Tulle, une ville au riche passé industriel à découvrir

En 2008, l’ouverture d’un musée de la Mémoire et des Industries Tullistes est annoncée pour 2013. Il aura fallu plus de dix ans pour que ce projet se concrétise. Mais c’est chose faite depuis le 6 avril, date de l’inauguration de la Cité de l’Accordéon et du Patrimoine.

Ce musée tant attendu puise dans l’ADN de la ville pour réunir dans un même lieu ce qui la rend unique : le savoir-faire fonctionnel de l’usine d’armement, aujourd’hui fermée, le savoir-faire de ses dentellières et surtout toute une panoplie d’accordéons, toujours fabriqué dans une des dernières entreprises artisanales françaises. Le tout dans un cadre digne puisqu’il s’agit de l’ancienne succursale de la Banque de France construite en 1876 à l’entrée du quartier du Trech, cœur historique de la ville.


Ville de l’accordéon et du patrimoine. L’espace dédié à l’instrument montre son évolution depuis les premiers modèles « bourgeois » en nacre jusqu’à la naissance des orchestres musette. Ici, la robe portée par Yvette Horner lors du bicentenaire de la Révolution.

Patricia Marin

Une maquette topographique animée donnant des clés de compréhension de la ville, de son histoire et de sa transformation

Trois années de travaux ont été nécessaires pour l’adapter à ses nouvelles fonctions, sous l’égide de l’agence Terreneuve, également à l’origine de la réhabilitation de la Cité Internationale de la Tapisserie, à Aubusson. Le bâtiment en pierre blonde est désormais flanqué de deux extensions en bois au caractère contemporain, l’une sur le côté droit et l’autre à l’arrière du bâtiment existant, abritant un auditorium ouvert sur un jardin. D’une superficie de 850 mètres carrés répartis sur trois étages (un par parcours) pour exposer quelque 700 objets sélectionnés pour la plupart dans les collections des anciens musées de Tulle. Dès l’entrée, le visiteur est accueilli par une maquette topographique animée donnant des clés de compréhension de la ville, de son histoire et de sa transformation.

La ville aux sept collines


Le coin des clampes (potins locaux), un des symboles forts de la ville.

Patricia Marin

Entourée de sept collines, d’où son surnom de « Petite Rome Limousin », Tulle a été bâtie sur des pentes abruptes. Il faut aussi avoir de bonnes jambes pour gravir les multiples escaliers permettant de passer d’un quartier à l’autre, soit au total près de 4 000 marches.

Si les origines de la ville remontent à l’Antiquité, elle s’est développée sur les bords de la Corrèze, autour d’un premier monastère dédié à Saint Martin de Tours au VIIee siècle. Puis elle se divise en deux, avec d’un côté le quartier dit de l’Enclos, autour de l’abbaye, qui regroupe bourgeois et notables, et le reste de la population dans la partie haute, face au château situé au Puy-Saint Clair. L’abbaye, devenue cathédrale en 1317, subit de nombreuses modifications : elle fut raccourcie d’une vingtaine de mètres et perdit même, en 1796, une partie de sa coupole. Cependant, son clocher du XIIIe sièclee siècle reste, avec ses 75 mètres, le plus haut du Limousin.

Extension de la ville


Témoin de l’évolution de Tulle à l’ère industrielle, le théâtre Art Déco L’Empreinte en ciment armé construit par l’architecte Anatole de Baudot.

Patricia Marin

A partir du 15e siècle, la ville continue de s’étendre au-delà de ses remparts jusqu’à l’arrivée du chemin de fer. De cette époque date la maison Loyac, décrite par Prosper Mérimée, écrivain à l’origine du classement des monuments historiques, comme « plus belle [maison] de l’Est Aquitaine », ou encore l’hôtel particulier de Lauthonie, qui vit se succéder de puissantes familles. Elle s’enrichit à l’ère industrielle, comme en témoignent certains édifices, dont la préfecture, construite en 1866, ou encore le théâtre Art déco L’Empreinte, scène nationale.

Tulle est devenu ce qu’il est en partie grâce à la Manufacture Royale d’Armes, créée en 1690

Lors de la création des départements, Tulle étant plus peuplée et plus centrale que Brive, sa concurrente de longue date, elle fut choisie comme préfecture. La construction dans les années 1970 d’une tour de 90 mètres de hauteur destinée à recevoir les services de l’État va également renforcer son statut, même si les tullistes la considèrent encore comme une verrue dans le paysage.

Fabrication

Mais Tulle est devenue ce qu’elle est en partie grâce à la Manufacture Royale d’Armes, créée en 1690 pour s’insérer dans le réseau des arsenaux de l’État. « À la fin du XIXe sièclee siècle, la concentration des bâtiments et des infrastructures nécessaires à son fonctionnement a donné naissance à un site industriel dans le quartier de Souilhac, qui totalisait 10 hectares et employait plus de 5 000 personnes jusque dans les années 1980 », rappelle Karine Lhomme, directrice de la Cité de l’accordéon et patrimoine. Un étage entier est consacré à la fabrication, avec notamment des témoignages émouvants d’anciens.

De nombreux jeunes sont passés par son école d’apprentissage. Dont Jean Maugein, qui s’est formé auprès de Briviste Dedenis, l’un des pionniers de l’accordéon en France, avant de fonder sa propre usine à Tulle en 1919, rejoint dix ans plus tard par ses deux frères Antoine et Robert.

La mécanique de l’instrument à anche

La fabrique d'accordéons Maugein est, avec la dentelle (de Tulle), l'autre bien patrimonial de la ville. Toujours actif, il peut être visité.


La fabrique d’accordéons Maugein est, avec la dentelle (de Tulle), l’autre bien patrimonial de la ville. Toujours actif, il peut être visité.

Patricia Marin

Parmi les accordéons exposés au rez-de-chaussée du musée, un certain nombre proviennent de cette usine, qui est l’autre activité économique et patrimoniale de la ville de Corrèze. Cet espace est en effet destiné à montrer la mécanique de l’instrument à anche, en permettant de le manipuler, voire de l’expérimenter. Tout en racontant son histoire et en rendant hommage à ses interprètes. Curiosité : un célèbre magasin de musique parisien de la rue du Faubourg-Saint-Martin, dont la devanture rouge a été acquise par la Ville en 2000, a été recréé à l’identique.

Mais il est également possible de poursuivre la visite en se rendant directement à l’usine Maugein, entreprise du patrimoine vivant toujours en activité, située route de Brive. Richard Brandao, directeur d’une entreprise de plasturgie qui a repris l’établissement il y a dix ans alors qu’il était en faillite, dévoile toutes les étapes de fabrication, un processus artisanal passionnant. De 300 salariés dans les années 1950, à l’âge d’or du bal musette, Maugein n’en compte plus qu’une douzaine, qui fabriquent manuellement quelque 200 instruments par an, les plus élaborés nécessitant jusqu’à 250 heures de travail. Loin derrière les usines chinoises, premier pays fabricant et utilisateur au monde. Mais l’entrepreneur, conscient de l’importance de l’instrument dans l’histoire locale, s’accroche.

Sur les hauteurs de Tulle, le Domaine de Peyrafort abrite quatre grandes chambres décorées avec goût où vous serez accueillis en toute simplicité. A partir de 85 € la chambre double, petit déjeuner inclus.


Sur les hauteurs de Tulle, le Domaine de Peyrafort abrite quatre grandes chambres décorées avec goût où vous serez accueillis en toute simplicité. A partir de 85 € la chambre double, petit déjeuner inclus.

Patricia Marin

La Cité de l’Accordéon et du Patrimoine pourrait bien lui donner un coup de pouce en augmentant sa visibilité, ainsi que celle de cette ville, riche de ce savoir-faire méconnu.

Carnet d’adresses à Tulle

DEMANDER À PROPOS DE

www.tourismecorreze.com
Avec l’office de tourisme, programme de visites estivales en journée et en soirée. 5 € par personne. Vous pouvez également vous procurer le dépliant « Circuit du Patrimoine » pour découvrir la ville en toute autonomie. 14, place Gambetta, 19000 Tulle. Tel. 05 55 26 59 61. www.tulle-en-corrèze.com

DEVOIR FAIRE

La Cité des Accordéons et du Patrimoine

Trois parcours à découvrir notamment au moyen d’un audioguide enrichi d’œuvres musicales, de témoignages d’anciens, avec une version narrée pour les enfants. Plein tarif 7 €, réduit 3,50 €, famille (deux adultes et un enfant) 10 €. Ouvert du mercredi au dimanche, de 10h à 18h de juin à septembre et de 10h à 17h d’octobre à mai. 1, place Docteur-Maschat, à Tulle. Tel. 05 55 20 28 28. www.citedelaccordeon.com

Fabrique d’accordéons Maugein

Visite de groupe sur rendez-vous. 9 € par personne (billet avec la Cité de l’accordéon 12 €). 9, rue Marguerite-Pradel, ZI de Mulatet, à Tulle. Tel. 05 55 20 08 89. www.accordeons-maugein.fr

Festival des Nuits de la Nacre

Du 28 au 30 juin 36e édition de ce festival dédié à l’accordéon. Certains des nombreux concerts programmés auront lieu dans l’auditorium du nouvel musée. www.accordeon.org

OÙ MANGER ?

Bouche à oreille

Stéphane Houdayer, le chef mayennais qui s’était déjà illustré dans un restaurant Tullist avant d’ouvrir Le Bouche à Oreille en 2015, a été récompensé en 2024 par un Bib gourmand. Une reconnaissance pour sa cuisine du marché inventive et bien exécutée qui fait la part belle aux légumes autant qu’au poisson. Menus 40 €. 39-43, avenue Charles-de-Gaulle, à Tulle. Tel. 05 44 40 40 30. lebouchéaoreille-tulle.com

L’exotisme

Une trentaine de producteurs et artisans locaux se sont associés pour créer ce restaurant-café et épicerie. On y déjeune avec un repas simple et savoureux préparé par deux chefs qui se relaient avec des produits cultivés sans intrants dans le respect de la terre et des animaux. Du mercredi au samedi, plat 11 € (prix support 12 €) et dessert 3 €. 24, rue Jean-Jaurès, à Tulle. Tel. 09 81 40 95 18. ladepaysante.fr

OU DORMIR ?

Le Domaine de Peyrafort

Sur les hauteurs de Tulle, ce manoir du XVème sièclee siècle implanté dans un écrin de verdure de plus de 3 hectares appartient à Cécilia et Richard Prive. Tombés sous le charme de la maison et de son histoire, ils l’ont rachetée il y a dix ans à un couple anglais. Le manoir abrite quatre grandes chambres décorées avec goût où vous serez accueillis avec simplicité. A partir de 85 € la chambre double, petit déjeuner inclus. 6, chemin de Peyrafort à Tulle. Tel. 05 55 27 34 66. www.manoirxv.com

 
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