Yvelines. Harcelée pendant 4 ans, elle n’a pas vécu un cauchemar mais un enfer

Yvelines. Harcelée pendant 4 ans, elle n’a pas vécu un cauchemar mais un enfer
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Par François Desserre
Publié le

29 avril 24 à 20h00

” C’est fini. Je vais être libre. Pardon. Je suis libre. » Les larmes aux yeux, les mains tremblantes, Caroline* ne se rend pas compte que son enfer vient de se terminer. Celui qui possédait les clés s’appelait Grégory R., originaire du Chesnay-Rocquencourt (Yvelines). Pendant quatre ans, il a harcelé cette jeune femme de 27 ans, jusqu’à « folie », selon ses propres mots.

Le tribunal de Versailles a émis un mandat d’arrêtcontre cet homme de 34 ans. Sentant venir le boulet de canon, Grégory n’a pas attendu le verdict rendu lundi 29 avril 2024. Il a préféré fuir pendant que les juges délibéraient.

Elle rêvait d’être diplomate

L’histoire de Caroline est extraordinaire dans les sens du terme. À commencer par sa réussite scolaire. Grâce à un travail acharné, elle parvient à entrer à l’École Normale Supérieure. Celle qui rêvait d’être diplomate a reçu son diplôme il y a un mois.

Il faut utiliser l’imparfait pour l’avenir de cette jeune femme. Car le fruit de sa relation avec Grégory fut un acharnement au-delà du raisonnable et même à travers les frontières . À tel point que les services de renseignement ont rejeté son dossier de candidature.

Ils sont jeunes quand ils se rencontrent. La relation est chaotique, faite de ruptures et de redémarrages. Jusqu’à ce que Caroline décide de mettre le point final. Grégory ne va pas l’entendre de cette oreille. Entre juillet 2020 et mars 2024, il s’en prendra à elle, à sa mère et à ses deux meilleures amies.

“Tu vas sauter du pont avant moi.”

Messages, appels, Caroline en recevra des centaines à toute heure du jour et de la nuit. Elle ne répond pas ? Peu importe, il passe par des amis ou utilise la technique dite du spoofing. Il s’agit d’usurper l’identité d’une personne en révélant son numéro de téléphone. Sous son nom, il ouvre des comptes sur les réseaux sociaux, publie images intimesde femmes qui lui ressemblent et la fait passer pour une escort girl. Parallèlement, il contacte des étudiants, des professeurs de Soupe normale . Il essaie également de la faire passer pour une fraude. Sans parler des insultes et des menaces.

Durant le procès, le juge répète une partie de la gaieté exprimée par Grégory. Il y en avait des dossiers entiers. « Des messages très répétitifs et avec peu de vocabulaire », prône le magistrat. “Je vais te déchirer le visage!” Tu vas sauter du pontavant moi ! Tu vas finir nue et tu vas être une pute. Je vais te casser la tête si fort que ta mère ne te reconnaîtra plus. »

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Il va à Amsterdam pour se raser la tête

L’homme va aussi bouger physiquement. D’abord dans le Var chez la grand-mère de Caroline. Puis à Marseille, chez sa mère à qui il promet de lui « casser la tête ». Sa colère traversera les frontières. En décembre 2020, Grégory met le cap sur Amsterdam, aux Pays-Bas. Après un an de recherche, il retrouve Caroline qui était en vacances. Il voudrait récupérer 800 euros d’un voyage qu’il a payé en Tunisie. Dans ses bagages, il a pris une tondeuse à gazon pour lui rase-toi la tête. Il n’atteindra pas ses objectifs. La jeune femme n’aura qu’un temps de répit. « Pendant deux ans, je suis allé en Égypte. J’ai éteint mon téléphone français et l’ai mis dans un tiroir. À mon retour, je n’ai rien trouvé de ma vie passée, mais il était toujours là. »

« J’ai subi quatre ans de fuite et de destruction… »

Inquiète, Caroline s’est présentée au tribunal. « Puis-je lire ce que j’ai préparé ? » Ce sera plus facile. Et ça ne durera que 5 minutes », a-t-elle demandé le plus poliment possible. ” Madame. Le tribunal vous écoute. Parlez librement et autant que vous le souhaitez. » Caroline se lance alors dans un plaidoyer digne des meilleurs avocats. Des mots qui résument 4 années de souffrance.
« Il m’a juré que, libre ou en prison, il serait là pour détruire ma vie et tous mes rêves, au point de me pousser au suicide. Avec lui, il n’y avait que deux options possibles. Dis oui, désolé, je rentre à la maison. Tu as raison. Ou le chaos (…) J’ai vécu le chantage, la destruction de mes amitiés, l’humiliation publique. Des heures de cris et d’insultes sur mon téléphone, des visites régulières dans mes différents domiciles. En 2021, j’ai déménagé quatre fois, coupé tous mes réseaux sociaux et changé plusieurs fois de numéro. Je n’ai jamais été aussi seul de ma vie (…) Il me faudra des années pour m’en remettre.
En quatre ans, je n’ai jamais refait ma vie et je n’ai plus envie d’être proche d’un homme. En quatre ans, je n’ai pas pris une seule décision qui n’ait été influencée par lui, par la peur et la honte que j’ai à son égard. En quatre ans, il n’y a pas eu un jour où je ne me suis pas inquiété pour moi ou pour mes proches, où je n’ai pas regardé par-dessus mon épaule ou dû expliquer la situation à mes différents supérieurs ou à de nouveaux amis. Pour ces quatre années de fuite et de destruction, pour ma grand-mère, ma mère et mes deux meilleures amies, libérez-nous, Madame la Juge. »

“Ce n’était pas de la méchanceté”

Face à ses juges, Grégory a d’abord tenté d’obtenir un nouveau renvoi du dossier. Un avocat qu’il n’a pas payé, un rendez-vous qu’il n’a pas pu prendre pour un suivi psychiatrique. Rien de tout cela n’a retenu l’attention des juges qui ont décidé de retenir l’affaire.

« Alors monsieur. Ces messages, ces 1631 appels, Que dites-vous ? », interroge le président.

«Je suis devenue folle après ce qu’elle m’a fait. J’en suis arrivé au point de me suicider », répond Grégory. ” Mais non. Vous êtes toujours là. Alors pourquoi ? Et sa mère ? », précise le magistrat.

« Ce n’était pas de la méchanceté. J’avais quatre vérités à dire. Et sa mère, elle l’a présenté à quelqu’un trois ou quatre jours après notre séparation. »

Le juge lui rappelle qu’elle est libre de le faire tout comme elle est libre de ne pas répondre à ses appels répétés. « Vous savez, je me battais contre moi-même pour ne rien lui faire », précise le prévenu.

“Je voulais détruire sa carrière”

Versailles (Yvelines) — A l’issue du procès, Violaine Faucon-Tillier a tenu à rassurer son client : « Maintenant vous êtes libre. » ©François Desserre

Détruire la vie privée et l’avenir de Caroline étaient ses deux objectifs.

«Je voulais détruire sa carrière. Qu’il y a des traces d’elle dans les fichiers de la police. Elle voulait être diplomate ? Voyant qu’elle était avec moi, que j’étais en prison, c’était foutu pour elle. Je me reproche seulement le mal que je lui ai fait. Mais je suis aussi devenu cher. »

Le président le coupe dans son raisonnement : « A priori, vous allez bien vengé. Cela doit cesser, monsieur. »

Que cela s’arrête. C’est précisément ce que plaide l’avocat de Caroline. ” Respirer. Nous avons tous besoin de souffler après avoir lu tous ces messages tous plus odieux les uns que les autres. Et j’ose espérer que l’avenir de ma cliente ne sera plus le même », insiste Violaine Faucon-Tillier.

« La folie a bon dos »

Le ministère public partage largement cet espoir tout en prenant de lourdes réquisitions. « Ça a duré 4 ans ! Tous les moyens étaient bons. Il est allé jusqu’à la faire paraître radicalisée. Il l’a provoquée au suicide. La folie a bon dos. Je demande 2 ans de prison dont 12 mois avec incarcération. »

Ce dernier mot fait passer Grégory du livide au transparent. Lors des délibérations, il a décidé de ne pas revenir même s’il paraissait libre. « Monsieur est absent », s’étonne le juge. « Ce sera donc unmandat d’arrêt. Le tribunal prononce une peine de 3 ans, dont 2 ans d’emprisonnement. »

Les larmes coulent encore sur le visage de Caroline. Le dernier termine sa course avec le sourire. “Maintenant, je vais être en sécurité.” »

* Le prénom a été modifié.

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