ces dernières semaines qui ont tous été validés sur le terrain aussi bien face aux Noirs que face au Japon…
Je ne pense pas que Fabien ait changé. La compétition fait partie de la vie d’un groupe. Il y en a toujours eu en équipe de France. Une tournée en novembre signifie des matchs amicaux. Il est maintenant temps d’essayer autant de joueurs que possible. La seule compétition à gagner en dehors de l’année de Coupe du Monde est le Tournoi des 6 Nations.
Ce succès contre la Nouvelle-Zélande, aussi étriqué soit-il, n’est-il pas un acte fondateur de son deuxième mandat comme aurait pu l’être la victoire sur cette même nation en 2021 lors du premier ?
Non, c’est un truc de journaliste. Mon sentiment est que nous leur avons donné 40 points lors du match de 2021, que nous les avons balayés lors du match d’ouverture de la Coupe du monde et que cette fois nous avons failli perdre. La conclusion que j’en tire est que les Noirs sont en train de prendre du retard. Il y a peu, ils étaient au plus bas, aujourd’hui, ce n’est plus la même musique. Je n’ai donc pas du tout la même analyse que vous. C’est comme les Jeux Olympiques. En France, on est heureux quand on remporte seize médailles d’or alors que tous les autres pays organisateurs en remportent habituellement trente. Cela me fait rire. Après, c’est évident que pour Fabien et les joueurs, battre les Noirs, c’est toujours bon pour leur confiance. La symbolique est forte, elle donne de l’énergie. Mais ne nous emballons pas : l’équipe qui domine le monde aujourd’hui est l’Afrique du Sud.
Vous êtes le seul sélectionneur français, avant Fabien Galthié, à avoir eu un deuxième mandat à la tête de l’équipe de France. En quoi est-ce plus difficile que le premier ?
Je ne pense pas que ce soit plus difficile. Sur le plan personnel, après la Coupe du monde 2003, l’équipe a relativement peu changé, à l’exception de l’abandon de Fabien (Galthié). Et nous avons gagné le Grand Chelem en 2004.
Pourtant, l’année 2024 n’a pas forcément été de tout repos pour Fabien Galthié et le XV de France, malgré une deuxième place au Tournoi et une victoire du tour en Argentine…
Commençons par rappeler que le XV de France a disputé le Tournoi des 6 Nations sans Antoine Dupont. Ce sont toujours des données importantes. Cela ne veut pas dire que les autres ne sont pas bons, mais ce n’est pas anecdotique. Au contraire. Ensuite, je pense que la défaite en quarts de finale a été traumatisante. Un véritable revers. J’ai été le premier à être convaincu que nous serions champions du monde. Alors mettez-vous à la place des joueurs ! La gifle contre l’Irlande, c’est que les gars avaient tous encore la tête au fond du seau.
Considérez-vous que Fabien Galthié a changé de direction ces dernières semaines ?
Tout le monde évolue : hommes, femmes, chefs d’entreprise, responsables sportifs. Selon les circonstances, des expériences réussies ou ratées… C’est un paramètre de la vie. Mais j’entends déjà cette petite musique qui joue sur Fabien qui laisse penser qu’il est le meilleur, que ceci, que cela… Et si on ne gagne pas le Tournoi, tout le monde dira que c’est le pire. C’est insupportable. Ne tirons pas de conclusions trop hâtives.
La gestion du cas de Matthieu Jalibert n’est-elle pas symbolique de cette évolution du management ?
Les déclarations de Fabien ne sont pas méchantes. Ce n’est pas Galthié qui a viré Jalibert, c’est Jalibert qui voulait partir. Ce n’est pas la même chose. Fabien est le patron du XV de France, il a jugé que la complémentarité entre Ramos et Dupont était précieuse, que Dupont pouvait jouer en ouverture. Barre de points. Ce sont les choix d’un entraîneur. Rien d’autre. C’est le travail d’un entraîneur. Fabien prend ses responsabilités, il les assume. Il savait très bien que si Ramos n’avait pas été bon, tout le monde lui serait tombé dessus. C’est comme la vie d’un entraîneur. D’ailleurs Fabien sait bien que si les Noirs avaient gagné d’un point, il aurait eu l’air d’un perdant. C’est pourquoi il faut être prudent.
Pour conclure la tournée, le XV de France affronte vendredi l’Argentine, un match piège…
(Il coupe) Pourquoi un match piège ? L’Argentine est une grande équipe, ce n’est pas un piège. Cela voudrait dire qu’il faut forcément gagner contre les Pumas. Non, ce n’est pas vrai. Je suis bien placé pour le savoir. Vous verrez que vendredi prochain ce sera un très gros match de rugby. Pour préparer le Tournoi, ce serait bien de sortir de ce tour avec trois victoires. Cela nous permettra de bien préparer le Tournoi. Car, je le répète, c’est LE concours à gagner l’année prochaine.