Une retraitée fribourgeoise perd l’usage de ses jambes

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Suite à la résurgence d’une poliomyélite, contractée à l’adolescence, un retraité fribourgeois souffre du syndrome post-polio qui peut parfois apparaître 50 ans après le premier épisode de la maladie.

Hélène Jungo sait faire preuve de résilience © Jean-Baptiste Morel

Hélène Jungo sait faire preuve de résilience © Jean-Baptiste Morel

Publié le 05/02/2024

Temps de lecture estimé : 7 minutes

«En , aucun spécialiste n’a reconnu que je souffrais du syndrome post-polio», déplore Hélène Jungo. Cette retraitée fribourgeoise de 80 ans est en fauteuil roulant depuis 2017. Comme elle, entre 50’000 et 100’000 personnes souffrent actuellement, en Suisse, des conséquences tardives de la poliomyélite, selon les estimations de l’Association suisse des paralysés ASPr. – SVG, organisation d’aide nationale basée à Fribourg, et groupe spécialisé, la Communauté d’intérêt suisse pour le syndrome post-polio (CSIP). Ce dernier sera également présent samedi place Georges-Python à Fribourg, pour sensibiliser le public aux enjeux liés à la polio.

Pour rappel, la poliomyélite est une maladie virale qui peut, chez 0,1 à 1 % des personnes infectées, provoquer une paralysie à vie ou entraîner la mort. Selon l’Office fédéral de la santé publique, la dernière épidémie remonte à 1954 en Suisse, soit trois ans avant l’introduction du vaccin. Depuis 1990, la Suisse est considérée comme exempte de polio. Cependant, certains patients qui ont contracté la polio pendant leur enfance présentent des symptômes qui provoquent des douleurs musculaires intenses, des difficultés respiratoires et même une paralysie.

Elle se retrouve donc, à 65 ans, obligée de payer la majeure partie de son fauteuil roulant.

Ces « vétérans de la polio » se retrouvent après des années d’autonomie, et parfois de mobilité totalement retrouvée, touchés par ce syndrome post-polio. “Cela peut aussi concerner des personnes qui ont eu une polio asymptomatique, et qui ne savent pas qu’elles ont été touchées”, explique Thomas Lehmann, médecin retraité spécialisé dans le syndrome et actif au CSIP. Selon lui, il s’agit d’une maladie neurodégénérative, conséquence des séquelles laissées par la polio. Elle touche les groupes musculaires gravement touchés puis récupérés, ainsi que les muscles qui n’avaient pas été touchés.

Diagnostic difficile

“Il n’existe pas de remède contre le syndrome post-polio, les thérapies permettent de soulager la douleur et de maintenir la mobilité”, poursuit Thomas Lehmann, précisant que le syndrome est reconnu par l’OMS mais qu’il est difficile d’obtenir un diagnostic. . Selon lui, certains médecins ne connaissent pas ce syndrome ou n’y croient pas. Il déplore le fait que les patients se retrouvent privés d’ordonnances pour des services nécessaires, comme la physiothérapie. Ce manque de suivi ne leur permet pas d’anticiper la gravité des conséquences du syndrome en introduisant une demande à l’IA avant 65 ans. Pour obtenir par exemple un fauteuil roulant. De ce fait, ils ne bénéficient pas des droits acquis et se retrouvent confrontés à de lourdes charges financières.

C’est le cas d’Hélène Jungo. Jamais cette ancienne infirmière n’aurait imaginé être confrontée à une perte de mobilité aussi importante. « Cela me paraissait ridicule de commander une chaise alors que je marchais encore. » Elle se retrouve donc à 65 ans, obligée de payer l’essentiel de son fauteuil roulant.

Pour comprendre sa situation, il faut remonter à 1961. Hélène Jungo est fille au pair en Autriche. Là, elle a reçu un vaccin oral contre la polio. Elle fait face à de graves effets secondaires et se retrouve paralysée. Rapatriée à Fribourg, elle a été hospitalisée pendant trois semaines. Malgré quelques séquelles, l’épisode semble être derrière. «Je marchais normalement.» Pour cette femme de caractère qui dit être « née heureuse », l’important était de construire son avenir.

En fauteuil roulant…

Hélène Jungo obtient son diplôme d’infirmière en 1963, métier qu’elle exerce à plein temps quelques années avant l’arrivée de ses quatre enfants. Elle termine sa carrière comme responsable d’un foyer pour personnes handicapées à Marly. En 2000, elle a déménagé au Canada où sa fille venait de fonder une famille. Là, elle participe à un programme de l’Hôpital de cardiologie d’Ottawa qui étudie l’impact du mouvement sur la réduction du cholestérol.

Une fatigue visible le met à rude épreuve et inquiète le corps médical. Le médecin lui dit qu’elle souffre probablement du syndrome post-polio. “Il m’a dit, le pousse-pousse de tes petits-enfants est ton premier rolator, tu dois te préparer à finir dans un fauteuil roulant.” Sous le choc, elle décide de rentrer en Suisse pour ne pas imposer le fardeau de son futur handicap à sa fille.

“Imaginez monter les escaliers deux à deux jusqu’à ce que vos jambes tremblent, j’étais dans cet état dès mon réveil”
Hélène Jungo

« , je ne suis pas reconnu car je n’ai pas de dossier. Les médecins qui me suivaient à ce moment-là sont décédés. Depuis son retour en Suisse, sa santé ne cesse de se dégrader. “Imaginez monter les escaliers deux à la fois jusqu’à ce que vos jambes tremblent, j’étais comme ça dès que je me suis réveillé.” Son physiothérapeute lui a assuré qu’elle aurait besoin de rendez-vous quotidiens. Un tarif difficilement justifiable sans une prescription détaillée d’un médecin.

Pour la première fois cette année, elle a obtenu une prescription de deux séances par semaine. “Je n’ai droit qu’à 45 minutes, cela ne tient pas compte du fait que j’ai un handicap, le praticien a besoin de plus de temps pour me préparer avant et après la séance.”

Sous le radar

Pour Maja Strasser, neurologue à Soleure, les difficultés rencontrées par les patients en Suisse doivent être mises en perspective avec l’histoire du pays: «En Suisse, le vaccin s’est complètement démocratisé en 1968, depuis lors on n’a pratiquement plus connu de cas de polio. C’est une des raisons pour lesquelles les médecins n’en entendent pas ou peu parler au cours de leur formation. En comparaison, aux Pays-Bas, dans les années 1990, une contagion à grande échelle a fait des ravages dans une communauté de fondamentalistes religieux où personne n’était vacciné. Donc, dans ce pays, les médecins connaissent très bien ce syndrome.»

Elle ajoute par ailleurs que les difficultés de diagnostic sont dues à la nature des premiers symptômes : « Les patients se plaignent d’une grande fatigue dont les médecins ne parviennent parfois pas à identifier la cause. Cela peut conduire à une errance diagnostique. Des propos nuancés par Raphaël Bonvin, vice-président du département de médecine de l’Université de Fribourg : « Le syndrome post-polio ne fait pas partie de la formation médicale de base recommandée mais fait partie d’une formation postuniversitaire principalement en neurologie. »

« Nous avons tous fait de notre mieux pour bâtir une vie respectable. Je pense que c’est aussi pour cela que certaines personnes ne demandent pas d’aide à temps », explique Alain Friedrich, 72 ans, atteint du syndrome post-polio et membre du CSIP. C’est là qu’intervient le groupe de soutien CSIP, actif dans le domaine de la prévention auprès des personnes atteintes du syndrome et du personnel soignant.

Le poliovirus continue de faire des ravages dans le monde

La poliomyélite continue de faire des ravages au Pakistan et en Afghanistan et pourrait réapparaître dans des régions longtemps indemnes. Selon l’OMS, c’est dans ces deux pays que la propagation de la souche sauvage du virus de la polio continue d’être classée comme endémique. Selon un rapport de l’organisation, « l’incapacité à éradiquer le virus pourrait conduire à une résurgence mondiale de la transmission du poliovirus sauvage avec 200 000 nouveaux cas de polio par an d’ici 10 ans ». Les zones de conflits sont propices à une résurgence de la maladie. En 2021, un cas de poliomyélite a été détecté en Ukraine. Suite à une campagne de surveillance et de vaccination menée dans le pays, malgré la guerre, la Commission régionale européenne de certification de l’éradication de la poliomyélite a confirmé que la région était indemne de la maladie en septembre 2023, selon un communiqué de l’OMS.

 
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