Pour ses Noces Rouges, Claude Chabrol a choisi l’Indre

Pour ses Noces Rouges, Claude Chabrol a choisi l’Indre
Pour ses Noces Rouges, Claude Chabrol a choisi l’Indre

Trois enfants dans une barque pêchent sur l’étang du Vieux, dans la forêt de la Gâtine dans l’Indre, sans voir que sur la berge deux corps s’enlacent. Dans Le mariage rougeStéphane Audran incarne Lucienne Delamare, épouse de l’adjoint au maire, et Michel Piccoli incarne Pierre Maury. Ils se retrouvent régulièrement au grand air pour des ébats fébriles et adultères.

Ils possèdent même le château de Valençay, dont Piccoli joue le rôle de conservateur : les amoureux se glissent dans le lit du roi d’Espagne et y boivent du champagne. Au conseil municipal, on accuse alors « jeunes » pour avoir mis le désordre dans les locaux. Mais, dans la petite ville, les ragots vont bon train et on craint le scandale.

J’ai fait ça pour nous, pour que nous puissions être plus libres

Le personnage joué par Michel Piccoli Dans Le mariage rouge

A l’automne 1972, Claude Chabrol installe toute son équipe à Valençay pour deux mois. Peintre de la vie bourgeoise et de ses travers, il fera dérailler l’Histoire. Il s’inspire d’un fait divers quasi local, très récent à l’époque : l’histoire de deux amants illégitimes originaires de Creuse condamnés à la prison pour avoir tué leurs conjoints (lire ailleurs). Cela commence par l’empoisonnement de la femme malade de Pierre, interprétée par Clotilde Jouano : quelques gouttes de trop et c’est tout. La rumeur publique parle d’un suicide…

L’étang de Bellebouche, à Mézières-en-Brenne, où ont été tournées des scènes des « Noces Rouges » de Claude Chabrol.
© (Photo archives NR, Thierry Roulliaud)

« J’ai fait ça pour nous. Pour que nous puissions être plus libres », déclare Pierre à Lucienne, sans plus de remords. ” A cause d’une certaine monstruosité, les gens préfèrent ne pas penser que cela soit possible. C’est ici que commence mon travail », déclarait Claude Chabrol (décédé en 2010) à propos de ses films.

Mais reste Paul Delamare, d’une autre trempe. L’adjoint au maire s’apprête à impliquer Pierre, devenu son adjoint, dans une opération immobilière frauduleuse. Au bord de l’étang de Bellebouche, à Mézières-en-Brenne, se déroule une scène cruciale : le mari révèle aux amoureux qu’il sait tout, mais qu’il s’en fiche tant que sa réputation n’est pas un accomplissement. L’intrigue est en marche. Lors d’un déplacement à Paris, la voiture du député est endommagée et il décède.

La tapisserie de Jean Lurçat provenant de la mairie de Buzançais (Indre), est visible dans le film « Les Noces rouges » de Claude Chabrol.
© (Photo archives NR, Patrick Gaïda)

Les gendarmes sont sommés de classer le dossier par le préfet. C’est l’occasion d’apprécier la tapisserie de la mairie de Buzançais créée par Jean Lurçat. La pièce est devenue le bureau du fonctionnaire – lui-même incarné par Philippe Fourré, propriétaire de l’Hôtel d’Espagne où séjournait toute l’équipe du film. Abdellah Zazoui, chef de l’établissement, incarne un gendarme chargé des arrestations.

Car la fille de Lucienne, Hélène, adoptée par Paul Delamare, a tout deviné et dénonce les complices par lettre. Le voile est déchiré et les criminels avouent. Le mariage était rouge et l’ordre était rétabli.

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LE SCÉNARIO

Pour écrire son récit, Claude Chabrol reprend les grandes lignes des crimes survenus en 1970, dans la Creuse ; il connaît bien ce département, où il s’est réfugié pendant la Seconde Guerre mondiale. Le 23 février 1970, un couple habitant Bourganeuf (Creuse) revient d’une conférence. Vers 21h30, leur véhicule a quitté la route et a pris feu. Alors qu’il conduisait, un commerçant a été brûlé vif. Sa femme, éjectée dans l’accident, est blessée. Un chauffeur de camion passe à ce moment. Il s’arrête, se précipite pour sauver l’homme coincé dans la voiture en feu. Mais c’est trop tard. Il peut aider la femme allongée dans l’herbe. En réalité, l’homme a été tué par balle par l’amant et la voiture a été renversée. C’est l’enfant adoptif du couple qui dénonce sa mère. L’amant avoue alors avoir empoisonné sa propre femme deux mois plus tôt. La sortie du film a été reportée de deux semaines pour permettre la conclusion du procès.

LA DISTRIBUTION

C’est Stéphane Audran (l’épouse de Chabrol à l’époque) qui joue l’épouse infidèle, Michel Piccoli joue le rôle de l’amant meurtrier et Claude Piéplu celui du mari, adjoint au maire plutôt manipulateur et homme politique sans scrupules. Les résidents locaux ont joué des figurants. Lisette Fraiscinet, employée à La Poste et mère de jumeaux, a dû passer trois fois par la place de Valençay. ” Les enfants commençaient à en avoir marre », a-t-elle déclaré au NR Suivant. Le vrai facteur a ajouté un détour à sa tournée dans une scène où il apporte une lettre de l’amant au domicile de Stéphane Audran. Petite anecdote amusante : le scénario du film, Aurore Pajot, est Indrienne, originaire de Neuvy-Saint-Sépulchre. Elle devient la troisième épouse de Chabrol en 1983.

LE TOURNAGE

Bon enfant dans la vie, Claude Chabrol s’est également montré bon lors des tournages, offrant souvent l’occasion de bien manger. Bien installé à l’Hôtel d’Espagne, à Valençay, il a apprécié « l’agneau à l’estragon et le steak tartare, sans oublier les crêpes Suzette », confiait à l’époque le propriétaire Philippe Fourré.

 
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