Par
Antoine Bonnet
Publié le
14 novembre 2024 à 7h00
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Espace de détente et de promenades en pleine nature, le centre de loisirs De Brionne peut-il aussi être un lieu où résonne le bruit des armes ? Un endroit où les animaux meurent par balle ? La réponse est oui.
En septembre 2024, une Source nous prévenait que les oiesprésents en grand nombre, allaient être éliminés. Mais le jour évoqué, et peut-être parce que l’information avait fuité, rien ne s’était produit. Ce n’était que partie remise.
La base de loisirs exceptionnellement fermée
Exceptionnellement, lundi 4 novembre, la Ville de Brionne a décidé d’interdire l’accès au public à la base de loisirs, officiellement pour permettre l’abattage des des dizaines d’arbres malades dans les meilleures conditions de sécurité.
Seule cette raison est mentionnée dans l’arrêté communal. L’entreprise retenue n’a finalement pas pu intervenir, mais le site a été fermé pendant quelques heures. Le temps qu’un louveterie lieutenant agir, hors de vue.
Nommé par le préfet, cet officier assermenté est chargé de réglementer et de détruire les animaux susceptibles de causer des dégâts. Et ce lundi 4 novembre, c’est sur ordre des services de l’État qu’il s’est rendu à la base de loisirs pour tuer les oies cendrées et les bernaches du Canada, une espèce envahissante dont l’introduction est interdite sur le territoire national.
Les autorités l’avaient autorisé à utiliser, jusqu’au 31 décembre, « tous les modes et moyens », comme on peut le lire dans un décret signé par la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) le 16 septembre, afin de répondre aux une demande de la mairie from Brionne.
« Effet pack »
« Cela fait des années que nous sommes confrontés à des problèmes liés à la présence des oies », explique le maire, Valéry Beuriot. Nous essayons de concilier activités humaines et préservation de diverses espècesoies, canards, cygnes, insectes… La base de loisirs est importante pour notre commune et lorsque les activités humaines sont menacées, il est de la responsabilité du maire d’agir. Nous avons envoyé un cas fondé et la préfecture a entendu notre alarme. »
Selon le premier magistrat, la situation était préoccupante, les oies étaient devenues agressives. Il prétend avoir reçu deux douzaines de plaintes et cite en exemple le témoignage d’un professeur d’éducation physique et sportive confronté aux attaques d’oiseaux lors d’un atelier avec ses élèves.
« Les oies se considèrent comme chez elles, elles sont de plus en plus nombreuses. Il y a un effet de meute, et pas seulement pendant les périodes de reproduction», décrit Valéry Beuriot, évoquant également les dégâts en termes de l’hygiène publique.
Les excréments contaminent les zones de promenade et, par leur acidité, endommagent la végétation, obligeant les agents municipaux à se multiplier nettoyages. C’est cet argument de sanitaire qui est inscrit dans l’arrêté préfectoral, notamment en ce qui concerne l’impact sur la qualité des eaux de baignade.
« Le maire de Brionne a constaté que les oies domestiques retournaient dans la nature et que les bernaches du Canada faisaient preuve d’agressivité envers le public et produisaient des déjections importantes. Compte tenu des risques générés par ces nuisancesnotamment sanitaire, un lieutenant de louveterie a été missionné et 19 oies grises ont été tuées lors de cette mission”, indique à notre journal le service communication de la préfecture de l’Eure, rappelant le passage au haut niveau sur l’échelle de surveillance de grippe aviaire.
“C’est un massacre et c’est ignoble”
Mais n’y avait-il pas d’autre solution que le massacre ? Martine Goetheyn se dit extrêmement attristée par la situation. « C’est un massacre et c’est ignoble », s’insurge l’élu de l’opposition engagé pour la cause animale.
« Ces oies étaient domestiquées. Pourquoi ne pas les retirer en douceur et les donner à des particuliers ou à des fermes qui auraient pu les accueillir ? », demande l’ancienne candidate qui s’y est rendue vendredi 8 novembre. Elle dit avoir vu plumes tachées de sang.
« J’ai demandé aux promeneurs que je croisais pour voir s’ils savaient ce qui venait de se passer. Personne ne le savait et les gens étaient horrifiés quand je leur ai dit la vérité», raconte celle qui lutte également contre la capture et le gazage des pigeons à Brionne.
« Si j’avais su, j’aurais tout fait pour empêcher que ces oies soient tuées. Mais c’est arrivé en douce », regrette-t-elle. La Ville de Brionne indique avoir publié l’arrêté du 16 septembre dès sa réception, mais encore fallait-il le voir au tableau d’affichage au milieu de tous les autres avis… « Il y avait un conseil municipal le 23 septembre, M. Beuriot s’est bien gardé de nous en parler», souligne Martine Goetheyn. Et l’élu dénonce « l’écologie de façade ».
D’un côté, ils nous parlent de biodiversité à la base de loisirs et de l’autre, ils tuent les oies, c’est totalement contradictoire. Quelle image cela donne-t-il de notre ville, notamment auprès des enfants ? Je suis dégoûté par le manque d’empathie de ce maire envers les animaux. Honte à lui !
“Un manque de considération pour ces animaux”
Le fichier pourrait provoquer turbulence au sein même de la majorité et le maire a convoqué en urgence son équipe, avant la publication de notre article, pour une réunion ce mardi 12 novembre pour discuter des “questions d’actualité”, selon un document que nous avons obtenu.
« Il n’y a eu aucune communication », déplore Cédric Lejeune. Egalement membre de l’opposition, il se dit conscient des difficultés générées par la présence des oiseaux. Mais il n’approuve pas cette décision, qu’il qualifie de radicale. «Je pense que nous aurions pu capturez-les et déplacez-les des services spécialisés», répond le chef d’entreprise.
Ne pas envisager d’alternatives plus humaines témoigne d’un manque de considération pour ces animaux et soulève de sérieuses questions sur la sensibilité et la responsabilité d’un maire. Et cela appelle une réflexion sérieuse sur la façon dont notre ville est gérée.
La faute à l’État ?
Une vingtaine d’animaux ont été éliminés, au total, selon nos informations. “Il en reste encore cinq ou six, mais ils ont peur et se sont réfugiés dans une presqu’île”, raconte Martine Goetheyn.
Mis en cause par ses adversaires, Valéry Beuriot nie être à l’origine de cette méthode et renvoie la balle à l’Etat.
Nous n’avons pas été interrogés sur les moyens mis en œuvre et nous n’avons pas le pouvoir d’agir, c’est très réglementé. Si le préfet avait décidé de retirer les oies, cela me convenait très bien. Mais ces animaux ne nous appartiennent pas et nous n’avons pas le droit de les déplacer.
En 2018, déjà pour des raisons sanitaires, un agent municipal a pris l’initiative d’enlever les oiseaux, avant de les ramener, face à au tollé provoqué. A l’époque, le maire défendait leur présence et parlait même d’une attraction pour le public.
D’ailleurs, que peut-on observer sur le site Internet de la Ville de Brionne parmi les photos censées promouvoir la base de loisirs ? Une photo de oies sauvages. Les mêmes qui semblent être devenus si indésirables…
Interrogé, le lieutenant de Louveterie n’a pas souhaité s’exprimer publiquement.
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