Les scissions municipales de 2004 ont coûté très cher à la Rive-Sud

Les scissions municipales de 2004 ont coûté très cher à la Rive-Sud
Les scissions municipales de 2004 ont coûté très cher à la Rive-Sud

Il y a vingt ans, des référendums sur les scissions permettaient à 31 municipalités québécoises de retrouver leur autonomie, après un bref mariage qui n’a duré que trois ans. À Montréal, Longueuil et Québec, les divorces ont plongé les villes dans des querelles parfois acrimonieuses. Deux décennies plus tard, la poussière est retombée, mais une sorte d’amertume demeure parmi les scissionnistes et les défenseurs des grandes villes.

Sur la Rive-Sud, dans la région de Montréal, les scissions municipales de 2004 ont donné lieu à des lendemains difficiles. Les regroupements forcés de municipalités qui, trois ans plus tôt, avaient triplé la taille de Longueuil et contraint la nouvelle ville à se doter de services de sécurité publique de niveau supérieur ont entraîné une explosion des dépenses que les scissions n’ont pas provoquées. atténué.

«C’était une période tumultueuse», se souvient Francine Gadbois, ancienne mairesse de Boucherville, une des villes scindées de la Rive-Sud en 2004. «Nous avions toujours fait partie de la MRC de Lajemmerais, avec Sainte-Julie. […] Ce que je réalise, c’est que nous avons fusionné pour notre argent. Nous avions un grand parc industriel. »

Mais ce sont surtout les coûts occasionnés par les fusions communales qui ont laissé un goût amer aux communes regroupées contre leur gré. “Cela nous a coûté excessivement plus cher que ce que cela nous coûtait avant”, souligne M.moi Gadbois.

Une ville amputée

Les municipalités qui formaient la nouvelle ville fusionnée en 2001, soit Longueuil, Saint-Bruno-de-Montarville, Brossard, Saint-Lambert, Boucherville, Greenfield Park, LeMoyne et Saint-Hubert, ne comptaient pas beaucoup d’« atomes amis », note François. Laramée, ancien directeur des communications de la Ville de Longueuil jusqu’en 2010 et aujourd’hui journaliste à TVRS.

Dès le dépôt du premier budget de la nouvelle ville en décembre 2002, les dépenses de la ville ont bondi de 5,4 %, alors que les fusions étaient censées permettre des économies d’échelle. Et ce sont les arrondissements de Saint-Bruno, Saint-Lambert, Boucherville et Brossard qui ont subi les plus fortes hausses de taxes, soit 5 %, de quoi donner des munitions aux scissions.

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Les référendums tenus en 2004 ont permis à Boucherville, Saint-Lambert, Saint-Bruno et Brossard de quitter le giron de la Ville de Longueuil. La grande ville perd alors 40 % de ses habitants. « Ce qui a vraiment fait mal à l’administration [du maire de Longueuil Jacques Olivier], c’est à ce moment-là que sont sortis les résultats du référendum à Brossard », se souvient M. Laramée. « Brossard possédait une richesse foncière importante. À l’époque, on s’attendait à une scission de Boucherville, de Saint-Lambert et même de Saint-Bruno, mais Brossard était un peu surprenant. »

Le maire Olivier n’a pas caché sa déception après le dépouillement. « Brossard était notre joyau. C’est un lieu multiculturel qui a beaucoup apporté à la nouvelle ville de Longueuil », a-t-il déclaré.

François Laramée estime que s’ils avaient eu plus de temps, les scissions de Greenfield Park auraient également eu gain de cause.

Impasse budgétaire

Les scissions ont conduit à la création du conseil d’agglomération pour gérer les services communs, comme la police et les pompiers, dont le niveau avait été augmenté en 2001 compte tenu de l’importance du territoire désormais desservi. La police a donc dû se doter notamment d’une unité tactique d’intervention.

Les relations au sein du conseil d’agglomération furent si houleuses que les villes défusionnées bloquèrent pendant des mois l’adoption du premier budget de cette structure, obligeant finalement la ministre des Affaires municipales de l’époque, Nathalie Normandeau, à intervenir pour sortir de l’impasse qui retardait l’envoi des impôts. avis aux citoyens.

Dix ans après les scissions, le professeur Robert Gagné de HEC Montréal s’est penché sur les résultats financiers de ce démantèlement. Dans son rapport, il souligne qu’avant les fusions, Brossard dépensait 26 % de moins que la moyenne des municipalités québécoises de même taille. Suite aux scissions, ses dépenses ont dépassé de 19 % celles des communes comparables. De leur côté, Saint-Bruno, Saint-Lambert et Boucherville, qui dépensaient déjà entre 2 et 9 % de plus que la moyenne des villes de leur taille avant les fusions, ont vu leurs dépenses grimper jusqu’à 64 % en 2009.

Pour expliquer ce phénomène, Robert Gagné avance plusieurs explications. Parmi ceux-ci, il a souligné le fait qu’avant les fusions, la Rive-Sud ne disposait pas d’une structure comme la Communauté urbaine de Montréal (CUM) ou la Communauté urbaine de Québec (CUQ), ce qui accentuait la pression sur les coûts des services communs à la zone urbaine.

En entrevue, Robert Gagné indique que la consolidation des services a créé des déséquilibres tels que les villes les plus riches ont dû financer les villes les plus pauvres. Ce principe ne tient pas la route, selon lui, et a créé de fortes tensions entre communes. « Les villes paient les services en fonction non pas de leur utilisation, mais de leur richesse foncière. Et ils ne reçoivent pas nécessairement des services en échange de la même valeur », dit-il. « Les habitants des communes défusionnées se retrouvent à subventionner le centre-ville. Dans le cas de Longueuil, c’est un peu exagéré parce que les gens de Brossard, leur ville-centre, ne sont pas Longueuil, ils sont Montréal. »

Francine Gadbois, qui a quitté la vie politique en 2009, déplore qu’après les fusions et scissions, elle ne puisse plus s’enquérir de la sécurité publique sur son territoire comme elle le faisait auparavant auprès du chef de police de Boucherville. «Je n’avais plus aucune information. » Et le camion de pompiers acheté par sa municipalité avant les fusions s’est dirigé vers Longueuil après la consolidation des villes, dénonce-t-elle. Sans parler de la question du financement des transports en commun, qui coûtent cher sans que son ancienne commune n’en profite réellement, hormis quelques bus.

Vingt ans plus tard, la poussière est retombée, mais François Laramée s’interroge sur le bien-fondé d’un regroupement de services dans la foulée de fusions forcées. « Dans plusieurs villes défusionnées, 50 % de leur budget est [affecté] à des dépenses d’agglomération sur lesquelles ils n’ont pas leur mot à dire. […] Services de sécurité publique [de haut niveau] dans certaines villes, en avions-nous vraiment besoin ? » se demande-t-il.

Avec Isabelle Porter

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