R.Connaître le pâté glamour, c’est avoir le même goût pour les oxymores que Corneille et sa clarté obscure. C’est en tout cas le défi que se sont lancés Jean-Baptiste Gougy, Romain Pajaro et Yohan Labarrère, les trois associés de la compagnie Les Conservistes, née à Saint-Sever en 2017. Des packagings bien pensés et des noms de recettes qui rappellent ceux des parfums des grands couturiers, pâtés et rillettes tendent vers une élégance qui, à première vue, ne leur collait pas.
« L’idée était de se différencier et de dépoussiérer la conserve traditionnelle, avec de jolies boîtes au look un peu épuré, minimaliste et moderne », résume Jean-Baptiste Gougy.
Fort d’ancrage local
Du haut de ce socle, le produit arbore un cachet très local. « Derrière chaque recette, il y a un producteur local qui est mis en valeur », explique Jean-Baptiste Gougy. L’idée était de travailler avec des acteurs locaux. » Le cochon du Prince Noir de Gascogne, de la ferme La Bruyère à Pissos, l’armagnac du domaine Laballe, les poivrons de la maison Malnou en Béarn, le foie gras de la ferme Brougnon à Caupenne, le poulet des Frères Poulet en Ychoux ou la bière de la brasserie Lugazaut à Vielle-Soubiran. « Il y a un socle commun, c’est l’association Chez les Landais, née au Salon de l’agriculture, explique Yohan Labarrère. Parmi eux, les producteurs de porc, de canard et d’Armagnac. Nous avons un lien assez fort avec eux. En plus d’être d’excellents producteurs, ils sont amis. »
“En plus d’être d’excellents producteurs, ce sont des amis”
De quoi séduire la Chambre des métiers et de l’artisanat, qui a sélectionné l’entreprise de Saint-Séverine pour participer au MIF Expo, le salon du made in France, du 8 au 13 novembre à Paris. Une expérience que les partenaires ont déjà vécue il y a deux ans. Sauf un détail. « En 2022, nous avons nous-mêmes pris position, souligne Yohan Labarrère. Cette année, nous avons été sélectionnés par la Chambre des Métiers : c’est évidemment enrichissant. » Romain Pajaro étant retenu à Bordeaux par d’autres obligations professionnelles, seuls Yohan Labarrère et Jean-Baptiste Gougy seront présents porte de Versailles.
Les visiteurs pourront découvrir les neuf recettes – cinq pâtés et quatre rillettes – imaginées par ces trois diplômés d’écoles de commerce qui ont su éduquer leurs palais. Car s’ils ont confié la fabrication à une conserverie d’Hagetmau – qui produit 80 000 canettes par an – les trois amis mettent leur grain de sel dans chacune d’entre elles. « Ce sont nos créations farfelues », insiste Jean-Baptiste Gougy. Il faut savoir qu’au fond, nous ne sommes pas issus de ce milieu. Nous sommes allés chez les grand-mères, chez tous les amis, pour savoir qui mettait quoi dans son pâté, comment, pourquoi. Et petit à petit, nous avons fait des tests. On en a mangé, du pâté ! On s’est demandé ce qu’apportaient l’œuf, l’oignon, la farine, la chapelure… Au fur et à mesure de la dégustation, nous avons retiré des ingrédients. Nous sommes revenus à quelque chose de très simple – sel, poivre, ail – mais nous avons développé notre propre recette avec nos propres poids. » « Avec le pâté à la bière, par exemple, on ne savait pas du tout où on allait », ajoute Yohan Labarrère. Cela donne quelque chose d’excellent et de très crémeux. »
« On est allé chez les grand-mères, chez tous les amis, pour savoir qui mettait quoi dans son pâté, comment, pourquoi »
Autre recette qui sort du lot : la rillette de porc. Une préparation qui « n’est pas dans l’ADN ici », et dans laquelle les Conservateurs ont voulu injecter un « marqueur landais ». Quoi de mieux que le pin des Landes ? « Nous avons élaboré la recette avec un ami charcutier, « Arnaud 65 ans », qui est parisien. Au printemps, on part chercher les bourgeons de pins, on les sèche et on les réhydrate dans l’armagnac. Lors de la cuisson, on les met dans des chaussettes d’infusion qu’on place au milieu de la farce, ça donne un côté fleuri”, note Jean-Baptiste Gougy. A noter également la rillette de canard au piment fumé au bois de figuier. « Il y a un vrai intérêt, ça apporte un côté un peu voilé à l’attaque, analyse Yohan Labarrère.
Les mains sur la pâte
Les trois partenaires interviennent également au vrai sens du terme. « Pour les rillettes, on broie tout à la main car si on utilise la machine, ça casse complètement la fibre. Nous remplissons également les cartons à la main. Pour les pâtés de foie gras, c’est pareil. Nous ajoutons de la valeur lorsqu’il y a du travail manuel parce que nous voulons le faire à notre manière. »
Pour couronner le tout et ajouter une couche de crédibilité, Jean-Baptiste Gougy a effectué il y a deux ans un CAP de boucher-charcutier au CFA de Mont-de-Marsan, pour « se mettre à niveau ». « Et si un jour on veut avoir notre atelier, il faut un diplôme en alimentation », souligne-t-il. Nous avions anticipé. »
Avant cela, Les Conservistes, qui ont pour l’instant leurs bureaux au 9 Cowork, un espace de travail partagé à Saint-Sever, s’installeront dans le quartier du Péré, où ils ont acquis un immeuble. « Nous allons y faire du stockage et y installer nos bureaux d’ici avril. »
Les trois partenaires aiguisent ainsi encore un peu plus leur style Sud-Ouest. « Nous avons ce parti pris de travailler plus localement. Nous organisons la fête de la Tartine en avril, avec le Tartine Social Club, nous tenons une bodega lors des fêtes de la Saint-Sever. Nous essayons d’être suffisamment actifs localement pour que les gens nous connaissent et parlent de nous. Nous apportons autre chose : de la convivialité et de l’innovation. »
A retrouver en décembre dans une boutique éphémère avec bar à vins à Saint-Sever et sur le marché de Noël de Mont-de-Marsan.