Dix-sept ans après, la reconnaissance réussit pour son mari

Dix-sept ans après, la reconnaissance réussit pour son mari
Dix-sept ans après, la reconnaissance réussit pour son mari

En 2022, 32 ans après le diagnostic de cancer, Danièle Godefroy entame une demande de reconnaissance en maladie professionnelle pour son mari aujourd’hui décédé. Ses difficultés reflètent la lente évolution de la prise en compte des maladies professionnelles en agriculture.

C’était un mari de caractère. Yves, « psychologiquement, il était fort », aime se souvenir de son épouse, Danièle Godefroy. Et il faut du caractère pour affronter le parcours du combattant de plus de vingt ans d’efforts pour faire reconnaître l’origine professionnelle de sa maladie. « Yves était un beau mec, le plus beau mec de la région », assure Danièle Godefroy. (© Florian Salesse) Danièle Godefroy s’installe avec lui dans une petite exploitation laitière de la Creuse au début des années 1980, après avoir déjà travaillé dix ans dans un autre Gaec. Elle traitait et fabriquait le fromage, lui s’occupait des récoltes et de l’alimentation du troupeau. « Nous avons travaillé ensemble pendant dix ans avant qu’il ne tombe malade. Il avait 43 ans. » Sa maladie, la leucémie aiguë myéloblastique, est un cancer du sang, désormais reconnu au tableau des maladies professionnelles n°1. 19 en matière de produits phytosanitaires. « Dans les années 1990, les hématologues savaient que les agriculteurs étaient victimes des pesticides mais on n’en parlait pas. Le fait qu’il soit agriculteur a été l’un des facteurs déclenchants de sa maladie, selon le médecin. Mais aucune enquête n’a été menée sur les produits qu’il utilisait. » Pendant cinq ans, le couple s’est battu pour maintenir l’opération à flot. Des amis donnent un coup de main. Leur employé devient à temps plein. Ils embauchent un fromager à temps partiel. Cinq ans avant les premières aides La ferme se porte bien grâce à la vente directe de fromage, mais sans l’aide de la MSA. « Nous avons réussi », traduit l’ancien agriculteur. En 1995, Yves, qui « ne pouvait plus rien faire », touchait enfin sa première rente d’invalidité, cinq ans après son diagnostic. Une lettre d’un médecin à un autre pour l’informer de la maladie d’Yves, le mari de Danièle. (© Florian Salesse) L’année suivante, l’ouvrier reprend l’exploitation. A la ferme, Danièle Godefroy « n’en pouvait plus ». La seule lumière dans ce brouillard vient de l’assurance prêt. Elle s’occupe des rentes de la ferme. En 2007, Yves lutte toujours contre les effets secondaires d’une greffe survenue 12 ans plus tôt. Il décide de faire une première demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de la MSA, encouragé par son médecin traitant. La réponse, une simple lettre, désormais plastifiée en guise de rappel, tombe comme un hachoir. « Nous ne pouvons pas étudier cette demande car vous n’êtes pas affilié à la MSA pour le risque […] maladie professionnelle », se souvient mot pour mot Danièle Godefory. Aujourd’hui, il n’est toujours pas possible de déterminer si ces cotisations spécifiques n’existaient pas ou si le couple avait changé de statut en cotisant conjointement et, de fait, n’avait pas cotisé pour les maladies professionnelles. Une énigme sur laquelle la MSA ne lève pas le voile, interrogée par La agricole. Cependant, « quand nous recevons cela du MSA, […] C’est affreux», s’étrangle celui pour qui, 17 ans plus tard, l’émotion est toujours aussi forte. La lettre de refus reçue du MSA en 2007. (© Florian Salesse) Un dossier interrompuUn ami leur parle des Phyto-victimes qui se « créent en Charentes », se souvient Danièle. « Yves y est allé seul, alors qu’il était déjà très, très malade » pour rencontrer l’association naissante. Le couple décide de renouveler la demande de reconnaissance en 2012, soutenu par le cabinet d’avocats qui soutient l’association. Le professeur de médecine du travail met plusieurs mois avant de rendre son rapport. « Yves est décédé en octobre 2013, nous n’avons pas finalisé ce dossier. C’est resté comme ça”, se souvient-elle. Jusqu’en 2022. Le cabinet d’avocats a alors recontacté l’ancien agriculteur. Il est le « seul informé » que la FIVP (1) propose aux victimes de réintroduire une déclaration de maladie professionnelle avant le mois de décembre. En six mois, Danièle Godefroy s’est plongée dans tous les documents, “heureusement je les ai gardés”. Danièle a soigneusement conservé les nombreux documents médicaux et administratifs concernant la reconnaissance de la maladie professionnelle de son mari. (© Florian Salesse) Accompagné de l’association, « sans qui [elle] je ne l’aurais pas fait», Danièle Godefroy a rapidement déposé son dossier. A cette occasion, elle a découvert qu’elle avait droit à une participation aux frais funéraires et à une indemnisation permanente en tant qu’ayant droit de la victime. Une réparation, « qui ne guérit pas la douleur ». Mais avec ses filles, la demande de reconnaissance est une nécessité. « Nous voulions que cela se sache. Qu’il était mort à cause des produits phytosanitaires. Que le massacre ne doit pas continuer. »(1) FIVP : Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides

 
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