Sous l’abri de fortune qui l’héberge depuis que les inondations ont ravagé son village, Khardiatou Sy se sent abandonnée par le gouvernement à une semaine des élections législatives.
Cette Sénégalaise de 28 ans fait partie des milliers de personnes déplacées dans l’est et le nord du pays par la crue du fleuve Sénégal suite à des pluies torrentielles. Sa maison à Bely Dialo, dans la région de Matam, est réduite à l’état de ruine.
De vastes étendues de terres ont été submergées et les moyens de subsistance de nombreux agriculteurs détruits.
« Si votre champ est détruit, vous n’avez rien pour vous nourrir », explique Khardiatou Sy. Sa localité vivait de riz, les habitants essayent désormais de pêcher.
Le Sénégal et l’Afrique de l’Ouest sont sujets à des débordements presque chaque année pendant la saison des pluies. Le gouvernement sénégalais installé en avril, après la victoire éclatante du duo Bassirou Diomaye Faye-Ousmane Sonko à l’élection présidentielle, savait qu’il devait gérer cette urgence en plus d’autres : coût de la vie, chômage, émigration clandestine, dette…
Toutefois, les inondations ont pris des proportions exceptionnelles en Afrique de l’Ouest et centrale, alourdissant le fardeau du gouvernement pendant la période préélectorale.
Des élections législatives sont convoquées pour le 17 novembre car le président Faye a dissous prématurément un Parlement élu en 2022 et toujours dominé par l’ancienne majorité.
Ces élections montreront si, huit mois plus tard, les Sénégalais accordent toujours leur confiance au président Faye et surtout au Premier ministre Sonko, et leur accordent la majorité qui simplifierait leur tâche, ou si, au contraire, l’heure des sanctions est déjà venue. viens .
– Paroles et actions –
Les dernières années ont été éprouvantes pour un pays pauvre dont la moitié de la population a moins de 19 ans et dont une grande partie lutte quotidiennement pour joindre les deux bouts.
L’opposition fait campagne en accusant M. Sonko de trop parler et de ne pas agir assez. Le gouvernement évoque la difficulté de la situation rencontrée à son arrivée.
Les avis sont partagés dans la région rurale de Matam, fief de l’ancienne majorité, notamment sur la réponse du gouvernement face à la calamité naturelle.
“On n’a pas vu la présence de l’Etat”, déplore Khardiatou Sy. Les 30 familles de son village vivent sous des tentes depuis près d’un mois, ajoute-t-elle.
Le président Faye s’est rendu en personne dans les zones touchées. Le gouvernement a alloué 8 milliards de francs CFA (13 millions de dollars) d’aide.
Aucun ressentiment apparent contre le gouvernement alors que la campagne amène à Matam le cortège du Premier ministre, tête de liste de son parti, Pastef. Au contraire, le tumulte des vuvuzelas et les chants chantés par des milliers de personnes à la gloire de MM. Sonko et Faye remplissent l’air du soir, faisant écho à l’enthousiasme des foules à la sortie de prison des deux hommes dix jours avant l’élection présidentielle.
« La région de Matam est la plus pauvre. C’est pour cela que nous avons voulu voter Pastef, pour que la région change”, explique Aby Sow, 31 ans.
« Nous, les jeunes, voulons travailler, il y a tellement de jeunes qui sont morts dans les bateaux », dit-elle.
– La tentation de partir –
Le Sénégal est l’un des principaux points de départ de milliers de migrants qui tentent chaque année de rejoindre l’Europe en pirogue via l’Atlantique. Des milliers de personnes sont mortes pendant le voyage.
Moins d’un cinquième de la population en âge de travailler avait un emploi rémunéré dans la région de Matam en 2021, selon l’agence nationale des statistiques. C’est le pire taux du pays.
MM. Faye et Sonko ont été portés au pouvoir grâce à la promesse de rupture et de justice sociale. Un plan de développement sur 25 ans présenté mi-octobre prévoit de faire de la région de Matam un pôle de transformation du phosphate en engrais.
« On ne dira plus que toute la jeunesse matamoise va à Dakar ou tente de quitter le pays. Les choses vont changer ici», assure M. Sonko. Dix mille emplois directs seront créés, prédit-il.
Ces promesses n’ont pas été entendues par tous les électeurs du marché très animé de Matam.
Houley Koné, 50 ans, se plaint de la hausse des prix et d’une vie plus dure. Elle vend des céréales pour les animaux. Comme d’autres, sa grande préoccupation est que le gouvernement crée des emplois pour les jeunes.
“Pour nous, le gouvernement n’existe même pas.”