Les centres de francisation du Québec fermés aux nouveaux étudiants

Les centres de francisation du Québec fermés aux nouveaux étudiants
Les centres de francisation du Québec fermés aux nouveaux étudiants

Dans les centres d’éducation des adultes, une séance de cours pour apprendre le français dure 10 semaines. La prochaine session débute le 4 novembre, dans un peu plus de trois semaines.

Même si des centaines de diplômés quitteront ces écoles québécoises le vendredi précédent, autant d’aspirants étudiants se verront systématiquement refuser l’entrée le premier lundi de novembre. Même si les professeurs et les locaux disponibles les attendent.

Alors que le gouvernement Legault répète l’importance de protéger le français, ses compressions budgétaires gonflent la liste d’attente des nouveaux arrivants incapables d’obtenir une place en cours de français.

Au Québec, aucune inscription ne sera acceptée aux cours de niveau 1, sauf en cas d’échec. Au moins deux des trois centres n’accepteront littéralement aucune nouvelle inscription, quel que soit le niveau de maîtrise du français de la personne. Dont le plus important, le centre Louis-Jolliet.

« Je suis en francisation au Québec depuis 2001. Une séance sans accueil d’étudiants, je n’ai jamais vu ça ! Et il est clair que ce n’est pas dû à une baisse de la demande.»

— un membre du personnel d’un programme de francisation au Québec, sous couvert d’anonymat

Les trois centres d’éducation des adultes qui donnent des cours de francisation au Québec sont Louis-Jolliet, situé dans le secteur Stadacona de Limoilou, le centre Saint-Louis, sur la rue Racine à Loretteville, et Le Phénix, route de l’Église à Sainte-Foy.

« Nous avons peur pour l’avenir de nos élèves, confie un enseignant.

Louis-Jolliet est le plus grand des trois avec 1 357 étudiants actuellement inscrits.

Des essentiels pour l’économie

« Cela inquiète beaucoup l’équipe. Tous ces gens sont des travailleurs, des intérimaires pour la plupart, mais qui font tourner l’économie. Ils travaillent en CHSLD, travaillent pour des entreprises québécoises ou pour McDonald’s ou font le ménage, peu importe ! Ce n’est pas rassurant, avec ce que dit le Premier ministre en ce moment », estime un autre enseignant.

Comme la poignée de ses collègues interrogés par Le Soleilil souhaite protéger son identité pour ne pas subir les foudres de la direction de son école ou du centre de services scolaire.

En avril, Jean-François Roberge présentait son plan pour la protection des Français. Déjà ministre de la Langue française, il s’est depuis ajouté le portefeuille de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration. (Graham Hughes/Archives de la Presse Canadienne)

Personne n’a manqué l’intervention publique de François Legault la semaine dernière, selon lequel 80 000 des 160 000 demandeurs d’asile présents sur le territoire québécois doivent être déplacés vers d’autres provinces.

Sans compter que moins d’étudiants signifie moins d’enseignants, et donc des pertes d’emplois.

Rien que pour Louis-Jolliet, on parle d’au moins une centaine d’étudiants en moins et, donc, de l’élimination probable de cinq postes à temps plein et de 10 postes à temps partiel.

Nouvelles règles budgétaires

A partir de juin, Devoir a tiré la sonnette d’alarme sur les nouvelles règles budgétaires imposées à la francisation des centres de services scolaires. Les gros titres faisaient déjà la une des journaux selon lesquels des milliers de cours de français étaient compromis.

De 2019 à 2024, le budget annuel pour la francisation dans les centres de services scolaires est passé de 69 millions de dollars à 104 millions de dollars. Mais comme dans bien des domaines, le gouvernement Legault a depuis tiré le frein de l’urgence financière.

Le financement annuel des programmes de francisation est généralement basé sur les données des deux années précédentes. Mais pour cette année 2024-2025, le gouvernement Legault s’appuie plutôt sur les chiffres de deux autres années antérieures, 2020-2021 et 2021-2022, années pandémiques où la demande a été moindre qu’actuellement.

Depuis, on apprend qu’au centre de services scolaire des Mille-Îles, en banlieue nord de Montréal, 90 % des cours de francisation pour adultes ont été annulés et une vingtaine de postes d’enseignants supprimés. Le programme de francisation de la Commission scolaire Eastern Townships prendra fin à la fin novembre.

Ces règles budgétaires étant fixées pour l’année, rien ne garantit que la situation ne perdurera pas pour les sessions d’hiver et de printemps, jusqu’à la fin de l’année scolaire en juin.

Les acteurs du secteur espèrent convaincre le gouvernement de revenir sur sa décision.

Le péquiste Pascal Paradis y voit un autre exemple du gouvernement caquiste « qui dit une chose et fait le contraire ». (Edouard Plante-Fréchette/Archives La Presse)

«Cela me semble être une astuce budgétaire de la part d’un gouvernement qui dit une chose et fait le contraire, encore une fois», affirme Pascal Paradis, du Parti québécois.

Le député péquiste élu il y a un an, dont la circonscription Jean-Talon couvre une bonne partie des secteurs de Sainte-Foy et de Sillery, a suivi Le Soleil sur l’ampleur des conséquences pour la région de Québec. Le centre Le Phénix est dans sa commune.

Il a notamment reçu un courriel d’un individu d’origine sud-américaine ayant immigré pour la première fois en Ontario. L’homme a passé six mois au Québec, en attente de cours de français, avant de revenir en Ontario car il ne parvenait pas à parler la langue québécoise et à trouver un emploi correspondant à ses compétences professionnelles.

« Quelle est l’intention du gouvernement ? demande le député péquiste Paradis.

« Est-ce une mesure qui vise à limiter l’immigration, indirectement ? Est-ce une mesure d’austérité budgétaire ? Ont-ils l’intention de remplacer les cours existants par autre chose ?

— Pascal Paradis, député du Parti Québécois dans la circonscription de Jean-Talon, au Québec

Des cours de francisation sont également donnés dans les centres communautaires, les cégeps et les universités.

Le 17 septembre, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration a publié sur les réseaux sociaux un appel à candidatures pour des « emplois occasionnels d’enseignants de français langue commune avec des adultes dans diverses régions administratives du Québec ».

Une autre classe d’enseignants

Les enseignants qui donnent des cours publics de francisation ailleurs que dans les centres d’éducation des adultes ne sont pas rattachés au ministère de l’Éducation, comme la grande majorité des enseignants du Québec. Ils répondent plutôt au ministère de l’Immigration, par l’intermédiaire de Francisation Québec.

La vice-présidente de la Fédération autonome de l’éducation (FAE), Annie-Christine Tardif estime que «même si les cégeps et les organismes ont le budget, s’ils n’ont pas les ressources humaines et physiques, ils ne pourront pas franciser davantage».

Les enseignants des centres Louis-Jolliet et Saint-Louis sont syndiqués à la FAE.

« Est-ce que les organismes communautaires ou Francisation Québec sont en mesure d’accueillir tous ces gens ? Je suis sûr à 99,9 % que la réponse est non. Mais dans les centres de services scolaires, il y a des locaux, il y a du personnel, ils sont capables de les accueillir et on ne leur donne pas le budget pour le faire.

— la vice-présidente de la Fédération de l’éducation autonome (FAE), Annie-Christine Tardif

Le Centre de services scolaires de la capitale (CSS) affirme « recevoir actuellement le même nombre de groupes qu’en juin dernier ».

Mais « pour la prochaine session, il nous est impossible d’accueillir de nouveaux étudiants afin de respecter les budgets alloués », confirme la conseillère aux communications du CSS de la Capitale, Jade Thibodeau.

Mme Thibodeau précise que «les étudiants déjà inscrits en francisation pourront poursuivre leur cours lors de la prochaine session en novembre». Pour les sessions de janvier et d’avril, demeure « un souci d’accompagner le plus d’étudiants possible tout en respectant les cadres financiers », résume Mme Thibodeau.

Actuellement, sur les 1 622 étudiants qui apprennent le français au CSS de la Capitale, 1 357 étudient à Louis-Jolliet et 265 au centre Saint-Louis.

Le centre Le Phénix de Sainte-Foy fait partie du centre de services scolaire des Découvreurs. Ses enseignants sont syndiqués auprès de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE).

 
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