Deux jours d’attente supplémentaires, moins 10 % d’indemnité en cas d’arrêt maladie, gel du point d’index… Les récentes annonces du ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, ont fait l’effet d’une douche froide sur les fonctionnaires. Ils ont été détaillés dans le cadre du projet de loi de finances de fin octobre 2024.
«La carence a été l’étincelle dans la salle des professeurs»
“Je sais que le plan que je révèle sera débattu”a reconnu le ministre dans une interview avec Figaro. Il avait raison, notamment en Indre-et-Loire, département qui comptait 47 639 fonctionnaires en 2021, selon les dernières données publiées par l’Insee.
Ces annonces suscitent “colère” et “incompréhension” parmi les enseignants. Le passage du délai d’attente de un à trois jours est considéré comme “une attaque directe” contre cette profession très exposée aux maladies contagieuses.
« Ces annonces sont une insulte. Je vous rappelle que le plus souvent, les enseignants tombent malades au travail. Et que jusqu’à il y a six ou sept ans, nous n’avions pas de jours d’attente »souligne Paul Agard, secrétaire départemental du Snuipp-FSU 37, syndicat qui représente les enseignants des écoles.
« Une brutalité sans nom »
Personnellement, il se sent “dans le viseur” d’un gouvernement « Cela fait sept ans que je travaille à briser un métier ». Il dénonce « une brutalité sans nom » de cet alignement des pratiques publiques avec celles du secteur privé. A l’exception du fait que de nombreuses entreprises privées couvrent les jours d’attente de leurs salariés.
«La carence a été l’étincelle dans la salle des professeurs»confirme Murielle Navaro, déléguée syndicale Force ouvrière et enseignante dans un collège, à Amboise. Cette fois, ses collègues ne veulent pas “d’une énième journée d’action”mais rêvez d’une grève à long terme.
Selon elle, ces mesures de “lutte contre l’absentéisme” contribuent à une certaine stigmatisation dont souffrent les fonctionnaires. «Quand on est malade, on va être pénalisé financièrement, en plus de culpabiliser. C’est la triple punition”dit Murielle Navaro, qui n’y voit que un prétexte pour lutter contre les arrêts maladie. « Dans le public, dans le privé, tous les employeurs n’attendent que ça ! »
Du côté des agents territoriaux, la question de l’attractivité se pose face au statut de fonctionnaire “pas aussi protecteur qu’avant”. «Cet alignement avec le secteur privé se fera au détriment de l’usager»estime Gérald Pigeonneau, secrétaire général de la CGT du conseil départemental.
Une logique de « destruction »
Le processus est à l’œuvre depuis longtemps, aux yeux de son adjoint, Nicolas Coutant. « Nous sommes déjà confrontés à cette logique de rentabilité, de productivité. En interne, on ne parle plus de chef de service mais de responsable, non plus d’utilisateur, mais de client. Tout cela avec des fonds publics… » D’une même voix, les habitants et les enseignants expriment leur crainte de « subir le même sort que l’hôpital ».
Un secteur visiblement à bout de souffle. « Le gouvernement est dans une logique de destruction. Il veut aligner la protection des fonctionnaires sur tout ce qui se fait de pire dans le secteur privé.»analyse Charlène Gomes Ribeiro, conseillère santé sociale Sud et aide-soignante au CHU Trousseau. « À l’hôpital, nous sommes confrontés à un sous-effectif constant et à des conditions de travail néfastes. Et maintenant, ils vont nous obliger à venir travailler malades pour soigner les malades. »