UN TOURNANT DÉCISIF | SènePlus – .

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En portant l’opposant Mélenchon au sommet tout en critiquant avec véhémence le président de la République française Macron, Ousmane Sonko, Premier ministre et leader du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), marque un tournant majeur dans les relations. entre la France et le Sénégal. Cet acte intervient après l’annonce de la visite dans les pays de l’AES. Décryptage !

Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts, disait le général de Gaulle. Pas plus que les ressentiments, les egos et les inimitiés entre les hommes qui les servent ne peuvent ou ne doivent prendre le pas sur les intérêts supérieurs des nations. Entre la France et le Sénégal, il y a plusieurs décennies de coopération. Avec des hauts et des bas.

Interrogé sur la pertinence des actions menées par les nouveaux partisans du régime en matière de relations bilatérales avec la France, Thierno Souleymane Diop Niang, spécialiste des relations internationales, a déclaré : « Je comprends le principe porté par Ousmane Sonko, cet élan souverainiste qui veut faire table rase des relations entre la France et le Sénégal, qui veut repenser les relations entre les deux pays. Mais cela doit être débattu au plus haut niveau et dans le calme. Quoi qu’il en soit, rien ne peut plus être comme avant. Mais il faut faire les choses en toute lucidité.»

Plus rien ne sera comme avant. Ousmane Sonko a donné le ton, en recevant avec tous les honneurs Jean-Luc Mélenchon, en visite au Sénégal du 14 au 18 mai, même si Dakar se montre exigeant sur une rencontre avec la France officielle. Selon M. Niang, cette visite peut inspirer une double lecture.

D’un côté, sous le prisme politique, avec « deux groupes politiques » dont les relations amicales ne peuvent être occultées. En revanche, sous le prisme diplomatique, l’acte est aux antipodes des habitudes diplomatiques. «Même s’il affirme avoir agi en tant que président du parti, nous restons prudents. D’abord parce que la politique diplomatique relève de la compétence du chef de l’Etat. Ensuite parce qu’on ne peut pas dissocier le Premier ministre du président du parti. Je pense que Sonko doit intégrer le fait que tout ce qu’il dit désormais, même s’il précise qu’il le fait au nom d’un parti, peut engager le Sénégal, car il est le chef du gouvernement. Nous aimerions donc avoir une certaine prudence, en tout cas une certaine lucidité dans les propos et les actes que nous posons.

Cependant, précise-t-il, il est également compréhensible que l’homme politique ait voulu rendre la pareille à son homologue qui l’a soutenu dans les moments difficiles qu’il a vécus.

En tout cas, l’acte est suffisamment rare pour susciter de nombreuses interrogations au Sénégal, en France et au-delà. Il est vrai que par le passé, le président Macky Sall avait reçu Marine Le Pen, la principale rivale d’Emmanuel Macron. Aujourd’hui, c’est le Premier ministre Ousmane Sonko qui reçoit un autre adversaire de Macron, en la personne de M. Mélenchon. Seulement, alors que Sall avait reçu le leader du Rassemblement national au Palais de la République comme chef de l’Etat, Sonko a indiqué avoir reçu le leader de La France insoumise non pas comme Premier ministre, mais comme président du parti. Si Macky Sall avait agi en réaction à l’envoi par l’Élysée d’un émissaire à Sonko alors dans l’opposition, Sonko n’a pas hésité à déverser sa bile sur Macron qui, selon lui, est resté sans voix lors de la persécution de son parti par Sall. régime.

N’est-ce pas une contradiction surtout de la part d’un souverainiste ? Thierno Souleymane Diop Niang rétorque : « Je comprends que l’homme puisse être porteur d’une certaine frustration, d’autant que la France s’est souvent présentée comme donneuse de leçons sur ce niveau. Mais en même temps, cela peut effectivement paraître en contradiction avec le discours qu’il porte. Il ne faut pas encourager ces injonctions occidentales, notamment françaises, dans les affaires intérieures de nos pays. Le maître mot, selon moi, appartenait au peuple sénégalais qui, souverainement, a décidé, le 24 mars, en décidant de confier son destin au nouveau régime. Ces gens ont montré qu’ils sont indépendants et que c’est eux qui doivent décider de leur avenir. Nos politiques doivent s’en convaincre. Je pense que c’est un malentendu qu’il faut résoudre pour une dynamique de communication plus lucide et plus cohérente.

« Les deux pays sont condamnés, selon de nombreux experts, à collaborer »

Depuis le Bénin, l’expert en communication stratégique et politique, Régis Hounkpé, a suivi de près cette visite très médiatisée. Pour lui, c’est avant tout un rendez-vous politique et il faut le prendre comme tel. » Il faut plutôt considérer que cette rencontre très médiatisée au Sénégal est celle de deux dirigeants politiques, dirigeants de partis politiques de la gauche radicale. Et vu comme ça, c’est plus politique que diplomatique”, souligne Hounkpé qui ajoute : “Cette rencontre est également asymétrique, si l’on considère qu’un nouveau Premier ministre rencontre une personnalité politique d’un autre pays qui par ailleurs n’a plus de mandat électif en France, mais reste un leader politique de premier plan.

Alors qu’Ousmane Sonko plaide, selon lui, « pour une relation équilibrée, faite de respect et d’accords gagnant-gagnant avec une capacité d’action pragmatique en tant que Premier ministre », le leader de LFI « est plus dans les grands principes et la théorie que dans disposer d’un levier politique tangible pour renverser la situation dans les relations franco-africaines.

Par ailleurs, insiste-t-il, même si la rencontre est éminemment politique, les effets qu’elle peut générer peuvent dépasser la sphère politique. « Les résultats médiatiques sonneront comme un pied de nez à la politique française au Sénégal et en Afrique », note le spécialiste en communication politique et géopolitique.

Malgré les tensions ambiantes, malgré les divergences sur des sujets majeurs comme l’implantation de bases militaires, le franc CFA, entre autres, les deux pays sont condamnés, selon de nombreux experts, à collaborer. En effet, selon Thierno Souleymane Diop Niang, nous souffrons de notre géographie autant que nous souffrons de notre passé. « Ce passé entre la France et le Sénégal a été teinté de violences symboliques, notamment la traite négrière, la colonisation et on parle aujourd’hui de néocolonialisme. Sans parler des dérapages qui transparaissent de la part des autorités françaises dans leur politique africaine, notamment dans les pays du Sahel.

Diplomatie classique vs diplomatie clandestine

Avant Mélenchon, Sonko avait déjà évoqué la possibilité d’une visite dans les pays de l’AES, en bisbille avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Là aussi, les actions semblent contradictoires avec celles menées par le président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye. A l’époque également, Sonko tenait à souligner qu’il agissait en tant que président du parti. Pourquoi ce besoin permanent, chaque fois qu’il s’agit de poser de tels actes, de préciser que c’est en tant que chef de parti ? Est-ce à dire que l’État ne se reconnaît pas dans les actes ainsi accomplis ? S’agit-il simplement d’une stratégie concertée entre les deux personnalités au sommet de l’Etat ?

Thierno Niang attend d’y voir plus clair. » Certains prétendent qu’il existe une stratégie soigneusement réfléchie par le duo. A Diomaye, diplomatie classique. A Sonko, diplomatie clandestine. J’attends de voir ce que ça va faire. Ce qui est sûr, c’est que nous avons une tradition diplomatique qui nous place sur la page internationale et universelle, ce qui fait que le Sénégal, sur les grands dossiers, a eu jusqu’à présent une voix qui compte, portée par des diplomates expérimentés. Je ne pense pas que nous allons y échapper. Même si dans les relations avec l’ancienne puissance coloniale, il est évident qu’il faut revoir les choses.

Une chose est sûre, nos interlocuteurs en conviennent, la définition de la politique diplomatique appartient exclusivement au Président de la République, et non au Premier ministre. Tout comme il est certain que des intérêts communs dictent la poursuite des relations entre la France et le Sénégal. C’est la conviction de M. Niang. « Premièrement, nous avons des peuples qui se chevauchent, avec beaucoup de Sénégalais en France et vice versa. Nous avons également des intérêts économiques, politiques et sécuritaires communs. Les relations continueront donc, mais elles ne pourront plus se dérouler sous la même forme, avec une France qui donne des injonctions. La collaboration doit se faire dans une dynamique gagnant-gagnant et c’est ainsi que je comprends certaines actions qui ont été menées.

Dans les jours à venir, insiste l’auteur de « Le Sahel, épicentre géopolitique », les deux chefs d’Etat se retrouveront certainement pour discuter des relations bilatérales. Aussi, prêche-t-il, « les menaces qui pèsent sur l’humanité : le crime organisé, le radicalisme ou encore les questions climatiques n’ont pas de nationalité. Ils transcendent toutes les géographies, tous les États. À cet égard aussi, nous sommes amenés à collaborer, à discuter de questions cruciales qui affectent nos pays. Il faut donc continuer à se parler avec lucidité, dans le respect mutuel, sans injonction de l’une ou l’autre des parties.

 
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