A quelques semaines d’intervalle, le résultat des mandats d’études parallèles (MEP) du centre sportif de Cherpines (GE), et l’enquête du plan localisé du quartier (PLQ les Cherpines) où se situe le projet ont été rendus publics. A la simple vue des noms des équipes sélectionnées – comme BIG et Zaha Hadid, figures de la « starchitecture » des années 2000/2010 – un certain scepticisme s’installe. On s’interroge aussi sur l’étrangeté de publier le résultat d’un concours. avant que le PLQ concerné n’entre en vigueur… d’autant que le projet est partiellement mis en œuvre sur un autre PLQ (Le Rolliet). On se demande surtout à qui est destinée exactement cette infrastructure estimée à 250 millions de francs et comment elle est financée.
Le futur centre sportif, prévu sur 3,5 ha, s’inscrit dans un vaste projet d’aménagement urbain public-privé situé à cheval sur les communes de Confignon et Plan-les-Ouates qui promet à terme plus de 3 800 logements et la création de 2 500 emplois. Soutenus par la commune de Plan-les-Ouates, les députés ont permis la production d’images chatoyantes et ambitieuses, dont certaines laissent planer le doute : centre sportif ou centre commercial? L’architecture des mégaprojets peut-elle répondre uniformément aux différents programmes ? S’il est évident que le projet gagnant de Marc Mimram Architecture & Associés et architectes collinfontaine est celle qui s’intègre le mieux dans le contexte genevois, ce n’est pas tant le résultat de la concurrence qui pose question que l’opportunisme de ce type de procédure internationale.
L’objet du concours
Dès les premières études d’élaboration du schéma directeur de quartier (PDQ), le centre sportif a été intégré à l’une des « cases » du futur quartier des Cherpines – une trame héritée de l’ancien réseau agricole. Dans le prolongement du centre sportif existant, le projet couvre une large gamme d’activités sportives et, dans une moindre mesure, culturelles : piscine de 50 m, patinoire de 30 × 60 m, salle polyvalente de 1 200 places, centre de remise en forme, hébergements, centre de raquette (plus d’une quinzaine de terrains), etc. Sur le plan architectural, les concurrents devaient imaginer un « symbole de quartier à l’expressivité claire ».
Pour voir les résultats et le rapport du jury, rendez-vous sur competitons.espazium.ch
Outre un programme conséquent et gourmand en espace, le centre sportif vise à relier les différents projets connexes du quartier. Sur l’axe est-ouest, il constituera une étape entre le secteur résidentiel de Rolliet, actuellement en construction, et celui de Cherpines, dont l’adoption du PLQ est prévue en 2025. Entre la route de Base et l’Aire, il articulera une zone industrielle (ZIPLO), un futur parc sportif, et le tracé du nouveau tramway, qui divise le périmètre en deux parties inégales par une diagonale. Telle une clé de voûte du projet urbain, elle est conçue à la fois comme une centralité de cette future « ville du quart d’heure » et comme un facteur d’attractivité à l’échelle intercommunale voire cantonale ; une fonction qui était celle des centres commerciaux il y a quelques décennies.
La procédure
La vision globale d’un district unitaire et autonome situé dans deux communes se confronte à leur engagement différentiel, perceptible dans l’évolution des députés.1. Même si le concours pour le centre sportif se déroule dans la commune de Plan-les-Ouates, maître d’ouvrage du projet, la programmation prend explicitement en compte les besoins de Confignon. Il est donc étonnant qu’une seule personne, sans droit de vote, représente cette commune au sein du jury du concours. Par ailleurs, si le dialogue compétitif autour d’une infrastructure d’une telle ampleur aurait pu, ou dû, inclure Confignon, un autre acteur est absent de la procédure : le groupe GD Cherpines SA, impliqué dans la construction et le financement du quartier et qui regroupe les deux tiers des propriétaires2. Ce manque de représentativité des partis risque de conduire à terme à une évolution de la programmation.
La complexité des enjeux liés aux infrastructures sportives justifie le recours aux députés européens, procédure plus souple qu’une compétition anonyme. Cependant, lorsque l’organisation a été confiée à Irbis Consulting, ce dernier a convaincu la commune de Plan-les-Ouates de « l’inutilité du Stample SIA ». [sic]»3ou SIA 143, et de plafonner la rémunération des équipes concurrentes à un taux forfaitaire, en tenant compte du coût des travaux et du fait qu’ils seront probablement réalisés en entreprise totale. Il existe un écart entre l’investissement représenté par l’équarrissage et le mandat en jeu. Seule une partie de celui-ci fonctionnera jusqu’au dépôt du permis de construire. Bref, le concours organisé offre au lauréat la possibilité de produire une image détaillée et potentiellement évolutive du projet, mais pas de le réaliser.4.
Le contexte
Le tramway 15, déjà en service, traverse une vaste plaine en cours de restructuration. C’est le contexte du projet : un enchevêtrement de règles d’urbanisme et de configurations foncières. Le périmètre du centre sportif s’étend sur deux PLQ, chacun étant principalement rattaché à l’une des deux municipalités. Divisé en deux, il a été conçu comme une pièce d’« équilibrage » urbain permettant un transfert équitable des droits à bâtir des propriétaires sur l’ensemble du quartier. Cependant, ni le PLQ de Rolliet ni celui de Cherpines n’imposent de fortes contraintes urbaines aux infrastructures sportives.
Le périmètre du concours comprend douze parcelles acquises ou en cours d’acquisition. En amont de la procédure, le programme est découpé de manière à s’adapter à la disponibilité foncière des parcelles et à la capacité financière de la commune, influençant ainsi l’aménagement des activités sur place et le phasage du projet. Par exemple, un volet prioritaire du programme, dont la piscine, se concentre sur les parcelles déjà contrôlées par Plan-les-Ouates. Interrogé, le chercheur en géographie urbaine et économique Thierry Theurillat explique que, dans le cadre d’un partenariat public-privé comme celui-ci, la commune exerce ses droits de surface en tant que propriétaire foncier puis, en tant que locataire de certaines surfaces. activité, il garantit sa rentabilité5. Le mécanisme permet alors de sécuriser une partie du projet tout en sollicitant des investisseurs privés.
Le programme
Signées par des architectes de renommée internationale, les trois propositions issues des députés européens suggèrent des géométries complexes et attractives, des toitures tourbillonnantes et des structures en bois dans l’air du temps. L’architecture du projet lauréat dessine un programme qui pourra évoluer en fonction des investissements futurs. La modélisation de l’enveloppe intègre plusieurs grands sous-ensembles dont le degré de réalisation semble varier. Dans le rapport du jury, il est question d’aménagements des espaces extérieurs de la piscine et d’optimisation de la façade de la patinoire ; la salle polyvalente doit être entièrement revue en fonction des futurs exploitants ; Quant au centre d’hébergement, il ne serait pas étonnant qu’il devienne un hôtel et que les espaces commerciaux et de restauration soient agrandis afin de financer le reste des équipements.
L’autre invariant entre les trois projets est la bipartition entre avant et dos du centre sportif, qui rappelle, une fois de plus, les centres commerciaux. Le projet lauréat se distingue par son organisation d’activités autour d’une esplanade centrale facilitant l’interaction entre les réseaux de mobilité et les espaces urbains environnants (contrairement au projet BIG), tout en conservant des proportions modestes (contrairement à celui de Zaha Hadid Unlimited). En contrepoint, une zone d’accès logistique motorisée aux différents programmes est implantée à l’est du site. Le projet se présente comme un système adaptable aux besoins des investisseurs, définissant globalement circulations, alignements et gabarits sur un site sans contraintes urbaines majeures. Les images de la concurrence, les schémas techniques et autres coupes détaillées semblent avoir été mal utilisés, présentant les réponses de la concurrence comme autant de « produits leaders » pour les investisseurs potentiels.
Trop gros pour échouer. Trop grand pour échouer, si complexe et politique que les subtilités architecturales du futur centre sportif deviennent secondaires. Plus qu’un résultat cohérent, les députés ont produit une image marketing du projet basée à la fois sur l’attractivité d’une concurrence internationale, l’opulence dégagée par les planches d’équarrissage, mais aussi les possibilités d’ajustement d’un programme et d’une architecture génériques. Le caractère exemplaire du concours suisse n’est plus à prouver en tant que procédure, mais son recours fréquent à la mise en œuvre de projets gigantesques et – potentiellement – contestés appelle à la vigilance.
Remarques
1. Avec plus du double de population et l’implantation de nombreuses entreprises à haute valeur ajoutée (zone industrielle ZIPLO), la commune de Plan-les-Ouates dispose de plus de ressources financières que Confignon.
2. Le canton de Genève, les communes de Plan-les-Ouates et Confignon et GD Cherpines SA – qui regroupe les propriétaires actuels de près de 73% des parcelles – sont signataires d’une convention relative à la planification, au financement et à la réalisation de la phase 2 du projet. le projet Cherpines en 2018. L’une des missions de GD Cherpines SA est de répartir équitablement les droits à construire sur l’ensemble du quartier, mais aussi de réaliser et financer des études et avant-projets, voire PLQ de détails, sous la tutelle l’égide du canton et des communes.
3. Extrait de Projet de délibération relative au crédit d’engagement de 1 650 000 CHF en vue de réaliser des mandats d’études parallèles pour les équipements sportifs et culturels de la salle D à Cherpines à Plan-les-Ouatesdu 8 février 2022, Commune de Plan-les-Ouates.
4. L’indemnisation des trois candidats au second tour des députés européens s’élève à 200 000 francs et aurait probablement été plus élevée si les lignes directrices de la SIA avaient été appliquées. Le mandat attribué au lauréat porte variablement sur les phases allant de l’avant-projet jusqu’au dépôt du permis de construire, voire partiellement sur les appels d’offres pour les premiers programmes sortis de terre.
5. Thierry Theurillat est professeur et chercheur à la Haute école de gestion Arc, Neuchâtel (HEG-Arc/HES-SO). Une partie de ses travaux porte sur les processus de financiarisation des centres sportifs et commerciaux en partenariat public-privé en Suisse, pionnière en la matière.
Pièce D – Installations sportives et culturelles
Client : Commune de Plan-les-Ouates
Procédure : Mandats d’études parallèles à deux niveaux, en procédure sélective
Projet lauréat : Marc Mimram Architecture & Associés et collinfontaine architectes
Candidats 2e diplôme : Bjarke Ingels Group (BIG) et Frei & Stefani Architecture and Development ; Zaha Hadid Limitée De Planta et Associés Architectes