« Si nous ne réformons pas le système de santé, nous nous dirigeons vers une médecine à deux vitesses »


Tant à gauche qu’à droite de l’échiquier politique, les parlementaires estiment que le système de santé doit être réformé. Toutefois, les initiatives du Centre et du Parti socialiste, soumises au peuple le 9 juin, ne font pas l’unanimité. Nous en avons discuté dans notre émission Parlons-en.

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30 avril 2024 – 16h12

Face à l’augmentation constante des coûts des soins de santé, de plus en plus de personnes doivent se serrer la ceinture pour payer leurs primes d’assurance maladie. Sous la coupole fédérale, les principaux partis politiques reconnaissent la nécessité d’agir, mais ne s’accordent pas sur les solutions.

Les Suisses ont voté le 9 juin les propositions du Parti socialiste et du Centre visant respectivement à freiner la hausse des dépenses de santé et à plafonner les primes maladie. L’initiative du Parti socialiste (PS) demande que les primes d’assurance maladie ne dépassent pas 10 % des revenus des ménages.

La mesure coûterait à la Confédération et aux cantons entre 3,5 et 5 milliards de francs par an, selon les estimations de l’Office fédéral de la santé publique. «Nous demandons à la Confédération de consacrer près de 10% de son budget aux subventions. Il faudra donc augmenter tous les impôts de 10 %, ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) », prévient Cyril Aellen, député du Parti radical libéral (PLR/droite), dans notre débat filmé Parlons.

« Vous brandissez la menace de hausses d’impôts pour effrayer les citoyens », rétorque le sénateur socialiste Baptiste Hurni. Il rappelle qu’un tel plafonnement des primes a déjà été mis en place dans le canton de Vaud, qui n’a pas eu à procéder à des hausses d’impôts pour le financer. “La facture des frais de santé doit simplement être répartie différemment, car elle n’est plus supportable pour les ménages”, estime-t-il.

Pour le député du Centre Benjamin Roduit, le texte PS ne permet pas d’apporter une aide suffisamment ciblée aux personnes qui ont des difficultés à payer leurs cotisations. « Il y a 80 % de personnes qui ont les moyens de faire face à leurs dépenses de santé », précise ce dernier.

L’initiative du Centre, « une coquille vide »

Le Centre a sa propre recette pour freiner les dépenses de santé : son initiative veut obliger la Confédération à prendre des mesures dès que les dépenses de santé augmentent de 20% de plus que les salaires en un an.

>> Les coûts de l’assurance maladie augmentent plus vite que les salaires, comme le montre ce graphique :

Baptiste Hurni estime que le texte du Centre manque de clarté, car il ne détaille pas les mesures concrètes à prendre pour réduire les coûts. « Il s’agit du plus grand stratagème politique des 20 dernières années », dit-il. Le sénateur socialiste confie cependant qu’il n’est pas farouchement opposé à l’initiative, mais il compte laisser son bulletin blanc.

Cyril Aellen critique également la proposition du Centre. “C’est une clause guillotine : on ne fait rien et, quand les coûts augmentent vraiment trop, on coupe massivement à la hache”, dit-il.

Le député PLR soutient en revanche le contre-projet indirect initié par le Centre, qui entrera en vigueur en cas de refus du texte. Celle-ci prévoit que le gouvernement et les cantons définissent des objectifs en matière de maîtrise des coûts de l’assurance maladie obligatoire.

Benjamin Roduit écarte les critiques des autres partis. « Les mesures concrètes ne figurent pas dans le texte, car elles sont connues, mais c’est aux prestataires de soins de les mettre en œuvre », note-t-il. Il cite notamment l’augmentation du recours aux médicaments génériques ou encore l’introduction des dossiers électroniques des patients.

Les ménages mis à rude épreuve

L’une des particularités du système de santé suisse est qu’un quart des coûts incombe aux ménages. Cette proportion est supérieure à la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement (OCDE). Les coûts assumés par les particuliers sont trop élevés, estime Baptiste Hurni : « Les primes d’assurance sont injustes, car inadaptées aux revenus des assurés. En plus de cela, ils doivent encore payer une franchise, payer de leur poche les soins dentaires ou même une ambulance.»

Cyril Aellen est, quant à lui, contre l’instauration de cotisations adaptées aux revenus. « Une partie importante des coûts est déjà financée par les impôts, ce qui est juste. Il faut simplement aider ceux qui ne peuvent pas payer leur part », estime-t-il.

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Maintenir la qualité des soins

En Angleterre, c’est le contraire : les gens ne paient pas de primes ni de frais médicaux, car le système est entièrement financé par les impôts. Jérémy Ramsden, un Suisse basé près de Londres, constate les failles de ce modèle : « Le système anglais crée des problèmes de surconsommation des services médicaux. »

« A trop vouloir développer un système pour tous, sans franchise ni ticket modérateur, un système à plusieurs vitesses et encombré a émergé en Angleterre », reconnaît Baptiste Hurni. Pour le moment, il estime que la Suisse a réussi à maintenir une qualité de soins satisfaisante. « Le problème, c’est que les gens n’ont plus les moyens de payer le système », constate le sénateur.

« Il y a une part de responsabilité individuelle dans le système de santé, estime Benjamin Roduit. A ses yeux, en Suisse aussi, il est indispensable de lutter contre les prestations superflues, ce qui permettrait de réduire les coûts de 20%. « Une chose est sûre : si nous ne faisons rien, nous nous dirigeons de plus en plus vers une médecine à deux vitesses », prévient-il.

Cyril Aellen se dit également attaché à la qualité des soins pour tous. «Cependant, cela ne devrait pas être un ‘open bar’. Aujourd’hui, les assurés peuvent consulter quand ils le souhaitent et décider de passer le même examen deux ou trois fois. Il va falloir mettre un terme à cela», a-t-il déclaré.

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