Sciences –
Les gorilles parlent comme de parfaits démocrates
Une étude réalisée notamment par l’Université de Neuchâtel révèle que ces hominidés ont volontiers recours au « vote ».
Publié : 08.11.2024, 21h00
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Les grands singes ne cessent de nous étonner. Saviez-vous par exemple qu’avant de se déplacer en groupe, les gorilles effectuent une sorte de « vote » ? Et le plus fort du groupe n’a pas forcément le dernier mot ? On doit cette récente découverte à une équipe de chercheurs de l’Université de Neuchâtel et du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, qui s’est rendue en Centrafrique.
Étudiante depuis deux ans à Neuchâtel et première auteure de l’étude, Lara Nellissen faisait partie de l’expédition. Accompagnée de pisteurs, alias chasseurs-cueilleurs, elle a observé pendant onze mois trois groupes de gorilles de l’ouest, qui vivent dans la forêt des aires protégées de Dzanga-Sangha. « Nous avons suivi les animaux focaux, c’est-à-dire que nous nous sommes concentrés sur un individu différent chaque jour et tout au long de la journée », explique le jeune chercheur.
Le rôle du « dos argenté »
Pour mieux comprendre comment ces hominidés interagissent, il faut savoir qu’ils vivent en groupes familiaux, constitués d’un seul dos argenté mâle adulte, entouré de femelles et de leur progéniture. Deux fois plus grand que les femelles, le « dos argenté » joue le rôle de leader et chacun compte sur lui pour les protéger contre les autres « dos argentés » non apparentés au groupe.
Les gorilles occidentaux se déplacent très fréquemment à la recherche de nourriture, notamment de fruits. Mais chaque membre d’un groupe peut avoir des informations et des besoins différents. Alors qui donne le signal de départ, et pour aller où ?
«Pour les gorilles, il est crucial de maintenir la cohésion du groupe», explique Lara Nellissen. Ainsi, nous avons remarqué que pour se déplacer, ces animaux vocalisent avant le départ pour s’assurer que tout le monde soit d’accord. Et malgré sa position dominante, le puissant « dos argenté » n’est pas le seul à s’exprimer !
Le quorum gagne
Le choix d’une nouvelle destination est en effet un processus très démocratique. Dans les cinq minutes qui précèdent le départ du groupe, l’activité vocale des grands singes augmente considérablement. Près de la moitié des cris, qui ressemblent à des grognements, font partie d’échanges avec d’autres membres du groupe.
« Nous avons également constaté que les gorilles étaient plus enclins à partir si un nombre élevé de membres du groupe avaient vocalisé », indique l’étudiant de l’UNINE. Cela suggère que les gorilles pourraient répondre à une forme de quorum : une fois qu’un nombre seuil d’individus se sont prononcés en faveur d’un comportement, l’ensemble du groupe l’adopte.
Ce phénomène de quorum a déjà été décrit chez d’autres espèces, comme les suricates et les lycaons.
Convaincre le groupe
Pour les scientifiques, ces observations montrent que le « dos argenté » n’est pas le seul individu à décider quand partir. Son consentement n’est même pas nécessaire ! Au contraire, chaque membre du groupe peut influencer les autres.
Enfin, pas nécessairement tous. “Les jeunes gorilles peuvent aussi émettre des cris, mais beaucoup moins fréquemment que les individus adultes”, explique Lara Nellissen. Ils jouent donc probablement un rôle mineur dans le processus décisionnel.»
L’étudiant de l’UNINE note en outre que « si les individus commencent à bouger mais ne sont pas suivis, ils s’arrêtent, regardent les autres membres du groupe et vocalisent jusqu’à ce que d’autres suivent. Mais cela ne fonctionne pas toujours et l’individu n’a d’autre choix que de s’asseoir et d’attendre que quelqu’un d’autre commence à bouger.
Reconnaître les voix
Observer le « discours » de ces grands singes n’est pas forcément évident, souligne Lara Nellissen, « même si ceux avec qui j’ai travaillé sont habitués à la présence humaine, via le programme d’habituation du WWF Centrafrique. . Il est important de garder suffisamment de distance et de faire attention à ne pas bloquer leur chemin. Nous devons nous comporter de manière à ce que les gorilles oublient votre présence.
Il lui était également essentiel de reconnaître chaque individu à sa voix. « Pour cela, j’ai pu compter sur les aka trackers. Grâce à eux, après quelques semaines d’observations, j’ai moi aussi commencé à identifier des différences dans la voix des gorilles !
Lara Nellissen a également bénéficié des grandes connaissances de sa directrice Shelly Masi, maître de conférences au Musée et qui étudie les gorilles depuis plus de vingt ans, ainsi que de l’aide de son professeur à l’UNINE, Klaus Zuberbühler, spécialiste de la communication animale et plus particulièrement de les primates.
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Xavier Lafargue est journaliste professionnel depuis 1985. Après quinze années passées dans les sections sportives, il opte pour l’information locale. Il travaille depuis 2008 à la section genevoise de la Tribune de Genève, section qu’il a dirigée pendant six ans avant de se remettre à l’écriture.Plus d’informations
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