« Si tu étais veuve, recommencerais-tu ta vie avec moi ? » Cette question, Gilbert Ruelland aurait posé à son amoureux. C’était six mois avant les 22 coups de fusil à longue carabine. La première, que l’homme de 72 ans nie avoir portée, le 29 juillet 2021, a touché le mari de sa maîtresse, également septuagénaire, au bras. Le second serait parti « par erreur », le 17 août 2021, d’un champ de maïs à Cambout, commune rurale de 450 habitants au sud de Loudéac, provoquant deux nouvelles blessures à la victime, à la hanche et à l’avant-bras. .
Agriculteur à la retraite et père de famille « attentif », Gilbert Ruelland comparaît, depuis le lundi 4 novembre 2024, devant la cour d’assises des Côtes-d’Armor pour tentative de meurtre.
Je ne voulais pas le tuer, j’ai tiré pour l’effrayer
L’accusé n’a pas été immédiatement inquiété par la police. C’est la découverte de son ADN sur un épi de maïs du champ de Cambout qui l’a d’abord dérouté. Celle du fusil qui avait servi à tirer, volontairement caché chez un proche de son propriétaire, finirait par déclencher les aveux. “Je ne voulais pas le tuer, j’ai tiré pour l’effrayer”, a déclaré le Costaricain aux enquêteurs. Ce jour-là d’août, la victime débroussaillait dans la ferme familiale entourée de ses petits-fils âgés de 8 et 5 ans. C’est l’aîné qui, voyant son grand-père saigner, alla retrouver sa grand-mère en criant : « Papy a encore été abattu ». Cette fois, il est difficile de croire à une balle perdue ; la femme avait informé la police.
Danse bretonne et adultère
L’enquête permettra de découvrir l’adultère à l’origine du drame : Gilbert Ruelland et l’épouse de la victime, rencontrés lors d’un cours de danse bretonne locale, ont été amants pendant sept mois. Leur union se dessinait chaque semaine dans des petits chemins de campagne, jusqu’à ce qu’elle décide de mettre un terme à cette affaire, en mars 2021. Est-ce la raison qui a poussé l’accusé, qui avait aussi une autre maîtresse au village, à tirer ?
Ce que je veux comprendre, c’est comment il a pu savoir que je serais là à ce moment-là
Le septuagénaire est défendu durant ces quatre jours de procès par Me Thierry Fillion et Me Éric Tabard, deux ténors du barreau. En détention provisoire à la maison d’arrêt de Saint-Malo depuis sa mise en examen en février 2022, ses huit demandes de libération ont toutes été refusées.
« Comment pouvait-il savoir que je serais là à ce moment-là ? »
Au civil, on retrouve la femme, victime de la fusillade et leurs deux enfants. Ils sont accompagnés des avocats Me Katell Gueneuc et Me Bertrand Faure. L’audience se déroule publiquement malgré leur demande de huis clos, formulée pour des raisons de dignité familiale et du bruit que l’affaire a fait dans la petite ville. «Toutes les affaires pénales touchent à la vie privée», rétorque M. Fillion. Le tribunal va dans sa direction.
En fin de journée, la victime, aujourd’hui âgée de 74 ans, est passée à la barre. “Ce que je veux comprendre, c’est comment il a pu savoir que je serais là à ce moment-là”, a soulevé à plusieurs reprises l’homme devant le tribunal. Il est persuadé qu’avant d’appuyer sur la gâchette, l’accusé aurait passé « de longues heures [le] à regarder ».