Alors qu’on persiste sur des « chiffres », le français fait marche arrière

Alors qu’on persiste sur des « chiffres », le français fait marche arrière
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Au Québec, seul État francophone d’Amérique, les débats sur le sujet sont désespérément polarisés.

Dès le moindre bilan, on insiste sur des « chiffres » et des « indicateurs » alors que les Français, notamment dans la grande région métropolitaine, continuent de perdre du poids.

Idem pour les données récentes de l’Office québécois de la langue française sur la langue en entreprise. Sur l’île de Montréal, depuis 2010, l’utilisation du « Bonjour-Hi » est passée de 4 % à 12 %. La réception en français a chuté de 84 % à 71 %. Celui en anglais n’a augmenté que de 12% à 17%.

Près de 97 % des clients ont néanmoins pu être servis en français. Résultat : certains ne voient le déclin du français qu’à l’accueil. D’autres ne voient sa stabilité qu’en service.

La réalité est cependant plus nuancée. Par rapport à l’anglais, le déclin du français comme langue d’accueil trahit en fait l’affaiblissement de son rapport de force en tant que langue commune. Résultat : son statut social s’effondre.

Dans les autres grandes villes canadiennes, il n’y a pas de « Bonjour-Salut » dans les commerces. Seulement le « Salut ». Parce que tout le monde sait que l’anglais est de facto la langue commune.

À Montréal, c’est une bonne nouvelle que les clients soient servis en français. La mauvaise nouvelle, c’est qu’une fois accueillis en anglais ou « bilingues », ils doivent demander à être servis en français.

Objectif non atteint

Rappelons que la loi 101 repose néanmoins sur l’objectif explicite de faire du français la langue « normale et habituelle » du travail, de l’éducation, des communications, du commerce et des affaires.

Or, dans la région de Montréal, les mots « normal et habituel » s’appliquent de moins en moins. Au-delà des habituelles angoisses sur les chiffres ou sur les reproches lancés aux immigrés, le cœur du problème est là.

La mémoire étant une faculté d’oubli, rappelons ce qui s’est passé bien avant les récentes augmentations du taux d’immigration.

Entre 1996 et l’adoption en 2022 de la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, face au déclin du français déjà amorcé, les gouvernements majoritaires québécois successifs ont choisi de ne rien faire.

Dès 1996, les feux jaunes s’allumaient déjà. Spécialiste des questions linguistiques, j’ai été le directeur du premier bilan de la situation de la langue française depuis l’adoption de la loi 101. Notre équipe a été mandatée en 1995 par le premier ministre Jacques Parizeau.

C’est trop tard?

Au fil de nos travaux, certaines baisses du français sont apparues dans la langue de la signalisation et de l’accueil, des lieux de travail et de l’administration publique.

Nous avons également découvert que de plus en plus d’allophones scolarisés en français au niveau primaire et secondaire choisissent néanmoins l’anglais pour leurs études supérieures.

Le gouvernement Bouchard et les médias ont cependant qualifié nos conclusions d’« alarmistes ». Cela ne sert à rien, selon eux, de renforcer la loi 101. Il s’agit là d’une erreur historique majeure. Depuis, un quart de siècle d’apathie a eu son prix.

Et on s’étonnera que les jeunes générations, élevées dans ce trop long vide sur le plan linguistique, trouvent l’anglais plus cool – et le français ringard – même dans les couloirs des écoles francophones.

Quant au durcissement de la loi 101 par la CAQ, il a le mérite d’exister. La plupart des experts concluent cependant qu’il est trop timide. Y compris son refus d’étendre la loi 101 aux cégeps.

La question est inévitable. Pour s’assurer à long terme que le français soit une langue aussi « normale et habituelle » ici que l’anglais hors Québec, serait-il déjà trop tard ? Nous souhaitons que ce ne soit pas le cas…

 
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