un livre retrace le parcours du dernier préfet du Lot sous Vichy

un livre retrace le parcours du dernier préfet du Lot sous Vichy
un livre retrace le parcours du dernier préfet du Lot sous Vichy

l’essentiel
Journaliste et écrivain, Pascal Bouchard s’est plongé dans les écrits intimes de son grand-père, Frédéric Empaytaz, dernier préfet du Lot sous Vichy, pour raconter les difficultés d’accomplir ses missions publiques sous l’occupant allemand.

Vous publiez aujourd’hui une partie des mémoires de votre grand-père, Fréderic Empaytaz. Comment ce projet a-t-il démarré ?

J’ai toujours été responsable de porter son héritage moral et intellectuel. Cependant, c’est complexe. Préfet de Vichy, pour un homme de gauche comme moi qui a vécu avec la condamnation unanime de ce passé, c’est compliqué.

Il avait laissé un livre de famille : trois gros volumes de 200 pages chacun qui racontent l’histoire de sa vie.

Je n’ai pris que la centaine de pages consacrées à Cahors. Je pensais que c’était le plus intéressant.

Pourquoi pensez-vous qu’il a pris le temps d’écrire sa vie sur papier ?

Il ne cherche pas à se justifier. Mais il avait besoin de faire comprendre que la vie est plus compliquée que ce que nous dit le gaullisme triomphant, il voulait faire comprendre la complexité d’une époque. Je me suis mis à sa place : comment, homme honnête, plutôt philo-sémite, humaniste, homme de droite et fervent admirateur de Barrés, comment ai-je réussi à traverser cette période en faisant tout mon possible ?

Concrètement, comment s’est comporté votre grand-père en tant que préfet de Vichy à Cahors ?

Chaque fois qu’il recevait l’ordre d’envoyer des gendarmes et de rassembler des Juifs, il laissait le journal traîner. Il a pris garde à ce que l’ordre ne circule pas immédiatement afin d’avertir les personnes qui devaient être arrêtées. Il leur a donné le temps de s’échapper.

Il n’y avait aucun juif raflé par la gendarmerie ou la police dans le Lot sous ses ordres. Quand cela s’est produit, il n’a pas eu son mot à dire. Il se décrit comme quelqu’un qui s’engage dans une résistance passive.

Aussi, lorsqu’il a su qu’une opération était prévue contre les maquis, il les a prévenus.

S’il n’approuve pas les perquisitions commises, cela ne l’empêche pas d’avouer une grande admiration pour Philippe Pétain qu’il qualifie, aux côtés de Laval, de « bons Français cherchant à alléger les malheurs de la France ». »

Il est un admirateur total du Soldat 14-18. S’il n’admire pas Laval, il adhère totalement à la théorie du bouclier et de l’épée. [une thèse révisionniste présentant, après l’Occupation, le général de Gaulle et le maréchal Pétain agissant tacitement de concert pour défendre la France. NDLR]. Pour lui, les ordres qu’il reçoit de Pétain ou de Laval de rassembler les Juifs sont dus au fait qu’ils n’ont pas le choix. Mais pour lui, cela signifie qu’il n’a aucune obligation d’obéir. En même temps, pour lui, qu’un petit colonel comme de Gaulle ose défier un maréchal de France lui paraissait complètement ridicule.

Pour autant, votre œuvre n’est pas du tout une réhabilitation du pétainisme.

Ah non, pas du tout. Cela répond à mon héritage mais aussi à cette question de savoir ce que j’aurais fait à sa place. Il m’a fallu beaucoup de temps pour réaliser que la question n’avait pas de sens. Si j’avais été à sa place, j’aurais fait la même chose… Parce que si j’avais été à sa place, j’aurais été autre que je suis. Nous sommes toujours le produit d’une époque.

D’un autre côté, la question est plutôt : que ferais-je demain ? Étant donné que l’avenir est encore plein d’inquiétudes, il faut se demander ce que nous ferons, quelles sont nos lignes rouges, jusqu’où je serais prêt à aller ou ne pas aller… Si demain nous avons un gouvernement d’extrême droite, soutenu par Poutine qui est en train d’envahir et de soumettre l’Europe, nous allons devoir nous poser des questions sur nos actions à entreprendre ou non.

Frédéric Empaytaz : dernier préfet du Lot nommé par le gouvernement de Vichy (mars-août 1944). Éditions Édicausse. 30 €.
 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV les favoris sont forts à Châteauroux
NEXT Montrez la couleur de la Grenade (Mourad Merzouki – .