Le musée Barbier-Mueller invite John Armleder

Le Musée Barbier-Mueller invite John Armleder

Publié aujourd’hui à 23h12

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On le connaît mieux de profil que de face. Toutefois, l’idéal reste de le montrer de dos. En termes d’image, John Armleder est en effet réduit à une longue tresse, que je ne lui ai pas toujours connue. Au dernier millénaire, nous étions dans des classes secondaires parallèles. John a exactement trois jours de plus que moi en juin. Je ne sais pas s’il voulait déjà devenir artiste à ce moment-là. Mais lorsque nos chemins, pas tout à fait parallèles, se recroisent, c’est désormais sous l’égide d’Ecart. Le grand Ecart, devenu désormais légendaire dans la mesure où ce collectif a marqué l’entrée de Genève dans les circuits de l’art contemporain. Nous sommes alors en 1969, quatre ans avant la naissance de l’AMAM, qui donnera naissance au Mamco, et cinq ans avant l’apparition d’un Centre d’Art Contemporain sous l’aile d’Adelina de Fürstenberg. J’ai l’impression de vous parler de préhistoire cette fois. Mais il en est bien un.

Lunettes de Venise

John Armleder se retrouve ainsi de profil, et non de face, sur les deux planches de couverture du catalogue carré de l’exposition en cours au musée Barbier-Mueller. Son visage est autrefois caché par un miroir antique en bronze. L’autre par une de ses œuvres en verre vénitien. La tresse suffit à l’identifier mais, après tout, on reconnaissait facilement Elizabeth II à sa seule silhouette. La problématique de l’exposition s’éclaire davantage. « Transparent » regroupera aussi bien des créations plus ou moins récentes de John que des objets sélectionnés par lui dans les réserves surabondantes des collections de la maison. Il s’agissait d’établir un dialogue entre eux, puisque l’institution privée est désormais un club de rencontre. Que peuvent se dire objets d’art contemporain et œuvres exotiques ou millénaires ?

Quant à John, tout repose sur la notion de transparence, qui connaît aujourd’hui un grand succès dans les mondes opaques de la politique et de l’économie. Le Genevois a collaboré en 2008 puis en 2011, avec l’atelier de Silvano Signoretto à Murano. Une tentative de faire travailler des plasticiens à Venise, comme cela avait déjà été le cas dans les années 1950 avec Fucina degli Angeli d’Egidio Costantini. Armleder récidivera en 2017, mais cette fois en Suisse. Il réalise ensuite à Münchenstein avec l’atelier Verrerie de Matteo Gonet. Ce sont ces expériences qui seront désormais contrastées avec des pièces africaines, océaniennes ou néolithiques. Après tout, pourquoi pas ? On a bien vu au Musée Barbier-Mueller les poteries de Jacques Kaufmann (1) se lier d’amitié avec celles du monde entier. Miquel Barceló flirte avec le continent noir, où il possède également un atelier. Silvia Bächli glisse ses dessins dans les vitrines de l’institution. Le tout avec succès.

Une poterie africaine sélectionnée par John. Elle est originaire d'Ouganda.

Cependant! La sauce prend-elle aussi bien cette fois-ci ? Je n’en suis pas convaincu. Les deux partis ne me semblent pas en cause. Le problème essentiel reste, à mon avis, le manque de preuves des points de rendez-vous. Nous restons chacun pour soi au rez-de-chaussée et à la mezzanine. Massives et sans doute très lourdes, les pièces de John Armleder prennent également beaucoup de place. Trop, sans doute. Les intervenants précédents étaient restés bien plus discrets. Le visiteur ne voit soudain plus que lui-même, avec des interventions parfois disproportionnées comme la « Pomona » de deux mètres et demi de hauteur. Ou hyper-coloré, et cette fois je citerai « Kamut ». Plats africains, statuettes roumaines antiques, coiffes des îles Marquises ont bien du mal à tenir face à ce déferlement d’affirmations. Enfin, il y a des manques dans les vitres qui ne me paraissent guère significatifs. Rien du tout à certains endroits. Ou des assiettes en verre avec des bulles qui me faisaient vraiment penser à des œufs au plat. Faut-il voir dans cet appauvrissement visuel l’effet d’un certain art contemporain ?

John et une anthologie de ses œuvres.

Bien entendu, je n’irais pas jusqu’à dire que c’est une mauvaise exposition. Mais elle me paraissait plus faible que les autres. Moins bien composé. De conception assez légère. Un peu bâclé même dans l’exécution. La mise en œuvre reste néanmoins très bien réalisée. L’éclairage parfaitement réglé, comme au théâtre. Le catalogue s’avère également être un bel objet, qui est aussi malheureusement assez creux. Un tel jugement peut évidemment paraître sévère. C’est même injuste. C’est en fait le résultat de comparaisons. Le musée Barbier-Mueller a toujours placé la barre très haut. Cette affaire dure depuis près d’un demi-siècle. Il devient difficile dans ces conditions d’accepter de voir ces derniers descendre le moindre centimètre.

(1) Jacques Kaufmann reconstruit actuellement son mur de briques dans le parc de l’Ariana. Le précédent a été mis à mal par la sécheresse, qui a fait travailler le sol.

Pratique

« Transparent, John Armleder & le Musée Barbier-Mueller », Musée Barbier-Mueller, 10, rue Calvin, Genève, jusqu’au 5 janvier 2025. Tél. 022 312 02 70, site Internet https://barbier-mueller.ch Ouvert tous les jours, de 11h à 17h

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Né en 1948, Étienne Dumont étudié à Genève qui lui furent de peu d’utilité. Latin, grec, droit. Avocat raté, il se tourne vers le journalisme. Le plus souvent dans les sections culturelles, il travaille de mars 1974 à mai 2013 à la Tribune de Genève, commençant par parler de cinéma. Viennent ensuite les beaux-arts et les livres. A part ça, comme vous pouvez le constater, rien à signaler.Plus d’informations

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