C’est un écrin de verdure, niché au cœur de la campagne bigoudène à Ploneour-Lanvern (Finistère). Ce sera bientôt une vitrine de l’art contemporain. C’est ce qu’a décidé Laurent Fiévet, artiste, commissaire d’exposition et collectionneur d’art de 55 ans, avec son compagnon Ludovic Kerfendal, 58 ans et ancien directeur de théâtre.
Ce havre de paix, c’est un domaine de cinq hectares et 1 400 m² de bâtiments au bord de l’étang du Moulin-Neuf sur lequel, à la place d’un hangar agricole et d’une porcherie d’un autre temps, s’étendront plusieurs espaces modulables dédiés à l’art. . Sous toutes ses formes : art contemporain, photographie, danse, théâtre… Deux pensionnaires ont déjà investi les ateliers d’artistes : Kevin Laplaige et Caroline Duchâtelet.
Il y aura également deux espaces d’expositions temporaires, un bâtiment administratif dans une des dépendances existantes, une cafétéria avec librairie… Sans oublier le Moulin de Kerbenoc’h, à un kilomètre du site. Assis dans la cuisine, l’un prend le thé, l’autre le café. Mais les deux hommes ont la même lueur au fond des yeux.
« Mon père était originaire de Douarnenez, retrace Ludovic Kerfendal, 58 ans. Puis mes parents sont venus s’installer à Plozévet pour prendre leur retraite. » Son ami dirige depuis 2010 le fonds de dotation jurassien Lab’Bel, dont l’objectif est également de « développer, promouvoir, valoriser et diffuser l’art contemporain, les arts du spectacle et la création artistique ».
La maison de Marie-Thérèse
Le couple a acquis leur maison un peu par hasard, il y a dix ans. Après quatre années de restauration, ils habitent entre Paris et cette demeure ancienne, pleine de goût et de volumes généreux, poutres apparentes et bardage bois chaleureux. Ils ont lancé ce projet spatial immédiatement après leur installation. Juste après avoir perdu leur voisine Marie-Thérèse, devenue leur amie pendant les travaux.
C’est dans la maison de cette octogénaire qui a passé ici sa vie, de son mariage jusqu’à son dernier souffle, que sont déjà installés des artistes en résidence. « C’était aussi le souhait de Marie-Thérèse. Nous avons choisi ce lieu par respect pour ce lieu, son histoire et pour lui redonner de l’unité. » Car avant d’être divisé au cours du 20ème sièclee siècle, Kervahut était une grande ferme.
Pourquoi ce projet colossal coûtant près de 6 millions d’euros (plus de 5 millions pour le lieu et 700 000 € pour le pavillon mobile) ? « Il y a une frustration face au manque de relais de l’art dans la région. Un diagnostic montre qu’il y a une attente de la population locale, répond Laurent Fiévet. L’idée est d’offrir une ouverture, de faire venir des artistes d’ailleurs, de créer une dynamique. » Pour concevoir leur projet selon leur idée, le couple a fait appel à l’architecte quimperois Jean-François Madec.
C’est ainsi qu’est née l’idée d’un pavillon mobile modulable de 24 à 96 m.2. L’objectif de Distagson petit nom breton : amener l’art dans douze communes du Finistère Sud. Sur les places des villages, au cœur des villes, dans les zones commerciales, industrielles et sportives, à la campagne comme à Kervahut. « Ce lieu est un sas entre le quotidien de chacun et l’art contemporain qu’on imagine déconnecté, sur une planète plutôt urbaine. Même si ce n’est pas nécessairement le cas, » conclut Ludovic Kerfendal. Premier temps fort en mai 2025, avec une exposition Ouverture avant travaux.
En attendant, le Fonds Kervahut prête ses œuvres en France et à l’étranger, comme lors de la récente Biennale de São Paulo au Brésil. Comme d’autres collections privées, celle de Laurent Fiévet est regroupée sous la Collection imaginairehébergé par la structure néerlandaise Tlön projets. Le Fonds Kervahut sera bien réel dans son écrin de verdure.
« Apporter l’art aux gens est une politique d’éducation artistique et intellectuelle. L’accès à la culture et à l’éducation n’est pas un luxe : c’est une nécessité qui permet de voir les choses différemment. L’idée est de combiner le pavillon mobile avec une proposition sociale de service à la population : juridique, sanitaire, administratif… en lien avec les associations, les écoles, les Ehpad… »
Laurent Fiévet, propriétaire du Fonds Kervahut.
Un projet d’envergure pour le jeune architecte quimperois
Jean-François Madec, architecte quimperois, est chargé de réaliser le projet Kervahut.
Comment en êtes-vous arrivée à travailler sur le projet du fonds Kervahut ?
Les deux porteurs du projet m’ont contacté. Il y a un an, je leur ai fait une proposition qui leur a plu, suivant le cahier des charges qu’ils m’avaient confié.
Travaillez-vous en partenariat avec l’Atelier Blam, une agence de design nantaise qui a travaillé avec deux designers quimperois, les frères Bouroullec ?
Oui, l’Atelier Blam a notamment créé le bassin, la montgolfière et les fontaines pour les derniers Jeux Olympiques de Paris. Pour les frères Bouroullec, ils conçoivent des pavillons amovibles.
Vos études témoignent d’une inspiration bretonne…
Oui, j’ai repris l’archétype de la toiture bretonne, c’est un clin d’œil aux chiens assis et aux toitures traditionnelles en ardoise. Un côté tipi avec un chapeau Napoléon. La contrainte du projet Distag est de créer quelque chose de facilement démontable et transportable. Plus généralement, Kervahut est un site exceptionnel et l’objectif est de transformer un corps de ferme en espace d’exposition et de présentation d’artistes.