« Nous sommes mieux préparés, mais nous ne sommes pas prêts »

« Nous sommes mieux préparés, mais nous ne sommes pas prêts »
« Nous sommes mieux préparés, mais nous ne sommes pas prêts »

Dans cette commune où va disparaître un quartier d’habitations, trop exposé aux inondations, Sylvie, dont la boutique a été inondée deux fois l’hiver dernier, a choisi de réparer, dans la peur silencieuse de tout perdre à nouveau.

Le retour de l’hiver nous fait d’autant plus craindre les inondations que le niveau des nappes phréatiques reste élevé et que d’autres régions françaises, au Centre-Est et au Sud-Est, ont subi des inondations dévastatrices ces dernières semaines. En octobre 2024, l’excédent de pluie atteint 40 % par rapport aux normales 1991-2020 en , selon Météo France.

Dans le Pas-de-Calais, 315 communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle et quelque 540 000 habitants de cinq bassins versants impactés à des degrés divers par les inondations qui ont émaillé tout l’automne et l’hiver derniers.

“Dès qu’il pleut, je regarde l’eau et je calcule sa montée”soupire une autre Blendecquoise, Marie-Pierre Dascotte, fumant une cigarette, l’air fatigué. Habitant au rez-de-chaussée, elle a demandé un nouveau logement social pour repartir, peu convaincue par les travaux censés limiter les risques d’inondation.

Nettoyage et pompage

Pour réparer les dégâts mais aussi éviter qu’un tel épisode ne se reproduise, 633 travaux d’urgence ont été réalisés en un an, financés à au moins 70% par l’Etat, comme le curage des rivières, et 174 travaux structurants sont prévus, la création de zones d’expansion des crues ou déversoirs.

Un quart de ces opérations structurantes ont été réalisées »,une cinquantaine environ » n’a pas démarré, précise la préfecture.

Ce travail était-il nécessaire ? Oui. Sont-ils suffisants ? Certainement passoutient le préfet Jacques Billant, qui souhaite accélérer la mise en œuvre des opérations. “Jusqu’en mars, nous étions encore sous l’eau”il justifie, « la démarche a été difficile dans de nombreux territoires ».

Autre point crucial : le renforcement des capacités de pompage, qui faisaient défaut l’an dernier. L’une des pompes de grande capacité de l’écluse de Mardyck (Nord), en panne lors des dernières crues, est désormais opérationnelle, annonce la préfecture. Deux nouvelles pompes doivent être mises en service en 2025 et des dispositifs temporaires sont prévus pour cet hiver. Enfin, les pompiers seront équipés de pompes mobiles.

Au total, l’État a mobilisé plus de 262 millions d’euros dans le Nord-Pas-de-Calais suite à ces inondations.

Pour accélérer les travaux, certaines procédures ont été simplifiées, mais les délais restent difficiles à réduire. “Nous avons perdu du temps”déplore André Flajolet, président du comité de bassin Artois-Picardie. Il énumère les obstacles : porter les projets à la connaissance de l’État, accéder aux terrains privés…

« Nous sommes mieux préparés, mais nous ne sommes pas prêts »conclut-il en pointant un problème central : la gestion de la mer, qui “n’absorbe pas assez”. En cause, la hausse de son niveau, mais aussi l’envasement des embouchures des rivières ou encore les travaux réalisés par des particuliers sans tenir compte de leurs conséquences plus larges.

Réfugiés climatiques

A plus long terme, des réflexions sont en cours sur« Planification territoriale et agricole »prendre en compte le changement climatique, qui augmente la fréquence des pluies extrêmes. L’artificialisation des sols accélère également le ruissellement des eaux pluviales.

En septembre, la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher a annoncé vouloir faire du Pas-de-Calais un “laboratoire” gestion des crises liées au changement climatique.

Précipitations de l’automne et de l’hiver derniers représentées « 1,5 fois la crue centennale »mais cet épisode extraordinaire risque “devenir ordinaire”a prévenu le ministre.

Le triangle de 1 000 km2 entre Calais, Dunkerque et Saint-Omer, situé presque entièrement sous le niveau de la mer à marée haute, est l’une des zones françaises les plus vulnérables à ces bouleversements.

Nous sommes les premiers réfugiés climatiques en Franceassure Vincent Maquignon, désormais ancien habitant de Blendecques. La maison qu’il a habitée pendant 24 ans a été rachetée par l’État via le fonds Barnier et sera détruite car trop vulnérable aux inondations.

A ce stade, 67 maisons sont éligibles au rachat par ce fonds, tandis que 891 personnes ont été relogées par l’Etat après les inondations.

Pour Vincent Maquignon, il est urgent de revoir la répartition des communes, car “on ne crée pas de quartiers en bassins”. Il récupère de son ancienne demeure ce qu’il peut pour meubler sa nouvelle maison, choisie sur les hauteurs d’Arcques, loin des cours d’eau.

 
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