11h13 par Dolorès CHARLES
Elevage bovin de 29
Crédit : Yann Launay
Après l’annonce du géant mayennais Lactalis de se séparer de nombreux éleveurs sous contrat, ces derniers sont à la recherche de nouveaux collectionneurs. Reportage dans le Finistère chez Laurence et André Rannou, basés à Cast.
C’était il y a un mois : Lactalis annonçait sa décision de ne plus collecter le lait de plusieurs centaines d’exploitations en France, dont 150 en Bretagne et Pays de la Loire… notamment des exploitations bio, comme celle de Laurence et André Rannou, basées à Cast dans le Finistère. La demande en lait bio ayant diminué, les industriels comme le géant mayennais déclassent le lait bio, le mélangeant au lait conventionnel, alors qu’ils l’achètent plus cher au producteur.
Qu’un industriel décide où on fait du bio et où on ne le fait plus me révolte un peu.
En effet, Lactalis accepterait de continuer à collecter le lait de Laurence et André, à condition qu’ils arrêtent le bio et reviennent à une production conventionnelle. Inacceptable pour les éleveurs qui refusent ce retour en arrière. “Nous avons un modèle résilient, nous n’utilisons pas de pesticides en accord avec un certain nombre de valeurs comme laisser une planète propre à nos enfants mais penser que notre travail n’est pas valorisé et qu’on pourrait continuer à fabriquer du lait et être payé de manière conventionnelle, en réutilisant des produits qu’on n’utilise plus, ça ne marche pas. C’est aussi un mauvais signal dans un contexte où l’on entend beaucoup parler du réchauffement climatique. Qu’un industriel décide où on fait du bio et où on ne le fait plus me révolte un peu.
Crédit : Yann Launay
Restant bio en vendant leur lait au prix du lait conventionnel, Laurence et André le refusent pour des raisons éthiques et économiques : classiquement, ils vendraient leur lait autour de 450 euros les 1000 litres, alors que le juste prix est plus proche de 600 euros la tonne. .
Un sentiment d’injustice
« Les vaches produisent moins de lait en agriculture biologique : nous avons un modèle herbeux, ils mangent 90% d’herbe dans les rations, mais au final nous produisons moins par vache qu’un éleveur conventionnel. Résultat, le modèle économique ne tient pas ! Or, nous sommes vertueux, nous avons fait des choix de production, qui font qu’il n’y a pas besoin de dépolluer la pollution derrière et je trouve que ce n’est pas valorisé. Il y a un sentiment d’injustice, d’autant plus vrai que nous souhaitions passer à l’agriculture biologique depuis très longtemps mais comme il n’y avait pas de collecte de lait dans notre filière, cela n’a pas été le cas. Ce n’est pas fait, puis poussé par les consommateurs et la demande, la collecte est devenue possible mais aujourd’hui encore, ce n’est plus possible !
Crédit : Yann Launay
Laurence Rannou
Crédit : Yann Launay
Soutenus par le groupement de producteurs bio de Seine et Loire et par le réseau Invitation à la Ferme, Laurence et André se lancent à la recherche d’un nouveau collecteur, pour remplacer Lactalis. « Sur notre territoire, nous voyons des camions de lait passer devant notre maison. Nous savons qu’il existe des laiteries qui collectent certains de nos confrères. Nous allons nous rapprocher de ces laiteries et nous sommes confiants car notre lait est de qualité… mais le contexte n’est pas bon notamment parce que la consommation de lait et de produits laitiers diminue en France…
Pour faire du beurre, il faut du lait
Les industriels travaillent aussi sur des produits à forte valeur ajoutée, acheter du lait pour fabriquer du lait en poudre et l’envoyer aux quatre coins du monde est plus rentable, on a donc moins besoin de lait français. Pourtant, c’est drôle puisqu’on entend dire qu’on risque de manquer de beurre. Mais pour faire du beurre, il faut du lait.
Elevage Rannou à Cast (29)
Crédit : Yann Launay
Laurence et André transforment depuis deux ans une partie de leur lait en yaourts, directement à la ferme, mais impossible de transformer la totalité de leur lait et de se passer de produits laitiers. En Occident, plusieurs collectionneurs ont annoncé pouvoir reprendre les exploitations cédées par Lactalis, mais un rachat de l’ensemble des éleveurs reste très hypothétique.