Recriminaliser la mendicité en Belgique ? « Cela n’a aucun sens. Au contraire, le droit de mendier doit être inscrit dans la loi.»

Recriminaliser la mendicité en Belgique ? « Cela n’a aucun sens. Au contraire, le droit de mendier doit être inscrit dans la loi.»
Recriminaliser la mendicité en Belgique ? « Cela n’a aucun sens. Au contraire, le droit de mendier doit être inscrit dans la loi.»

« Prenez conscience : sur les 305 communes qui ont adopté un règlement anti-mendicité, 253 ont adopté des mesures contraires à la Charte sociale européenne, au principe énoncé dans l’arrêt ‘Lacatus contre la Suisse’, du 19 janvier 2021 »il explique. Dans cet arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme affirme pour la première fois que la mendicité ne peut être interdite de manière générale, même si elle peut être réglementée. Sur cette base, les associations ont déposé une réclamation collective auprès du Conseil de l’Europe, plus précisément auprès du Comité européen des Droits sociaux, pour que le droit de mendier soit explicitement reconnu lorsqu’on n’a pas d’autres moyens de survie. .

« Le droit de mendier, si c’est pour tenter de survivre, doit être inscrit dans une loi applicable partout en Belgique »

« Si, à terme, ce droit de mendier est inscrit dans une loi fédérale, les communes seront obligées de revoir leur réglementation. Car il faut le souligner : la suppression de l’interdiction du vagabondage du Code pénal en 1993 n’a pas empêché les communes d’introduire une interdiction partielle ou totale de la mendicité au niveau local.» Et pareil pour illustrer : «A Namur, Tournai, Charleroi, il existe des réglementations anti-mendicité à géométrie variable. Dans une affaire relative à la Fête wallonne, par exemple, la Ville de Namur a réussi à interdire temporairement et en toute illégalité la mendicité. Les policiers de la ville ont immédiatement réagi en déclarant qu’ils étaient obligés de déplacer les mendiants, même s’ils étaient moins gênants que les scooters abandonnés sur le trottoir… »

Entre 200 et 300 euros à la charge de l’Etat pour un jour de détention

Pour Georges de Kerchove, recriminaliser la mendicité en Belgique n’a aucun sens. « Un tel recul serait totalement inutile, soutient-il. La mendicité agressive ou la mendicité avec des enfants sont déjà aujourd’hui punissables. Il ne faut donc pas ajouter de nouvelles sanctions. Et puis, quoi ? Dans la mesure où ces gens sont insolvables, allez-vous les mettre en prison ? Je rappelle à nos politiques qu’un jour de détention coûte à l’Etat entre 200 et 300 euros.»

Plus généralement, l’intéressé souligne l’importance de ne pas se tromper dans le débat : «Ce n’est pas contre les mendiants qu’il faut lutter, mais contre la pauvreté. » Les dernières enquêtes montrent que le nombre de sans-abri a quadruplé en une décennie en Belgique. « À partir du moment où une personne se retrouve à la rue, la protection sociale est incertaine, ce qui la contraint à mendier pour survivre. Pour essayer de réduire la mendicité, je pense qu’il faut augmenter le revenu minimum (CPAS, RIS, chômage de longue durée, NDLR) pour les ramener au seuil de pauvreté. En revanche, il faut supprimer le statut de cohabitant légal qui – dans le cadre de la procédure relative à la domiciliation de référence des sans-abri – consacre le droit de vivre en famille. Dans le même ordre d’idées, il est complètement aberrant de demander à la personne qui se retrouve à la rue de justifier qu’elle est à la rue… Bref, commençons par faire tomber ces barrières. Ce sera sans doute beaucoup plus utile.

Georges de Kerchove, membre du Mouvement ATD Quart Monde Belgique, avocat honoraire au Barreau de Bruxelles. ©DR
 
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