Par
Nicolas Giorgi
Publié le
17 novembre 2024 à 18h12
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Une ancienne commerciale qui ouvre sa chocolaterie, un paysagiste qui prend des photos après un accident de taille-haie, un ancien jockey qui décide d’élever des chèvres sur le plateau picard après une mauvaise chute à cheval… Ce ne sont pas les histoires de transition de carrière inspirantes qui manquent dans l’Oise.
Il y a quelques semaines, la rédaction deActualités Oise a lancé un appel à témoins sur ce sujet. A notre agréable surprise, nous avons reçu plusieurs dizaines de propositions de témoignages et avons ainsi pu échanger avec certains de ces audacieux qui a décidé de franchir le pas.
Leur voyage n’a pas toujours été un long fleuve tranquille (certains sont même retournés à l’école à la quarantaine), mais tous ont en commun d’être attentifs à la petite voix qui murmure à leurs oreilles, parfois depuis des années. Témoignages.
Coiffeuse depuis 15 ans, Véronique s’épanouit aujourd’hui en tant que DRH
Véronique Skoric a choisi d’échanger les bigoudis et les permanentes contre des feuilles de calcul Excel et des entretiens d’embauche. Celle qui a débuté par un CAP coiffure à 20 ans, a décidé à 35 ans de quitter son emploi pour travailler dans le Ressources humaines. Pour ce faire, elle a pu recourir au Conseil de développement professionnel (CEP).
Encore trop méconnu, ce service public, fil conducteur de l’accompagnement des travailleurs, s’adresse aussi bien aux salariés indépendants qu’aux entreprises et permet de créer des formations « sur mesure ».
Je ne savais même pas tout ce qui était possible. J’ai la chance d’avoir réalisé l’intégralité de mon cursus en alternance et d’avoir reçu de bons conseils.
Ayant traversé la crise de la trentaine, c’est en tapant un soir « reconversion professionnelle » sur Google qu’elle tombe sur un numéro vert. Cela la mènera à un conseiller en développement professionnel.
Ensemble, ils créent un projet de transition professionnelle (PTP), qui permet aux salariés de s’absenter du travail pour se former sans perte de salaire. Pour le trentenaire, cette période a duré 6 mois. « Nous avons examiné ensemble tous les mécanismes possibles et il s’est avéré que c’était ce qui lui convenait le mieux pour sécuriser son projet. Mais Véronique avait déjà un projet bien abouti lorsqu’elle m’a contacté, ce qui n’est pas le cas de tous les candidats à un changement de vie », rappelle Caroline Vilain, conseillère en évolution professionnelle chez Avenir Actif en Beauvais.
Aujourd’hui, Véronique gère toujours les plannings des équipes, mais à une toute autre échelle que celle d’un salon de coiffure. Après plusieurs formations en alternance et ayant obtenu son diplôme « Ressources Humaines Internationales », elle est aujourd’hui Directrice des Ressources Humaines chez Isagri, à Beauvais, en CDI.
Ancienne directrice commerciale, elle ouvre sa propre chocolaterie
Autre reconversion spectaculaire, celle de Laëtitia Boudra. Enfant, ce globe-trotter s’imaginait se baigner dans la fontaine de chocolat de M. Wonka, comme dans « Charlie et la Chocolaterie ». Mais ses parents voyaient d’un mauvais oeil cette nouvelle activité.
Ma famille voulait que je suive un parcours académique. Chocolatière, ça leur faisait peur, parce que ça n’avait pas l’air assez sérieux. Mon parcours a été plein de défis !
C’est donc sans en parler à ses proches qu’elle décide de reprendre discrètement des études de chocolaterie-pâtisserie au CFA de Compiègne, malgré les contraintes de son emploi du temps de commerciale dans une prestigieuse société de location de voitures. .
Il y a 5 ans, par abnégation, elle a ouvert sa propre chocolaterie, Escale pralinée. Depuis, elle a beaucoup investi dans ce projet pour exciter les papilles des gourmets et propose même une gamme garantie « sans produits d’origine animale ».
«J’ai réussi à me reconvertir»
Terrible épreuve à l’époque, son licenciement s’est finalement transformé en aubaine. Il y a six ans, Gaylord Monnier était licencié de la déchetterie où il travaillait. Vient ensuite le moment de remettre les choses en question… « J’avais l’impression que je ne pouvais que faire du gaspillage, confie-t-il.
Il suit alors les conseils d’un ami brocanteur.
Un ami m’a dit qu’avec tout ce que je savais sur les déchets, j’allais devenir le roi du pétrole en ouvrant une brocante.
Cet ami avait visiblement eu le nez creux, puisqu’aujourd’hui Gaylord a même participé à l’émission La croisière fluviale des Antiquités Françaises produit par la chaîne américaine Chaîne découverte.
En débarrassant magasins, boutiques en faillite ou particuliers, Gaylord récupère des pépites vintage qu’il revend dans son entrepôt aux airs de caverne d’Ali Bab à Mortefontaine-en-Thelle. « J’ai moi-même réussi à me reconvertir, au propre comme au figuré », sourit le gérant de The Brocant’Oise.
Cet ancien jockey passe des chevaux aux chèvres
Transformer les accidents de la vie opportunité à saisir. C’est aussi ce qu’a fait Sébastien Barbier. Il y a dix ans, cet ancien jockey de haut niveau à Chantilly et Lamorlaye, qui avait accumulé 70 victoires dont un tiercé trio à Saint-Cloud, avait fait une grave chute de cheval, le privant de sa licence de jockey. «Je me suis cassé le cou lors d’une course de cross-country», raconte-t-il.
Bien qu’il monte à cheval depuis l’âge de 14 ans, le voilà, à seulement 35 ans, contraint d’abandonner sa passion.
C’est finalement en visitant une ferme de chèvres lors d’un séjour au ski dans les Vosges qu’il a cliqué avec son épouse, Véronique. « Je suis une bonne mangeuse et j’aime être en contact avec la nature. Alors je me suis dit pourquoi ne pas ouvrir une chèvrerie ? »
Il faut parfois écouter ses envies ! Dix ans plus tard, et après avoir obtenu un certificat professionnel de directeur d’exploitation agricole (BPREA) au lycée agricole d’Airion, il ouvre La Barb’iquette, une chèvrerie artisanale.
Pour mémoire, Sébastien s’apprête également à retrouver votre licence de jockey très bientôt et de me remettre en selle pour concourir à nouveau. « C’est la preuve que quand on a une passion, elle ne nous quitte jamais complètement », commente son épouse Véronique, ancienne préparatrice en pharmacie, qui l’accompagne désormais à la chèvrerie de Plessier-sur-Bulles.
Tony Granato, 30 ans, a fait de sa photographie une passion
C’est aussi un stupide accident du travail qui a poussé Tony Granato à changer de vie. Alors âgé de 20 ans, cet ancien paysagiste a été grièvement blessé à l’aide d’un taille-haie.
J’ai mis ma main dans une haie pendant que la machine continuait de tourner. Ce qui m’a valu une vingtaine de points de suture au total. J’ai dû me lever, trouver une autre activité.
Pendant son arrêt de maladie, il a acquis un petit appareil photo Canon. « Vous connaissez les plus simples, avec le zoom qui ressort. » Il commence alors à exercer une activité parallèle de DJ around Compiègne et commence à tirer sur les amis ainsi que sur les clients des établissements de nuit pour lesquels il officie aux platines, ce qui lui ouvrira bien des portes. « Ce qui n’était qu’un hobby est vite devenu une passion », glisse-t-il. Sa notoriété naissante lui permet par la suite de couvrir vitrines d’artistes.
Aujourd’hui âgé de 30 ans, Tony dirige une équipe de trois personnes. Et à Pont-Sainte-Maxenceil est impossible de passer devant son magasin spectaculairement décoré sans lever les yeux. Ce n’est probablement qu’un début. « Je ne compte pas m’arrêter là », promet le photographe, qui vient de nouer un partenariat avec le Cinéma majestueux à Compiègne produire des vidéos pour eux sur Tik Tok.
Sans le baccalauréat, Sandrine travaille en situation de handicap
Pour certains, cette réorientation professionnelle a pris racine pendant les confinements.
C’est le cas de Sandrine Bassée, 42 ans et ancienne agente de sécurité incendie sur le Site Massey-Fergusson à Beauvais. À une période de sa vie où elle sentait « qu’aucune évolution professionnelle n’était possible pour elle », cette ancienne ambulancière et pompière volontaire a fait un rendez-vous décisif à l’hôpital de Beauvais.
« Alors que je postulais pour devenir agent d’entretien, un directeur d’hôpital m’a encouragé à reprendre mes études. »
Alors qu’elle n’avait que le certificat professionnel en poche, elle travaille désormais chez IME Pastels de la Croix Rouge à Beauvais. Le fait de ne pas avoir le Bac aurait pu être un frein pour elle mais il n’en fut rien.
Après une première tentative avortée du GRETA dans les Hauts-de-France pendant le Covid, c’était finalement au Centre de formation professionnelle Airion qu’elle termine avec succès son diplôme d’Accompagnement Educatif et Social (AES). « Aujourd’hui, je suis heureuse de me lever tous les jours pour aller travailler », confie-t-elle.
Quand les opportunités ne sont pas là
Si toutes ces histoires font bien entendu rêver, il arrive que le les prises ne sont pas là pour les candidats au changement de vie.
Muriel, 45 ans, peine à trouver un emploi près de Chambly, dans le sud de l’Oise.
Cet été, elle est retournée aux études pour obtenir une licence de gestionnaire de ressources humaines. Mais pour l’instant, elle n’a toujours pas trouvé de travail qui la satisfasse. « Il y a peu d’offres. Beaucoup de CDD ou d’intérim. Et des salaires proches du Smic », note-t-elle.
Selon cette mère de famille, le contexte politique instable vécu pendant la période estivale a sans doute joué un grand rôle dans les réticences des employeurs jusqu’à présent. « Toutes les embauches sont gelées. Les entreprises craignent d’être imposées, ou de ne plus recevoir suffisamment d’aides pour signer des contrats d’apprentissage.»
Pour autant, elle ne désespère pas de trouver rapidement la bonne personne. C’est du moins tout le mal qu’on lui souhaite.
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