Fickou remplaçant, Ollivon hors de la feuille de match, Danty hors du groupe des 42… Le sélectionneur des Bleus a longuement justifié ses choix et ses attentes avant le premier test de novembre, samedi soir contre le Japon.
Vous vous passez de plusieurs cadres – Fickou, Ollivon, Danty… – est-ce le début d’une nouvelle ère ?
Fabien Galthié: Je parlerai plutôt de continuité et d’émulation. D’un groupe de France qui se dirige vers ce match en ayant la chance, grâce à l’accord avec la Ligue, de retravailler à 42. Cette première composition est l’équipe qui nous semble la mieux en forme en ce moment. La notion d’expérience est importante, mais il y a surtout de l’émulation, des joueurs qui poussent, de la compétition pour entrer dans le XV de France ou les 23.
Vous ne parlez donc plus de joueurs premium ?
En effet, on peut parler d’un groupe français qui démarre sur une base élargie. On a la chance de bénéficier de l’excellent travail des clubs, d’un championnat très relevé, très relevé. La règle Jiff pousse les meilleurs jeunes Français à émerger et à se développer. Ils arrivent ici avec un niveau de maturité déjà conséquent. Donc ça crée une émulation avec les joueurs avec qui on a voyagé pendant cinq saisons. Joueurs sur lesquels nous comptons, attention ! Il y a une rotation, une saine émulation mais clairement, pour avoir interagi avec ces joueurs concernés par ces cinq années passées ensemble, même s’ils sont finisseurs, même s’ils ne sont pas sur la feuille de match, on compte sur eux. Nous avons besoin d’eux, de leurs expériences pour voyager dans notre vision à trois ans. Nous voulons garder nos meilleurs joueurs des cinq dernières années. Mais, pour cela, il faut qu’ils soient capables de se régénérer, de se préparer, de continuer à progresser. Et pas stagner ni même décliner, car ils ont une telle charge de match, de préparation émotionnelle, qu’à un moment, ils ne gèrent qu’un état physique, un état psychologique. Mais nous voulons qu’ils se préparent et continuent de progresser. Nous pensons que, quel que soit leur âge, ces joueurs qui ont eu beaucoup d’expérience avec nous peuvent encore capitaliser sur leur potentiel. A revenir prochainement sur la feuille de match bien sûr.
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Mais tu as dit que l’équipe de France, ce n’était pas Koh-Lanta…
Et je le maintiens. L’équipe de France, ce n’est pas Koh-Lanta. Mais j’ai aussi toujours dit qu’on avait poussé tous les joueurs à venir chercher ce maillot, avec cette vision sur trois ans. Mais les joueurs qui ont passé ces cinq années avec nous sont encore capables de jouer, de venir demain reprendre le maillot. Il ne s’agit pas d’une rupture mais d’une évolution naturelle. Avec des joueurs qui poussent, qui se révèlent en Top 14, qui se sont révélés chez nous. Il n’y a pas de zone de confort en équipe de France. Si on parle de Gaël (Fickou), s’il a joué autant de matches en tant que titulaire, ce n’était pas un cadeau mais parce qu’il le méritait. Et être dans les 23 n’est pas un déclassement. Je vous parle d’une équipe de France qui s’engage sur le chemin qui mène à la Coupe du Monde, pas d’un projet individuel. C’est un projet collectif, nous sommes très clairs sur ce point avec les joueurs. Et les joueurs sont alignés sur nos décisions. Après, comme ce sont des compétiteurs, des champions, je suis sûr qu’ils nous montreront qu’ils sont toujours là. C’est déjà le cas à l’entraînement. Je peux vous dire qu’il y a une grande qualité dans l’engagement et dans la qualité de chacun. Ils sont dans la course. Nous n’en parlons pas à l’imparfait. Aucun de ces joueurs n’est sur un chemin qui ne mènerait plus à l’équipe de France.
Nous avons beaucoup de respect pour ces joueurs. Nous comptons sur eux. Ils savent que nous comptons sur eux. Et ils reviendront.
Cela signifie-t-il qu’il pourrait y avoir des modifications aux 23 pour le prochain test, contre les All Blacks ?
En principe, c’est un environnement dans lequel tout le monde peut jouer. On ne peut pas fermer une porte à quelqu’un. Tout le monde doit penser qu’il peut jouer. Après, il faut regarder notre histoire, notre expérience commune, et voir qu’il y a encore une cohérence dans l’enchaînement des matches. Le match contre les All Blacks ne sera que la deuxième rencontre de notre saison. Ils ont débuté leur saison en juin. Ils terminent leur sixième mois ensemble, ils joueront leur 13èmee ou 14e correspondre. Nous n’avons pas le même calendrier. Il faut aussi gérer les impératifs de l’expérience collective, de l’expérience commune. Et cela compte beaucoup dans la composition de notre équipe…
Comment Fickou ou Ollivon ont-ils vécu vos choix ?
Je discute très tôt des tendances et des options actuelles avec les joueurs. Je partage avec le désir qu’ils comprennent et acceptent. Mais il y a une telle confiance, un tel respect entre nous que ça me dérange toujours un peu de voir comment un joueur est traité (par les médias, ndlr) quand on quitte le groupe… J’ai une grande admiration pour Gaël et ses 90 sélections. La façon dont il maintient son niveau de performance. J’ai une grande admiration pour la façon dont Charles Ollivon s’est remis de ses blessures. Je peux en nommer d’autres. Nous avons beaucoup de respect pour ces joueurs. Nous comptons sur eux. Ils savent que nous comptons sur eux. Et ils reviendront.
La charnière Dupont-Ramos, c’est d’abord le talent, le niveau de jeu.
Pourquoi avez-vous préféré associer Antoine Dupont à Thomas Ramos plutôt qu’à Matthieu Jalibert à la charnière ?
C’est d’abord le talent, le niveau de jeu. Ensuite, l’un des facteurs clés de réussite est l’expérience collective. C’est l’un des critères essentiels pour gagner. Dans l’adaptation et la recherche de performance, nous prenons d’abord les joueurs les plus performants du moment. Le niveau de cette charnière est donc naturellement primordial en tant que titulaire… Bien sûr, Matthieu Jalibert compte pour nous. Il est avec nous depuis cinq ans, il se produit dans des clubs. Nous comptons sur lui.
Mais, à l’inverse, Moefana et Gailleton sont associés au centre pour la première fois…
La performance du moment, l’état de forme du moment. Yoram (Moefana) vit avec nous et Émilien (Gailleton) a rejoint le groupe depuis quelques temps. Il a déjà travaillé avec nous lorsqu’il était capitaine des U20, il a préparé la Coupe du Monde avec nous. Il ne découvre pas le milieu de l’équipe de France. Yoram est souvent arrière utilitaire depuis 2021. Il a été replacé en 12 dans son club et il est très performant. C’est intéressant de voir cette nouvelle association. Comme l’équipe de France joue peu, on a peu d’opportunités pour tenter de développer l’expérience collective.
En l’absence de Fickou, qui sera le capitaine de la défense ?
Au niveau où nous jouons, nous n’avons pas beaucoup de temps pour parler sur le terrain. Gaël est toujours notre capitaine de la défense, il construit notre stratégie avec Shaun Edwards. Mais il existe des acteurs capables de jouer le rôle de régulateur et de décideur, notamment Yoram et Émilien. Il est le régulateur de l’équipe paloise. Il a déjà démontré cette compétence avec nous.
Doit-on conclure de cette composition d’équipe que vous souhaitez un jeu plus orienté vers l’attaque ?
L’envie de développer notre jeu est permanente. Nous sommes dans un univers où, si on fige les choses, alors on n’avance plus. Il faut trouver des clés pour développer notre jeu afin d’avoir l’initiative sur les défenses. Nous sommes dans un environnement où chacun s’observe et construit des stratégies pour étouffer les points forts opposés. Il y a toujours un plan. Il faut donc savoir s’adapter.
C’est un moment important pour nous. C’est notre premier rendez-vous de la saison, nous retrouvons le Stade de France, notre public.
Avez-vous fixé une obligation de résultat sur cette tournée de novembre (Japon, Nouvelle-Zélande, Argentine) ?
Nous sommes n°4 mondiaux, avec 79% de victoires depuis 2020, avec une série de trois adversaires en France. L’objectif est la performance : chercher à battre nos adversaires. Il y a cette nécessité, cette volonté très claire parmi nous, que nous affichons mais avec beaucoup d’humilité.
Que pensez-vous de cette équipe japonaise qui gagne peu ?
C’est vrai que c’est une équipe qui n’a pas beaucoup gagné. Mais, quand on décortique ses matchs, la première chose que l’on remarque, c’est la rapidité de son jeu. C’est l’équipe qui impose le plus de mètres par minute, ils sont au dessus de 120 mètres par minute. Ensuite, ils ont un rugby très stratégiquement structuré. Ils adorent porter le ballon et jouer devant la défense. Avec de gros porteurs de ballon. C’est donc une équipe capable de performer. Mais c’est un moment important pour nous. C’est notre premier rendez-vous de la saison, nous retrouvons le Stade de France, notre public. Dans notre envie de partager et de rassembler, c’est un moment très agréable et très puissant. Nous nous y préparons avec beaucoup de passion.
Propos recueillis en conférence de presse