« Ne faisons pas de doute sur la qui entreprend »

« Ne faisons pas de doute sur la qui entreprend »
« Ne faisons pas de doute sur la France qui entreprend »

Le JDD. Vous êtes à la tête de LCL depuis le 1er janvier et avez consacré ces derniers mois à faire le tour des agences en . Quels retours en avez-vous tirés ?

Serge Magdeleine. J’ai rencontré près de 2 500 collaborateurs en direct et sans filtre pour me faire une idée de l’entreprise et de la manière dont nous travaillons en interne. J’ai été impressionné par la culture entrepreneuriale de cette banque qui incarne depuis 160 ans la banque des industriels français. Autre trait marquant : sa résilience. Le Crédit Lyonnais a traversé des épreuves, notamment dans les années 1990, et en ressort renforcé. LCL est aujourd’hui une banque solide, dynamique et rentable, avec une bonne maîtrise des coûts. En résumé : c’est une très grande entreprise portée par 16 400 salariés !

L’autre défi de ce tour de France était de remettre en question les grandes aspirations du pays. Je m’en souviens de trois. La première : le pays se tourne massivement vers l’entrepreneuriat. Il y a à peine quinze ans, 250 000 entreprises étaient créées en France par an. Un million ont été créés l’année dernière. Deuxième enseignement, le nécessaire passage à la transition énergétique et à la décarbonation à marche forcée. Cet été encore, des usines ont dû fermer faute de ressources en eau, etc. Troisième défi majeur : l’accélération de la digitalisation liée à l’arrivée des outils d’intelligence artificielle.

De ces trois défis, la transition énergétique semble le plus efficace, comment l’aborder ?

Il est urgent de décarboner les outils industriels et les transports, tout en se protégeant du choc climatique et en accompagnant tous nos clients dans cette transition. C’est d’autant plus complexe que décarboner prend du temps. Nous n’en récolterons les fruits que dans dix ou vingt ans : c’est un effort nécessaire à long terme. Et cette transition doit se faire selon une répartition équitable des efforts, pour ne pas accroître les inégalités sociales.

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Quelle banque est LCL aujourd’hui ? Une banque de détail ? Une banque au service des TPE et PME ?

Nous gérons les comptes de 6 100 000 clients particuliers et 400 000 clients professionnels au sens large, professions libérales, artisans, commerçants, TPE. Nous accompagnons également 31 000 grandes PME et ETI. En matière de répartition du nombre de comptes, nous sommes la banque des particuliers. Concernant le volume des crédits, il est équilibré : 100 milliards d’euros profitent aux ménages et 70 milliards aux entreprises. Conclusion : LCL est une banque universelle qui accompagne aussi bien les particuliers, plus tournés vers le patrimoine, que les entreprises.

Les PME et ETI sortent d’une période de forte inflation et doivent, en outre, rembourser les prêts garantis par l’État accordés. pendant le Covid. Leur accès au crédit devient de plus en plus difficile. Comment y réagissez-vous ?

Nous vivons dans une période de « triple normalisation post-Covid ». Normalisation monétaire d’abord : les banques centrales retirent les liquidités qu’elles avaient massivement injectées pour surmonter le confinement lié au Covid. Deuxièmement, la normalisation économique avec le retour de l’inflation en dessous de 2%, grâce à la hausse des taux d’intérêt décidée par les banques centrales. L’une des conséquences immédiates de cette hausse brutale a été la liquidation de certains ménages et de certaines entreprises qui étaient insolvables en période de taux bas. Enfin, la normalisation budgétaire avec la nécessité de réduire les déficits publics. Cette triple normalisation affecte naturellement notre économie.

“On constate une baisse de la demande de crédit”

Cela signifie-t-il que les propriétaires de petites entreprises doivent s’attendre à un resserrement de la vis en matière d’accès au crédit ? Flexibilité des flux de trésorerie ?

Pas de tour de vis chez LCL, non ! La banque continue d’accompagner tous ses clients. Ce que nous observons, c’est une baisse de la demande de crédit. Plusieurs facteurs expliquent cela. Le premier, la hausse des taux. Lorsqu’une entreprise emprunte à 5 %, elle a moins de projets finançables que lorsqu’elle emprunte à 2 %. Deuxième élément : l’atonie de la demande. Les entreprises ont des carnets de commandes en baisse, elles investissent donc moins. À ces deux facteurs structurels s’ajoute un troisième élément : l’instabilité budgétaire.

Cette semaine, lors d’un événement de la LCL réunissant près de 500 chefs d’entreprise, j’ai pu mesurer à quel point l’instabilité fiscale liée au débat sur le projet de loi de finances les amène à s’interroger : dois-je investir maintenant ? Dois-je attendre ? Beaucoup attendent et attendent ! Des règles du jeu claires et cohérentes dans le temps sont essentielles au développement de notre économie.

Êtes-vous préoccupé par les intentions fiscales du gouvernement?

Ce n’est pas à moi de faire des arbitrages. Nos entreprises ont besoin de visibilité à long terme. Et à ce titre, il me semble important que la France passe d’un plan d’action 2030 à un véritable « business plan 2030 », pour penser « business France ». Où voulons-nous investir ? Pour créer quelle richesse ? Je pense notamment à toutes ces entreprises qui génèrent une énorme valeur ajoutée, notamment grâce à la technologie, qu’on l’appelle « XTech », « biotech », « medtech », « cleantech », « fintech »…

Envisageons-nous un plan stratégique pour investir massivement dans leur développement ? Pourquoi est-ce important ? Car en matière de recettes fiscales, il existe deux leviers : élargir l’assiette fiscale ou augmenter le taux. On parle beaucoup du second, rarement du premier. Cependant, le risque est qu’en augmentant trop le taux, on réduise l’assiette. Préserver les entreprises à haute valeur ajoutée est une des voies pour créer plus de richesse en France et générer mécaniquement plus de recettes fiscales.

« Il est important que la France réussisse à redresser ses finances publiques »

Revenant sur la fiscalité pour 2025, Michel Barnier appelle à un effort de solidarité avec les grandes entreprises. Craignez-vous une taxe sur les surprofits bancaires ?

Il est important que la France réussisse à redresser ses finances publiques. LCL est une entreprise française qui paie ses impôts en France et continuera de le faire. A ce stade, nous ne disposons pas d’informations concrètes permettant de calculer précisément l’impact sur LCL. Il me semble erroné de parler de « super profits » pour la banque, car cette notion induit des profits à caractère exceptionnel, ce qui n’est pas le cas. Ce terme est aussi une injonction paradoxale. Le régulateur du secteur bancaire, autorité publique, nous impose d’accumuler toujours plus de capital. Comment pouvons-nous les obtenir ? Soit en levant des capitaux qui doivent être rémunérés, soit en capitalisant les bénéfices futurs.

Mécaniquement, le régulateur nous oblige à faire des profits. Et d’un autre côté, il faudrait définir des compartiments de profit, dont certains seraient de trop ? Le rôle d’une banque est de financer l’économie. Réduire les profits, c’est aussi priver l’économie de ce soutien. Au-delà même de l’activité bancaire, mes clients entrepreneurs me font part de leurs grands doutes sur le concept de « taxation exceptionnelle des super profits ».

Ce qui est vrai pour les entreprises est vrai pour les particuliers ? Une majoration, même ponctuelle, pour les revenus plus élevés vous semble inefficace ?

Qu’il y ait une forme de solidarité de la part de ceux qui, j’allais dire, peuvent le plus apporter, c’est compréhensible. La question est « dans quelle mesure » ? La loi souveraine du monde des affaires est aussi ancienne que l’économie : « Trop d’impôts tue l’impôt ». » Gardons-nous de dissuader les entrepreneurs d’investir en France. La remise en cause du pacte Dutreil – qui permet d’exonérer massivement des droits de succession la transmission d’une entreprise familiale – a été soulevée. Revenir sur ce pacte conduirait à vendre la plupart de nos grandes entreprises familiales à des sociétés étrangères. Est-ce ce que nous voulons ?

Le marché immobilier souffre, que ce soit dans le secteur de la construction ou des achats. Voyez-vous une amélioration ?

Je détecte deux signaux encourageants. Premièrement, les intentions d’achat d’appartements ou de maisons se sont redressées ces dernières semaines. Deuxièmement : on enregistre une augmentation du nombre de simulations de prêts, ce qui laisse présager une reprise concrète des crédits immobiliers dans les prochains mois. La baisse des taux devrait également favoriser cette reprise. À cet égard, je voudrais souligner que le modèle français à taux fixe a protégé très efficacement les emprunteurs français.

En Italie ou en Espagne, les ménages empruntent à taux variable. Lorsqu’elles bondissent de 1 à 3 %, la mensualité explose. Pour LCL, nous avons protégé nos clients emprunteurs de payer 3 milliards d’euros supplémentaires sur les deux dernières années s’ils bénéficiaient de taux variables.

Ce modèle bancaire français est-il menacé ? Affaibli ?

Depuis 1988, les contraintes liées à la régulation des banques occidentales mise en place par le Comité de Bâle, sous l’égide de la Banque des règlements internationaux, se sont accumulées au gré des crises. Nous sommes dans la quatrième vague. Cela risque de nous conduire petit à petit vers un modèle anglo-saxon dans lequel il deviendra mécaniquement nécessaire de vendre nos crédits ou de passer au système de taux variable. Pourtant, le modèle protecteur des taux fixes en France a déjà fait ses preuves !

« Nous allons accroître notre activité vers la nouvelle économie : startups et tech »

Dans ce contexte incertain, quel cap allez-vous donner au paquebot LCL ?

Je vous l’ai dit, ce qui me frappe, c’est à quel point la France s’oriente vers l’entrepreneuriat. La vocation principale de LCL est d’être la banque de ceux qui entreprennent au sens large, et c’est un positionnement que nous accentuerons. Cela concerne l’artisan, le commerçant, l’entrepreneur du quotidien, l’indépendant, le fameux « slasher » qui est salarié le jour et architecte d’intérieur le soir.

C’est aussi lui qui fait un geste pour la planète en installant lui-même une toiture photovoltaïque sur sa maison. Ou celui qui entreprend pour son patrimoine dans un investissement locatif pour financer sa retraite… Un Français sur deux se dit tenté par l’entrepreneuriat. C’est un marché très vaste et en pleine explosion. Nous serons la banque de France qui entreprend.

Concrètement, comment cela va-t-il se traduire ?

Nous allons accroître notre activité vers la nouvelle économie, les startups et la tech. Nous réfléchissons à des solutions qui prendront en compte la vie privée de ceux qui font des affaires, ce qui est complètement innovant. Exemple : un entrepreneur qui développe une activité à forte valeur ajoutée mais se retrouve empêché car il doit s’installer à Paris, nous allons l’aider à financer son logement pour lui permettre de faire décoller son projet. Nous nous appuierons également sur des conseillers spécialisés dans des domaines majeurs : logistique, industrie lourde, tech, etc. Afin de parler le même langage que nos clients selon leur domaine d’activité.

Dès le mois prochain, nous partirons à la rencontre de cette France qui entreprend d’affiner de fond en comble notre réorganisation. On démarre le 11 décembre à Lyon, dans l’agence historique créée par Henri Germain. Et nous terminerons à Paris en mai. Six mois d’échanges avec 10 000 entrepreneurs et l’ensemble des salariés de LCL, pour calibrer nos offres et conseils au bénéfice de cette France entrepreneuriale.

Christine Lagarde, présidente de la BCE, s’inquiète de l’éloignement de l’Europe de la concurrence économique mondiale. Partagez-vous ce constat ?

Personne ne peut se vanter de ses propres turpitudes : les États-Unis innovent, les Chinois s’industrialisent et les Européens régulent. Nous sortons de dix années d’hyper-réglementation en tout : interdiction des voitures thermiques en 2035, cinq lois européennes sur la technologie (Digital Markets Act, Digital Services Act, Data Act, Governments Act, IA Act). Toutes ces réglementations prises isolément sont pertinentes. Leur multiplication tend à contraindre l’économie et à induire une déconnexion, déjà palpable, de l’Europe au niveau mondial.

 
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