À Genève, une exploration fascinante de l’architecture de la santé

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Avec l’exposition Support. Ville, architecture et soin, le Pavillon Sicli raconte l’histoire des relations entre urbanisme et soin. Une visite qui fait du bien.

Les Sex Box de Zurich en 2013. © Keystone

Les Sex Box de Zurich en 2013. © Keystone

Publié le 23/05/2024

Temps de lecture estimé : 5 minutes

L’idée de Soutenir. Ville, architecture et soins ont poussé dans le Jura pendant la pandémie, tandis que des hordes de citadins troquaient leurs espaces exigus contre l’euphorie des champs. Après une première réalisation au Pavillon de l’Arsenal à Paris en 2022, l’exposition déménage à Sicli, un autre pavillon, cette fois à Genève. «La scénographie a été largement repensée, avec des spécificités suisses qu’il nous a semblé important d’intégrer», explique Bénédicte Le Pimpec, responsable de la programmation à la Fondation Pavillon Sicli, organisatrice de l’exposition.

A gauche, un homme en cure au travail dans un sanatorium de Leysin, vers 1930. Au milieu, le système PPS, pour Système de séparation en tubes de papierici pour l’hébergement d’urgence de réfugiés ukrainiens, dans un ancien hypermarché Tesco à Chelm, en Pologne, en mars 2022. Et à droite, les Bains des Pâquis à Genève, en 1932.
© Fonds Rollier/commune de Leysin/Jerzy Łątkas/Frank-Henri Jullien/Bibliothèque de Genève

Plutôt classique à Paris, la scénographie est ici essentiellement horizontale, construite autour de sept sections thématiques et développée les commissaires, la philosophe Cynthia Fleury et le collectif d’architectes SCAU. La proposition s’intéresse aux « lieux et architectures qui nous tiennent et nous soutiennent, plutôt que de nous retenir et nous contenir », formule joliment un texte introductif.

Cure de travail

Nous explorons le lieu ainsi que la visibilité de l’acte de soigner dans les villes et au-delà, au cœur du chapitre « Distance ». Il s’agit des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ainsi que de l’incontournable Hôtel-Dieu parisien, fondé au VIIee siècle et qui a traversé les âges tout en restant en centre-ville, car le soin comme charité s’adresse à une population précaire plus large. Emplacement identique pour le Quai 9, site d’injection implanté à côté de la gare Cornavin, à Genève. Au contraire, les léproseries et autres asiles sont relégués à la périphérie. Des zones périurbaines où se rendait volontiers le BIPS, un sympathique bus genevois de « prévention du sida » créé en 1991.

Les Bains des Pâquis à Genève, en 1932.
© Frank-Henri Jullien/Bibliothèque de Genève

Avec « Elements », nous parlons de l’air, par exemple que nous respirons dans les sanatoriums alpins. Une étonnante photo en noir et blanc montre un homme en grande partie nu « en cure au travail », à Leysin, avec sa machine à écrire, vers 1930. On chasse aussi le « mauvais air » des villes, un paludisme longtemps mal vu, pour une approche « aéristique » que l’on pratique aussi à la maison. Côté eaux, l’exposition évoque à la fois les eaux iodées du bord de mer et les vagues aromatiques du Léman des Bains des Pâquis, institution genevoise construite en 1872.

L’exposition nous emmène dans le drive-in sexe de la périphérie de Zurich

Ailleurs, on parle du Village Alzheimer de Dax, où les habitants vivent dans un espace architectural rappelant leurs jeunes années. Nous réfléchissons également à la place de se soucier dans les lieux de soins, pour remplacer en partie les soins, par exemple dans le très agréable espace hospitalier imaginé par l’architecte Francis Kéré au Burkina Faso. Ou encore au sein de la Maison genevoise de l’enfance et de l’adolescence, une nouvelle approche de la pédopsychiatrie au cœur de la ville.

Le thème des « Hétérotopies » (les lieux physiques de l’utopie selon Foucault) nous entraîne dans le drive-in du sexe dans la banlieue de Zurich, avec une boîte pour sécuriser le travail des prostituées ; ou entre les plantes du Jardin Thérapeutique de l’Hôpital Beau-Séjour à Genève, lieu de rééducation des personnes atteintes de traumatismes crâniens.

De nombreux cimetières

Départ ensuite pour le Kent, avec vue sur la Manche autant que centrale nucléaire, dans le jardin de l’artiste Derek Jarman dans Dungeness, qu’il a patiemment façonné au cours des huit années précédant sa mort du sida en 1994. Quant au chapitre « Nécropoles », qui rappelle que la majorité des Suisses terminent leurs jours à l’hôpital, nous fait traverser de nombreux cimetières. Y compris celui de la commune genevoise de Veyrier, où se trouvent des tombes juives sur le territoire français, en raison d’une interdiction cantonale des cimetières confessionnels.

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Le système PPS, pour Paper Tube Partition System, conçu par Shigeru Ban, ici pour l’hébergement d’urgence de réfugiés ukrainiens, dans un ancien hypermarché Tesco à Chelm, en Pologne, en mars 2022. © Jerzy Łątkas

Au milieu de cette exposition “dénuée de sens préconçu et que l’on visite à sa guise”, précise Bénédicte Le Pimpec, un espace permet de se plonger dans le catalogue du parcours, un splendide ouvrage de quelque 300 pages “faisant partie intégrante de l’exposition ». Hélas sans les ajouts suisses.

>Le CourrierPavillon Sicli, Genève, jusqu’au 2 juin.

 
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