Actualités | Place aux femmes

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Récemment, j’ai eu l’occasion de parler à des élèves de l’école islamique Alhijra, au Manitoba. S’adressant à 280 étudiants, du 1ère à 9 heurese année, j’ai réalisé à quel point il est essentiel d’ouvrir le dialogue sur notre passé. Cette réflexion ne doit pas se limiter aux étudiants, mais s’adresser à tous les Canadiens, qui doivent prendre le temps de comprendre les aspects les plus sombres de notre histoire commune.

Un texte de Robert Faucon Ouellette

Robert Falcon Ouellette est un anthropologue de la nation crie Red Pheasant en Saskatchewan. Il se spécialise dans les domaines de l’éducation autochtone, de l’éthique militaire et des sciences politiques. Il est titulaire d’un doctorat et de deux maîtrises de l’Université Laval. Il a également servi dans les Forces armées canadiennes et a été député libéral fédéral de Winnipeg-Centre de 2015 à 2019. Il est maintenant professeur agrégé à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa.

Il n’est pas facile d’expliquer aux jeunes enfants ce que signifie avoir été enlevé à sa famille et forcé de fréquenter une école où, pour de nombreux enfants autochtones, des choses terribles se sont produites.

Nous en avons parlé de manière simple, mais au fur et à mesure que la journée avançait, les élèves les plus âgés posaient des questions plus approfondies. Un étudiant m’a posé une question qui m’a frappé : Quelqu’un a-t-il été accusé de ces crimes ?

C’était une question importante et douloureuse, et la réponse est non. Malgré des milliers de témoignages de survivants recueillis sur plusieurs décennies, personne n’a jamais été tenu pénalement responsable des abus commis dans les pensionnats.

En 2018, en tant que député, j’ai écrit au commissaire de GRCBrenda Lucki, pour savoir si des enquêtes avaient été ouvertes sur les crimes commis dans ces écoles. J’ai demandé quand des accusations seraient portées.

Je n’ai jamais reçu de réponse.

La Commission de vérité et réconciliation (CVR) a enregistré au moins 5 000 décès d’enfants autochtones dans les pensionnats. Ce chiffre est toutefois incomplet, car de nombreux documents ont été détruits ou retenus.

Le juge Murray Sinclair, qui a dirigé le CVR et non un homme enclin à l’exagération, a clairement expliqué que les atrocités commises dans ces écoles laissaient une cicatrice indélébile sur les communautés autochtones et qu’elles constituaient un génocide culturel.

L’ancien sénateur Murray Sinclair a présidé la Commission vérité et réconciliation. Photo : Radio-Canada/Guy Bois

Un doute persistant à affronter

Pourtant, étonnamment, certains Canadiens remettent encore en question cette histoire et l’existence de tombes identifiées à proximité d’anciens pensionnats, ou se demandent si les enfants y sont réellement morts en si grand nombre.

Pour de nombreux Autochtones, les négationnistes des pensionnats représentent un obstacle sérieux à la guérison et à la réconciliation. Un député de NPD a même proposé de criminaliser la négation de l’existence de ces tombes.

Un monument commémoratif a été érigé à Ottawa en 2021 pour les enfants dont les restes seraient enterrés dans des tombes anonymes du pensionnat indien de Kamloops, en Colombie-Britannique. Photo : La Presse Canadienne/Justine Tang

Même si je comprends la nécessité de protéger les survivants et leurs familles de cette forme de révisionnisme, je crois également à la liberté d’expression et au pouvoir de la vérité. La nature de la démocratie exige que nous nous engageons dans des discussions difficiles, aussi douloureuses soient-elles.

Pourtant, trop de Canadiens évitent ce débat. Il est plus facile de s’accrocher à des mythes confortables que de faire face à la réalité inconfortable selon laquelle, oui, un génocide a eu lieu dans ce pays.

Oui, des enfants sont morts. Oui, des crimes ont été commis. Mais en tant qu’êtres humains, nous avons souvent tendance à rejeter les faits qui ne correspondent pas à notre vision du monde, car il est trop difficile d’accepter que de telles atrocités aient pu se produire ici, au Canada.

Si certains Canadiens veulent nier les crimes qui ont été commis, qu’ils se rendent à l’évidence. Qu’ils lisent les témoignages des survivants. Faites-leur entendre les histoires de mon père, de mes grands-parents et de nos proches. Laissez-les être témoins des conséquences à long terme de l’ignorance de la vérité et comprendre comment ces événements continuent de façonner la société canadienne aujourd’hui.

Si vous ou quelqu’un que vous connaissez vivez un traumatisme lié aux pensionnats, vous pouvez appeler la Ligne nationale de crise des pensionnats sans frais au 1-866-925-4419. Ce service est offert 24 heures sur 24.

Il est également possible d’appeler la Ligne Espoir en tout temps par téléphone au numéro sans frais 1-855-242-3310 ou par clavardage à Hopepourlemieuxetre.ca.

Des blessures qui n’appartiennent pas seulement à l’histoire

De nombreux survivants des pensionnats ont eu du mal à se réinsérer dans la société après avoir été arrachés à leur famille et à leur culture dès leur plus jeune âge. L’itinérance constitue un problème majeur, tout comme l’abus de drogues et d’alcool, qui sont souvent utilisés comme mécanismes d’automédication pour gérer les traumatismes profonds vécus par ces personnes.

À cela s’ajoute le traumatisme des stérilisations forcées qu’ont subies les femmes autochtones, les privant de leur droit d’avoir des enfants et poursuivant ainsi une forme de génocide.

Cette violence historique a eu de profondes conséquences, notamment la pauvreté intergénérationnelle, qui reste omniprésente dans les communautés autochtones. Cette situation est exacerbée par le racisme systémique et les traumatismes non résolus. De plus, les enfants autochtones sont aujourd’hui surreprésentés dans les systèmes de protection de l’enfance, souvent retirés de leur famille, ce qui rappelle les pratiques des pensionnats.

Au Manitoba, plus de 10 000 enfants autochtones sont placés en famille d’accueil, un nombre alarmant. Si le Québec avait des taux similaires, cela représenterait 90 000 enfants pris en charge.

Ces injustices ne sont pas seulement des événements historiques ; ils représentent les réalités actuelles auxquelles les peuples autochtones et canadiens sont encore confrontés aujourd’hui. Si nous voulons parvenir à une véritable réconciliation, nous devons affronter ces vérités de front, aussi inconfortables soient-elles. Nous ne pouvons pas fuir le passé si nous espérons créer un avenir meilleur pour tous les Canadiens.

Nous nions les tombes, nous détournons le regard,
Mais sous la terre, les âmes gardent leur maquillage.
Le silence du déni ne peut effacer,
Ce que l’histoire révélera un jour

 
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