Où est passé le courage politique ?

Où est passé le courage politique ?
Où est passé le courage politique ?

Le Conseil national pourrait décider de ne pas discuter d’une taxe au tonnage – c’est très mauvais signe !

Il y a ces renonciations qui ne disent pas leur nom… Lors de la prochaine session parlementaire fédérale, le Conseil national débattra à nouveau de l’introduction d’une taxe au tonnage dans le droit suisse. Il l’a accepté par 99 voix contre 85 en décembre 2022, mais le Conseil des Etats a refusé il y a deux mois de discuter de ce projet. Et désormais, la Commission nationale compétente recommande par 15 voix contre 9 d’adhérer au Conseil des Etats. Alors, qu’est-ce-qu’il s’est passé?

Pour rappel, la taxe au tonnage est un mode forfaitaire de détermination du bénéfice imposable résultant de l’exploitation d’un navire de mer. Tous les principaux concurrents de la Suisse ont introduit ce principe dans leur droit depuis de nombreuses années. Le Parlement fédéral a abordé le sujet lors de la troisième réforme de l’impôt sur les sociétés, avant de le supprimer pour simplifier cette réforme. Après son acceptation, le Conseil fédéral a ouvert en 2021 une consultation sur un projet de taxe au tonnage, que seuls un canton, deux partis (de gauche) et trois associations sur trente ont rejeté.

En effet, le commerce maritime revêt une grande importance en Suisse. Il a été développé pendant la Seconde Guerre mondiale pour assurer l’approvisionnement de notre pays. Elle occupe désormais 55 entreprises en Suisse qui exploitent au total plus de 900 navires et assurent 22% du transport de matières premières dans le monde. Il existe également 2 000 emplois, qui pourraient plus que doubler si une taxe au tonnage était adoptée, selon une étude de l’Institut CREA à Lausanne. La Suisse possède la quatrième plus grande flotte maritime d’Europe (après la Grèce, le Danemark et l’Allemagne) et la 9ème au monde !

Il faudrait plutôt se réjouir d’avoir ici le numéro un mondial du transport maritime !

De plus, le Conseil fédéral a adopté il y a un an une stratégie maritime dont l’une des priorités est de « maintenir les bonnes conditions-cadres » pour l’économie maritime. L’introduction d’une taxe au tonnage similaire à celle de ses concurrents est certainement une condition-cadre pertinente pour la Suisse. Dans le cadre de son projet d’impôt minimum (pilier 2), l’OCDE a même prévu une exception, la seule, en faveur de la taxe au tonnage. Alors que la Suisse se veut une bonne élève dans l’application des normes internationales, il serait bien stupide de ne pas utiliser la marge de manœuvre qu’elles lui laissent.

Certains s’inquiètent des pertes fiscales qu’engendrerait une taxe au tonnage, que l’administration fédérale n’a pas quantifiée. Ils perdent de vue qu’une taxe au tonnage produit des revenus stables, même lorsque l’exploitation d’un navire génère des pertes. Les revenus augmenteraient également parallèlement au volume du commerce maritime réalisé par les entreprises suisses. De son côté, l’institut CREA estime que les nouveaux emplois qui seraient créés en Suisse suite à l’adoption d’une taxe au tonnage rapporteraient 84 millions de francs de recettes fiscales et 96 millions de francs de cotisations sociales.

Il est également inquiétant de constater qu’une taxe au tonnage ne s’applique qu’à un petit groupe d’entreprises, dont la plus grande compagnie maritime du monde. On devrait plutôt se réjouir d’avoir ici le numéro un mondial du secteur ! D’autant qu’il attend depuis près de dix ans que la Suisse instaure la même règle fiscale que celle qui s’applique à ses concurrents. Ceux qui croient qu’il s’agit là d’une question qui ne concerne que les cantons de Genève ou de Zoug oublient qu’ils sont d’importants contributeurs au péréquation intercantonale. Le commerce maritime profite à toute la Suisse !

D’autres s’inquiètent de la pollution provoquée par les grands porte-conteneurs. Ils ignorent sans doute que le transport maritime émet jusqu’à 25 fois moins de gaz à effet de serre par tonne/kilomètre que le transport routier et 145 fois moins que le transport aérien. En outre, sous l’égide de l’Organisation maritime internationale, à laquelle la Suisse apporte actuellement une contribution crédible, le secteur a pratiquement éliminé le dioxyde de soufre de ses carburants et s’efforce d’atteindre un objectif de zéro émission nette conformément à l’accord de Paris. Et comme 90 % du commerce intercontinental de marchandises s’effectue via les mers et les océans, ils ne pourront pas être remplacés de si tôt.

Enfin, il est important de préciser que la taxe au tonnage ne s’appliquera pas aux activités de négoce, également très développées en Suisse. En revanche, les deux secteurs sont proches et la perte d’attractivité de la Suisse pour l’un peut se refléter dans l’autre. Combien de balles faudra-t-il se tirer dans le pied avant de se rendre compte que la compétitivité de notre pays n’est pas immuable ? Et n’y a-t-il pas suffisamment d’arguments dans les paragraphes précédents pour tenter au moins de défendre une taxe au tonnage ?

 
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