“Je pense qu’il y aura encore un long chemin à parcourir avant de se sentir un peu plus serein”confie Marie*. Cette Samarienne a réussi à faire condamner son frère il y a quelques semaines pour des violences sexuelles commises au fil des années, alors qu’elle était encore adolescente. L’homme a été condamné en appel à huit ans de prison par le tribunal pour enfants et si elle s’exprime sur France Bleu Picardie, c’est avant tout pour réclamer plus de prévention envers les enfants, alors qu’un vaste campagne de communication a été lancée par le gouvernement. Marie encourage également d’autres victimes à porter plainte.
France Bleu Picardie : vous avez dénoncé ce qui vous est arrivé. Quel a été le déclencheur ?
Le déclic s’est produit alors que j’étais avec un compagnon. Nous avons dû nous pacser civilement et je ne voulais pas que notre relation se stabilise avec ce poids à porter seul. Nous nous sommes pacsés le 16 mai : j’ai porté plainte deux jours auparavant. L’étape la plus difficile pour moi dans tout ce chemin vers la justice a vraiment été de passer cette porte de gendarmerie. Automatiquement, on sait qu’on est en train de briser tout le cercle familial, alors on y réfléchit très longtemps. Le jour où on se sent vraiment capable, on pousse la porte et on dit tout ce qu’on a à dire pour se sentir plus léger. C’est comme prendre un sac à dos rempli de pierres et donner les pierres à la gendarmerie ou au policier.
Puis l’enquête commence, cela prend du temps.
Très. Mais on y croit malgré tout car nous savons que même si le chemin est long, nous devons rechercher la vérité et obtenir justice. Le premier procès est quelque chose de très impressionnant car en tant que victime, vous êtes face à face avec l’agresseur. C’est vraiment une pression assez difficile à supporter. De plus, ma famille soutenait l’agresseur, j’avais donc trois personnes contre moi. Il y a eu un an entre le procès et l’appel où on est un peu plus préparé parce qu’on sait ce qui se passe, on a un peu moins de pression pour redécouvrir ce qu’est un procès, même si on sait qu’un procès d’assises est loin d’être quelque chose. trivial, comme je le disais tout à l’heure, mon plus dur a été de passer la porte de la gendarmerie.
Le procès se termine. Votre frère est condamné à huit ans de prison. Que ressent-on à ce moment-là ?
On ne s’en rend pas compte tout de suite. Là, nous sommes à un peu plus d’un mois du procès, Je commence seulement à intégrer le fait qu’il y a eu une peine de prison, une reconnaissance comme victime et lui comme auteur. Je pense qu’il y aura encore un long chemin à parcourir avant de se sentir un peu plus serein, en réalisant que là où il est, il ne peut plus faire de mal à personne. C’était important de le faire, c’était important de pouvoir avancer, de pouvoir se sentir libéré et comprendre que le coupable n’était pas moi. C’était la chose la plus importante, car pendant des années, et même jusqu’au procès de cette année, je me sentais encore coupable de ce qui s’était passé.
Pourquoi te sentais-tu coupable ?
Je me dis que je l’ai laissé faire. Ce sont des faits qui se sont répétés pendant plusieurs années, et tant qu’on ne comprend pas ce qu’est le contrôle, on se dit que c’est de notre faute, qu’on se laisse faire. Cette influence est si importante, si significative, c’est une pression. Je pense que si on m’avait enseigné le consentement beaucoup plus tôt, j’aurais probablement pu éviter cela. Je suis maintenant maman d’une petite fille de huit ans et je trouve important, malgré son âge, de lui expliquer ce qu’est le consentement, que son corps lui appartient et que personne n’a le droit d’y toucher du moment où elle n’est pas d’accord. C’est un sujet qu’il faut aborder avec les enfants.
Que souhaites-tu dire aux personnes qui nous écoutent et nous lisent ?
Alors déjà, à toutes les victimes, n’ayez pas peur et franchissez cette démarche pour porter plainte. C’est à tout le monde autour de vous d’entendre, d’écouter, c’est le plus grand soutien. Concernant les parents, n’hésitez pas à faire beaucoup de prévention auprès de vos enfants, à les prévenir, à leur apprendre le consentement, à dites-leur qu’ils ont le droit de dire non.
*Le prénom a été modifié pour respecter l’anonymat du frère de la victime, mineur lors d’une partie des violences sexuelles dénoncées et jugées par le tribunal pour enfants. « La publication, par quelque procédé que ce soit, de tout texte ou illustration concernant l’identité et la personnalité des mineurs délinquants est (…) interdite », indique le code de justice pénale pour mineurs.