À qui appartient la Lune ? La Suisse a choisi son camp

À qui appartient la Lune ? La Suisse a choisi son camp
Descriptive text here

Guy Parmelin et l’administrateur de la NASA Bill Nelson lors de la cérémonie de signature des accords Artemis par la Suisse, au siège de la NASA à Washington, le 15 avril 2024. Image : EPA

La Suisse a signé ce lundi 22 avril les accords Artemis, qui doivent permettre de réguler l’exploration et l’utilisation de l’espace. Mais la et la Chine s’organisent de leur côté.

Bruno Knellwolf / ch médias

Plus de « International »

L’humanité veut retourner sur la Lune. Pour cela, l’agence spatiale américaine NASA a lancé le programme Artemis. Plus d’un demi-siècle après la dernière mission habitée sur la Lune, les astronautes doivent explorer la région du pôle Sud, encore inexplorée. Dès 2026, deux personnes devraient atterrir sur la surface de la Lune dans le cadre de la mission Artemis 3, dont, pour la première fois, une femme.

D’une part, la Lune doit devenir un tremplin pour les futures missions vers Mars. En revanche, les ressources de la Lune doivent être exploitées à long terme à partir d’une base lunaire habitable en permanence. Les matières premières pourraient ainsi être extraites dans le cadre de l’exploitation minière, ce qui intéresse de nombreux États.

C’est également pourquoi la NASA et le Département d’État américain ont rédigé en 2020 des règles selon lesquelles la Lune et l’espace doivent être explorés et utilisés à l’avenir. Ces accords Artemis ont été signés par 38 pays. L’Allemagne les a signés il y a six mois et le conseiller fédéral Guy Parmelin l’a fait ce lundi 22 avril à Washington au nom de la Suisse.

Vers un partenariat avec ?

Peter Wurz, directeur de l’Institut de physique de l’Université de Berne, était présent à la signature. “Les accords Artemis sont basés sur le traité spatial de 1967 et tiennent compte de l’état actuel de la technologie”, il explique. Selon le spécialiste de l’espace, les accords se concentrent sur une meilleure coopération afin d’augmenter le potentiel d’une recherche spatiale sûre et robuste. “Et l’entraide en cas d’urgence ainsi que l’enregistrement correct des objets spatiaux”, ajoute-t-il.

Il existe certes un bureau d’enregistrement des Nations Unies pour les satellites et les fusées (Convention sur l’enregistrement), mais tous les pays n’en font pas partie. Grâce à l’enregistrement, les orbites des objets volants sont connues, ce qui permet d’éviter les collisions. « L’enregistrement est donc important pour éviter les débris spatiaux »explique Valentin Bickel du Centre Espace et Habitabilité de l’Université de Berne.

De nombreux principes ont été repris de l’ancien accord spatial. Mais en 1967, aucune réflexion n’avait été menée sur l’utilisation des ressources lunaires ou sur les sociétés spatiales privées, comme le précise Valentin Bickel :

« Cela doit être corrigé. Désormais, nous souhaitons également intégrer les nombreux partenaires commerciaux du spatial, qui jouent un rôle de plus en plus important, comme Space d’Elon Musk.

Mais ce qui importe avant tout, c’est l’échange mondial et transparent des données scientifiques.

Éviter le conflit

Les accords prévoient également qu’une zone de sécurité pourrait être établie pour protéger une mine lunaire. Il s’agit de permettre à chaque nation de délimiter des territoires sur la Lune et d’autres corps célestes. Selon Peter Wurz, il n’est pas tout à fait clair, en raison du texte de l’accord, si de telles zones interdites sont réellement possibles. En tout état de cause, cela devrait permettre d’éviter les conflits liés à l’exploitation des ressources naturelles.

Or, c’est précisément ce point des accords Artemis qui est critiqué : en ayant des espaces privés, un pays pourrait avoir trop de pouvoir. Afin d’éviter les conflits territoriaux, la transparence de l’information mutuelle est décisive. Peter Wurz estime :

“Mais les activités commerciales pourraient gâcher les bonnes intentions de l’accord Artemis”

Thomas Zurbuchen, ancien directeur de recherche à la NASA et professeur à l’EPFZ, s’interroge également sur l’utilisation de la Lune à des fins minières. Il propose de créer des sortes de parcs nationaux sur la Lune afin de la préserver pour les générations futures. En février, il déclarait :

“Il doit y avoir des domaines qui ne peuvent pas être exploités et qui resteront accessibles uniquement pour la recherche.”

Avec la signature des accords Artemis, La Suisse a la chance de participer activement à l’espace, aux yeux de Valentin Bickel. Et Peter Wurz d’ajouter : « Nous entretenons déjà une bonne et vaste coopération dans les projets Artemis. La reconnaissance de ces principes permettra de l’étendre. Cela offre également de nombreuses opportunités à l’industrie suisse. En effet, seuls ceux qui signent les accords peuvent participer à Artemis.

Participation internationale au projet Artemis «nous profite énormément à l’Université de Berne», dit Peter Wurz. Les accords ne présentent aucun inconvénient pour la Suisse. « Les accords Artemis sont une déclaration d’intention. Si la collaboration évolue défavorablement, nous pouvons très facilement nous retirer.»

La Russie et la Chine ne veulent pas participer

Mais tous les pays ne souhaitent pas participer aux accords Artemis. La Russie n’a pas encore signé. La Chine non plus. Valentin Bickel estime que ces pays vont probablement élaborer leur propre recette spatiale afin de ne pas perdre le contrôle de leur État sur l’espace. Les deux pays se sont réunis au sein de la Station Internationale de Recherche Lunaire (ILRS).

Des pays comme l’Égypte, la Turquie, l’Afrique du Sud et le Venezuela les ont rejoints. Il pourrait donc y avoir à l’avenir deux grands partis qui forgeront leurs propres projets dans l’espace. L’Inde, en tant que puissance spatiale émergente, s’est toutefois rangée du côté de l’Occident et a signé les accords Artemis.

Comme son collègue, Peter Wurz ne pense pas que la Russie signera les accords Artemis, du moins dans un avenir proche. Mais il n’est pas aussi sceptique à l’égard de la Chine. « Les grands projets, comme la Station spatiale internationale (ISS), auxquels participent également les Russes, ne sont pas réalisables sans coopération internationale. Le programme Artemis de la NASA non plus », explique le chercheur en sciences spatiales.

La signature de Guy Parmelin aura des conséquences directes pour Valentin Bickel. À l’ETHZ, il a lancé il y a quelques années un projet pour la mission lunaire Artemis 3. Il recherche et caractérise des sites d’atterrissage appropriés au pôle Sud. Ce projet est toujours en cours et le chercheur suisse vient de collaborer avec des spécialistes indiens du spatial.

Dans le cadre du programme Artemis, Valentin Bickel soutient également la planification de la mission Viper Rover, qui doit forer de l’eau au pôle Sud de la Lune l’année prochaine. La Suisse s’implique donc de diverses manières dans Artemis et pourra continuer à le faire grâce à la signature de Guy Parmelin.

Pour le plus grand plaisir de Marco Sieber, présent lors de la signature. Agé de 35 ans, il a suivi une formation d’astronaute auprès de l’Agence spatiale européenne (ESA) en juin 2023. Son objectif est de devenir, grâce à Artemis, le premier Suisse à aller sur la Lune. Lundi 22 avril, Marco Sieber deviendra officiellement astronaute de l’ESA.

Traduit et adapté par Tanja Maeder

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV « Il y a eu des menaces et des intimidations »
NEXT Européennes : Bardella lance le compte à rebours vers une victoire annoncée à Perpignan : Actualités