Tribunal correctionnel du Lot. Quelle juste punition pour l’accusé d’un coup fatal ?

Tribunal correctionnel du Lot. Quelle juste punition pour l’accusé d’un coup fatal ?
Tribunal correctionnel du Lot. Quelle juste punition pour l’accusé d’un coup fatal ?

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Jean-Claude Bonnemère

Publié le

20 octobre 2024 à 6h56

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11 et 14 octobre 2024tenu à Palais de justice de Cahors, tribunal correctionnel départemental du Lotdevant lequel C. a comparu pour « violences avec usage ou menace d’arme ayant entraîné la mort sans intention de la provoquer ». Ainsi, après trois années d’enquête, l’auteur a été déféré devant la justice. coup de couteau qui a tué Ladjel Slamiaâgé de 18 ans, le soir de Fête foraine de Cahors29 octobre 2021.


Après le déroulement des différentes auditions, témoins, experts, enquêteurs, médecin légiste, ont rendu compte sur le site -/lot, ici d’abord pour La Vie Quercynoise, du contenu des réquisitions du procureur général, des plaidoiries des parties civiles. et celui de la défense.

Rappel des faits

C., 35 ans, est accusé de « violences avec usage ou menace d’arme ayant entraîné la mort sans intention de la provoquer ». Il a reconnu avoir poignardé Ladjel Slamia. Les faits se sont déroulés lors d’une rixe en fin de soirée à la fête foraine de Cahors et sur fond d’alcoolisme. L’accusé a toujours soutenu qu’il avait sorti le couteau, par peur des coups reçus par son ami et pour lui-même, mais sans intention de provoquer la mort…

Lundi 14 octobre, 14 heures : La présidente du tribunal, Nelly Emin, donne la parole à Me Véronique Mas pour les plaidoiries des parties civiles.

Me Véronique Mas, lawyer for the civil parties. ©Jean-Claude BONNEMÈRE
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« Seul le tueur était armé ! »

» Seul le tueur était armé ! » constate d’emblée Me Véronique Mas. Une phrase dont l’écho ne peut s’arrêter, tant cette réalité s’impose comme postulat dans ce dossier où tourbillonnent approximations, contradictions et parfois même une certaine amnésie. L’avocat rappelle l’état d’esprit qui a conduit Ladjel au bar Le Conti avec ses amis : pour fêter son nouveau départ dans la vie professionnelle à Toulouse, dans le secteur social. Sans toutefois ignorer les mauvais moments qui ont amené ce jeune devant la justice pour des faits de délinquance…

Mais Ladjel avait déjà payé le prix d’un loyer pour un logement dans la Ville rose et il se réjouissait de cette perspective, de ce développement qui s’annonçait prometteur sous les meilleurs auspices. » Vraiment aucune intention de se battre, contre qui que ce soit ! » insiste Me Mas. Que s’est-il exactement passé lorsque les deux forains se sont approchés de lui, l’un ayant un taux d’alcoolémie de 1,5 g et l’autre de 1,4 g ? Comment s’est déroulé cet affrontement, sur fond d’alcool ? La scène, répétée à plusieurs reprises au cours des deux jours d’audience, a généré à chaque fois une nouvelle variation, tant de la part des témoins que de l’accusé ; une situation déconcertante.

Me Mas dénonce ce qu’elle qualifie de « tentative de reconstitution de l’histoire ». L’avocat répète des versions qui déforment la réalité de ce que l’enquête a fini par établir. Elle pose une question très banale, qui ne semble pas être venue à l’esprit de ceux qui dénoncent les violences dont ils ont été victimes : appeler la police ? appeler du renfort ? ” Non ! Je n’y avais pas pensé », avoue C.

Et si c’était une question d’honneur ? demande l’avocat. Ou plus prosaïquement une question d’alcoolisme qui fait perdre le contrôle ? Oui, l’alcool qui empêche d’avoir de bons réflexes et qui altère votre capacité à juger… L’avocat rappelle que 30 à 40 % des condamnations devant les tribunaux résultent d’actes commis sous l’emprise d’un état alcoolique. L’alcool peut faciliter ou désinhiber les pulsions agressives… Et qu’en est-il des effets de ce joint que l’accusé prenait tous les soirs, avant d’arrêter après coup ce type de consommation ? L’avocat énumère d’autres questions restées sans réponse au vu de certaines explications de l’accusé : peut-être la peur d’une sanction pénale, de voir une partie de sa vie s’effondrer face à la perspective d’une incarcération ?

Quant à la proportionnalité entre les coups de couteau et les violences subies, au cœur des débats et des questions fondamentales ? « C. était le seul armé ! » répète Me Mas. Alors que jusqu’à ce geste fatal pour Ladjel, ce n’était qu’un échange de coups « mano a mano » ! Une fois de plus, pas question d’ignorer les faux pas du jeune homme, rappelés par l’avocat de la défense. « Pourtant, Ladjel, poursuit l’avocat, avait trouvé les moyens de rebondir : jeune pompier, service civique à l’école Saint-Gabriel où il était qualifié de « bonne personne »… Elle évoque aussi la douleur des membres de la famille. , notamment celle d’un des frères de Ladjel tombé dans le « mutisme »… Pour décrire cette famille en souffrance, elle prend l’image d’un fruit, la grenade ; « des grains séparés, mais ensemble », dont tous les membres travaillent dans le secteur social. Et quant aux craintes de dégâts évoqués par les forains sur leur matériel, Me Mas termine en soulignant qu’il n’y en a pas eu. « Pas la moindre représailles ! » s’exclame-t-elle.

La valeur « inestimable » du prix de la vie

Le Président donne désormais la parole à Patrick Serra, Directeur Juridique. Déjà à de nombreuses reprises, dans chacun de ses discours, le magistrat a soigneusement pointé les contradictions qui apparaissaient à travers les déclarations de chaque partie. À ses yeux, il n’est même pas question d’envisager un coup de couteau donné en état de légitime défense. Rien ne justifiait le tirage au couteau selon M. Serra, qui a exprimé son inquiétude d’entendre l’accusé ne pas voir d’autres solutions… M. Serra s’appuie sur des éléments fournis lors de l’examen psychiatrique, quand l’accusé dit de lui-même : « Je peux me mettre en colère quand ma famille est attaquée.

» Ce n’est pas possible de se donner une excuse ! » tonne le procureur général. Qu’est-ce qui me fait ne pas recommencer ? Quelle est la valeur de la vie humaine ?

” Inestimable! » répond Patrick Serra en accentuant toutes les syllabes : « I – nes – ti – ma – ble ! » Faisant allusion à la douleur des parties civiles, il ajoute : « Pour eux, il ne reste que les bons moments partagés avec leur fils, leur frère, leur ami… »

Puis il termine : « Non, il n’avait pas le profil de quelqu’un qui pouvait tuer, et pourtant, il l’a fait ! » Il requiert 13 ans de réclusion criminelle pour l’accusé.

Me Christian Blazy, lawyer for the accused. ©Jean-Claude BONNEMÈRE

« À situation exceptionnelle, réaction exceptionnelle » ?

« Moi Christian Blazy, vous avez la parole pour défendre votre client », déclare Mme Emin. Que pense en ce moment cet avocat du barreau de Bordeaux, vers qui les regards de son client sont attirés en dernier ressort ? Comment pourrait-il le sortir du trou dans lequel il se trouve ?

Certes l’avocat souligne que son client n’a jamais eu de démêlés avec la justice et qu’il est « un travailleur » ! Me Blazy reconnaît que la légitime défense ne tient pas ! À ses yeux, le tribunal doit tenir compte du fait qu’il y a eu un comportement fautif des deux côtés. » Sans le comportement du parti d’en face, rien ne serait arrivé ! » s’exclame-t-il. Comme une spirale infernale. Conseil de l’avocat, qu’il dit donner lui-même à ses enfants : « quand il y a une bagarre, tu pars ! » Parce que chaque bagarre entraîne des conséquences qui peuvent être terribles… Me Blazy sort les griffes avec cette phrase meurtrière : « surtout quand il y a des jeunes de l’autre côté qui ont déjà été condamnés pour des faits de violences, qui sont des récidivistes… »

L’avocat donne sa propre interprétation de la bagarre, estimant que les jeunes voulaient profiter des deux forains. Me Blazy accorde peu de crédit aux témoignages qui contredisent pour la plupart la version des faits donnée par l’accusé. A ses yeux, il est possible que C. ait eu l’impression qu’il allait mourir sous les coups des agresseurs. “Oui, je le crois!” » avoue-t-il. D’où son raisonnement « à situation exceptionnelle, réaction exceptionnelle ». L’avocat plaide pour une réduction de la peine requise : « 13 ans de prison ne feraient qu’ajouter malheur sur malheur ! » Il assure au tribunal que son client est plein de remords ; il demande une peine qui ne ramène pas l’accusé « à zéro ; une peine qui ne le cantonne pas « au fait commis » ».

C. revient une dernière fois à la barre pour s’excuser « auprès de la famille et de tout le monde » ! Le tribunal se retire, les dés sont jetés !

10 ans de réclusion criminelle

Aux trois questions posées au tribunal, concernant les chefs d’accusation, à savoir : avoir exercé « des violences avec usage ou menace d’arme, ayant entraîné la mort sans intention de la provoquer », les cinq juges professionnels ont répondu : « oui, à l’unanimité.
C. a été condamné à 10 ans de réclusion criminelle.
De plus, il lui est interdit de détenir une arme pour une durée de 15 ans. Il est privé d’éligibilité pendant 10 ans. Ses armes sont confisquées.
C. dispose de 10 jours pour faire appel.
Lorsque le verdict a été lu par la présidente, Mme Nelly Emin, l’accusé n’a manifesté aucune réaction.
Pas de réaction particulière non plus dans la salle d’audience, ni de la part des proches de l’accusé, ni de la famille de Ladjel Slamia et de ses amis.
Quant aux intérêts civils, ils ont été établis conformément aux demandes de Me Véronique Mas, avocate de toutes les parties civiles. A savoir : 120 000 € plus 6 000 € d’honoraires d’avocat.
Vous pouvez retrouver l’avancement complet de l’essai sur -/lot

La valeur « inestimable » du prix de la vie ne devrait jamais conduire quelqu’un à commettre l’irréparable. Car, après un coup fatal, quel sens peut-on donner à la vie ?

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