Qui sera la Capitale européenne de la culture de la Belgique en 2030 ? Du symbole aux réalités politiques et citoyennes

Qui sera la Capitale européenne de la culture de la Belgique en 2030 ? Du symbole aux réalités politiques et citoyennes
Qui sera la Capitale européenne de la culture de la Belgique en 2030 ? Du symbole aux réalités politiques et citoyennes

UN A peine achevée sa présidence du Conseil de l’Union européenne, la Belgique se lance dans la préparation d’une autre campagne, celle menant à la désignation de la future « Capitale européenne de la culture » (ECC) qu’elle accueillera en 2030.

Le label CEC créé en 1985 est un marqueur symbolique fort de l’action publique de l’Union européenne (UE). Son sens a évolué au fil du temps, depuis le développement « top-down » d’un haut lieu de culture européenne commune jusqu’à la mobilisation « bottom-up » d’acteurs locaux utilisant la culture pour créer une dynamique d’innovation synonyme d’européanisation. Après les premières éditions consacrées aux centres historiques de la civilisation européenne (Athènes, Florence, Amsterdam, Paris), un premier tournant s’annonce en 1990 avec le choix de Glasgow, métropole en crise qui y trouve une opportunité de redressement. Le titre de CEC devient alors un « rite de passage » permettant à des villes de pays candidats au riche passé (Cracovie, Prague) d’organiser leur retour dans la famille européenne. Les lauréats ultérieurs sont souvent de petites villes portant un projet culturel au service de la rénovation urbaine, du développement humain et du rayonnement international. Cette évolution est illustrée par les quatre villes belges qui furent successivement capitales européennes de la culture : Anvers en 1993, Bruxelles en 2000, Bruges en 2002 et Mons en 2015.

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Comme c’est souvent le cas en matière de politique symbolique européenne, l’analyse des PEC se concentre sur les résultats économiques et dit peu sur la perception qu’en ont les citoyens. Une enquête sur la légitimation de l’UE réalisée par sondage* en deux vagues (décembre 2023 et juin 2024) en France et en Belgique apporte quelques éléments pour combler cette lacune via deux questions sur les CEC. Les résultats suggèrent que la façon dont les citoyens belges perçoivent ce qu’est une « Capitale européenne de la culture » reflète sa réalité politique mais aussi les limites habituelles de la communication européenne.

Interrogés en juin 2024 sur les effets qu’aura selon eux l’octroi de ce label à une ville belge en 2030, 29,8% des sondés belges ont répondu que cela « favorisera l’activité économique et le tourisme » et 18% que cela « contribuera à le rayonnement international de la Belgique ». L’aspect culturel lui-même dans le sens où l’événement « encouragera le rôle actif de la culture en Belgique » vient ensuite (15,1%) tandis qu’une petite minorité considère que « les institutions européennes ne devraient pas exister ». ne sont pas compétents pour désigner une « capitale de la culture » » (6,9%). Enfin, un petit tiers des personnes interrogées pensent que la désignation d’une ville belge comme CEC n’aura aucun effet (16,4%) ou préfèrent ne pas répondre (13,7%). La perception de la CEC essentiellement en termes de retombées économiques et internationales correspond bien à l’instrumentalisation croissante de la culture au service d’autres fins dans l’évolution du label.

La perception de la CEC est soumise à l’influence de variables sociodémographiques (âge, diplôme, lieu de résidence, intérêt et confiance dans la politique, positionnement gauche-droite, auto-identification comme nationale ou européenne) structurent les attitudes dans le rapport général vers l’Europe. Les effets du label CEC sont perçus comme de moins en moins positifs par les plus jeunes et les moins diplômés. Au contraire, un fort intérêt pour la politique contribue à promouvoir l’impact de la KEK sur l’économie et la culture. Un positionnement très à droite prédispose à considérer qu’elle n’a aucun effet ou qu’elle ne devrait pas relever de la compétence des institutions européennes. Une faible confiance dans les institutions nationales et européennes ou une identification comme « uniquement belge » sont corrélées à une évaluation négative de l’impact et de l’existence même du statut de « capitale européenne de la culture ».

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Les répondants sont ensuite invités à choisir parmi les villes belges suivantes candidates au titre CEC 2020. Bruges arrive en tête (28,3%), suivie de Gand (15,7%), Louvain (9%), Bruxelles-Molenbeek (8,9%), Namur (7,5%), Liège (5,1%) et Courtrai (2%), avec un petit quart (23%) préférant ne pas répondre. Cela met en évidence la primauté accordée aux villes – flamandes – dotées d’un prestige historique et culturel (Bruges, Gand, Louvain). L’option Bruxelles-Molenbeek, faisant référence à la fois au symbole impopulaire de la capitale institutionnelle de l’Europe et à la mémoire traumatisante des attentats terroristes de 2015-2016, ne séduit guère. Viennent ensuite les villes wallonnes de Namur et de Liège, sans doute moins identifiées comme destinations culturelles, Courtrai terminant dernière.

Comment expliquer ces scores inégaux ? L’effet de taille joue peu, Bruges célébrée comme la « Venise du Nord » étant nettement plus petite que Gand ou Liège. La hiérarchie n’est dépendante d’aucune actualité particulière puisqu’elle reste strictement identique dans les deux vagues de l’enquête séparées de six mois (décembre 2023-juin 2024). Cette hiérarchie varie cependant sensiblement selon la langue et le lieu de résidence (deux éléments qui se chevauchent sans se superposer) étant des éléments très discriminants. Néerlandophones et Flamands d’un côté, francophones et Wallons de l’autre soutiennent chacun « leurs » villes. Bruges est cependant le premier choix dans les deux communautés linguistiques étudiées (l’enquête ne couvre pas la communauté germanophone) et dans deux régions sur trois (à l’exception de Bruxelles-Capitale, dont les habitants privilégient leur ville). La même question sur le meilleur choix de ville belge pour la CEC 2030 posée en France place Bruges en tête comme en Belgique, mais Bruxelles-Molenbeek et Liège en deuxième et troisième position. Ce résultat suggère deux choses. D’une part, la réputation historique et culturelle de Bruges reste un atout déterminant au-delà des frontières belges. En revanche, les Français privilégient les villes francophones qu’ils connaissent mieux, tout en étant nettement moins mobilisés que les Belges sur la question (42,7% de non-réponses).

Trois conclusions peuvent être tirées de cette enquête. Premièrement, les « capitales culturelles » sont devenues des instruments de politique économique et territoriale mais leur dimension spécifiquement culturelle pèse encore sur leur perception par les citoyens. Ensuite, ces « capitales européennes » sont envisagées à travers le prisme du local, du national et de la langue. Enfin, leur perception est marquée par les mêmes discriminations socio-démographiques que les attitudes générales à l’égard de l’intégration européenne.

Comme pour l’Eurovision, le vote du public n’est pas décisif, la décision finale incombant aux experts… Bruges semble favorite aux yeux des citoyens belges ou français. Mais si Molenbeek parvient à dissocier sa candidature de celle de « Bruxelles-capitale-de-l’Europe » et à surmonter son image négative tout en mettant sa résilience et son multiculturalisme au service d’une renaissance économique, elle pourrait apparaître comme plus en adéquation avec les exigences requises. profil des CEC. Le choix final montrera les influences respectives des critères de l’action publique européenne, des politiques nationales et des préférences des citoyens dans la légitimation de l’UE.

*Enquête juin 2024 BelgiqueEnquête en ligne réalisée en français et en flamand par l’agence de recherche iVOX pour le compte de l’ULB (1ère vague 28/11-12/1/2023 ; 2ème vague 21/6-26/2024) auprès de 1000 Belges de 18 ans et plus, échantillon représentatif par région, sexe, âge et diplôme. La marge d’erreur maximale est de 3,02 %.

 
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