Une collection de la famille de Weck est vendue aux enchères

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Argenterie, tableaux, meubles et autres objets ayant appartenu à un ancien membre de la famille patricienne sont en vente à Genève.

Les services en argent créés par un orfèvre prestigieux sont gravés des armoiries familiales. © Genève Enchères

Les services en argent créés par un orfèvre prestigieux sont gravés des armoiries familiales. © Genève Enchères

Publié le 25/04/2024

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Vous rêvez d’organiser un banquet bourgeois à l’ancienne ? Dans ce cas, munissez-vous d’un bougeoir, de verres en cristal et entraînez-vous à lever le petit doigt… Pour une table vraiment classe, il est recommandé d’avoir de l’argenterie d’époque. Par exemple, des cuillères et des fourchettes provenant de l’atelier de Jacques-David Müller (1703-1789), l’un des orfèvres les plus prestigieux de l’époque patricienne fribourgeoise, feraient forte impression.

Le summum serait que vos services soient gravés des armoiries de la famille de Weck. Sachez cependant que ces détails augmenteront légèrement le prix du festin : comptez 3000 francs pour acquérir 18 fourchettes et 18 cuillères portant le poinçon Müller et les armes patriciennes. Et encore une fois, ce n’est que l’estimation avant la vente de la collection Weck, organisée dans les prochains jours par Genève Enchères.

Deux jardinières de table en argent créées au XVIIe sièclee siècle par Jean Landerset, orfèvre et lui-même patricien de Fribourg. © Genève Enchères

«Ces pièces sont exceptionnelles et ce ne sont pas les seules», assure Cyril Duval, associé de Genève Enchères. Et si vous agrémentiez également votre table d’une parure en argent créée par Jacques-David Müller ? Son estimation oscille entre 2000 et 3000 francs. Et, au risque de devoir se contenter de spaghettis pendant un moment, vous pouvez également opter pour deux jardinières argentées. De belle facture, ces pièces sont signées de Jean Landerset (1628-1702) et leur estimation dépasse les 5 000 francs.

Au total, soixante-dix lots d’objets, allant de l’argenterie aux meubles et objets d’art, composent cette vente. Tous proviennent de la collection d’Henri de Weck-Aebi (1841-1869), qui vivait dans le grand hôtel particulier de Windig, dans le quartier de Schönberg. « Les pièces d’argent de Jean Landerset risquaient d’être fondues, dispersées ou perdues. C’est rare d’en trouver», explique Cyril Duval. « Argenterie du XVIIIe sièclee siècle apparaît également rarement sur le marché, c’est une aubaine pour les collectionneurs. Heureusement, les patriciens étaient conservateurs. Ces objets sont des témoins de l’histoire de grandes familles et du passé fribourgeois.

«Ces objets sont des témoins de l’histoire des grandes familles et du passé fribourgeois»
Cyrille Duval

La dynastie Weck incarne effectivement une partie de la mémoire cantonale. L’arbre généalogique, qui comprend quelque 220 personnes, commence au 14ee siècle. « Les origines de la famille remontent à son ancêtre Pierre Cugniet, originaire de Cerniat et établi à Fribourg, dont le fils François traduisit le nom de famille en Weck vers 1520. Ce mot vient de « wecki » qui est la traduction en vieil allemand du mot cugniet. , qui désigne un coin pour tailler la pierre », informe le site Internet de la Fondation de la famille Weck. On découvre que des membres de la dynastie se sont illustrés de manière prestigieuse dans la politique, l’armée ou la vie religieuse.

Cercle de pouvoir

Famille patricienne, « c’était une famille bourgeoise admise dans le cercle des privilégiés qui eurent le pouvoir dans la cité-État de Fribourg jusqu’en 1798 », se souvient Hervé de Weck, historien établi à Porrentruy. Jusqu’en 1782, la famille n’avait pas de particule : on disait simplement « Weck ». « À cette époque, les familles nobles n’avaient pas le droit de s’engager en politique. Les patriciens leur ont accordé ce droit et en échange ils ont négocié le droit d’ajouter une particule à leur propre nom», explique Bruno de Weck, avocat et notaire à Fribourg. Frédéric II de Prusse aurait déclaré sarcastiquement que les patriciens de Fribourg se « déifiaient ».

Vendeur anonyme

Les objets mis en vente par Genève Enchères ne sont pas mis en vente par la famille de Weck. La petite-fille d’Henri de Weck-Aebi, Albertine (1915-1993) avait en effet épousé une Esseiva, selon l’arbre généalogique. Ces biens tombaient donc en dehors du patrimoine officiel de la dynastie. Genève Enchères précise que le vendeur de la collection souhaite rester anonyme.

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Ce vitrail de 1681, commandé par un certain Rudolf Weck, montre les armoiries de la famille, dont le nom ne contenait encore aucune particule.
© Genève Enchères

L’arbre généalogique montre que la famille Weck a failli disparaître dans les années 1780, à une époque où le nom n’était transmis que par des descendants mâles. Charles-Nicolas était père de quatre filles et de six fils, dont cinq moururent sans descendance. Le survivant, Charles, aura finalement quatre fils, « qui sont à l’origine des quatre branches actuelles de la famille », précise Hervé de Weck.

Au Brésil

La famille de Weck a créé sa Fondation en 1827 « dans le but d’accorder des bourses aux parents qui en faisaient la demande », explique Guy de Weck, chimiste à la retraite basé à Bâle et qui en est le secrétaire généalogiste. Ce soutien est plutôt accordé aux membres de la famille qui ont émigré à l’étranger : on trouve des de Weck aussi loin que le Pérou, le Brésil, le Kenya et la Nouvelle-Zélande.

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La collection d’Henri de Weck-Aebi comprend également une copie sur panneau de la « Santissima Annunziata » de Florence.
© Genève Enchères

Les officiers, bannières, avoyers, diplomates d’antan et les personnalités d’aujourd’hui sont unis par un même blason, composé de deux bandes dorées sur fond noir avec une étoile. On les retrouve sur un vitrail de 1681, signé Hermann Jost, qui fait également partie de la vente. Parmi les objets exposés du 26 au 28 avril dans les locaux de Genève Enchères, on trouve notamment une copie de la fresque de la « Très Sainte Annonciation » de Florence, peinture sur panneau du XVIee siècle. La vente publique aura lieu du 29 avril au 2 mai.

Un patronyme pas toujours facile à porter

Porter le nom d’une grande famille issue de la bourgeoisie patricienne fribourgeoise présente-t-il aujourd’hui un avantage ? Ou est-ce parfois un inconvénient ? Gabriel de Weck, présentateur remplaçant du 12h45 et 19h30 de la RTS, est devenu depuis trois ans le porteur du nom le plus connu des francophones.

«J’ai grandi à Neuchâtel et dans ma jeunesse ce nom n’évoquait rien de particulier autour de moi», raconte le journaliste. Il ressent un changement lorsqu’il vient étudier à Fribourg. « J’avais l’impression d’arriver dans le fief historique des De Weck et les gens étaient curieux de me connaître. Mon nom a peut-être joué un rôle lors de mon embauche comme responsable du bureau fribourgeois de La Télé en 2011. Il m’a peut-être donné une certaine visibilité, mais je n’en ai jamais profité. En 2003, je parlais en tant qu’étudiant au Forum Économique de Glion et quelqu’un m’a attaqué à cause de mon nom de famille, pensant que j’avais des privilèges. Je lui ai dit que je travaillais pour financer mes études, que rien ne m’était donné et qu’il ne fallait pas se fier aux apparences. Gabriel de Weck affirme porter son nom « sans prétention, ni orgueil excessif, mais avec un grand respect pour une famille qui cultive la mémoire de manière attachante ».

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« Mon nom m’a peut-être donné une certaine visibilité, mais je n’en ai jamais profité. »
Gabriel de Weck

Guy de Weck, chimiste à la retraite à Bâle, explique qu’en Suisse alémanique, où il a toujours vécu, “la plupart des gens n’avaient jamais entendu parler de ce nom et on me prenait souvent pour un Belge ou un Néerlandais”. Hervé de Weck, l’historien du Jura, qui a étudié au Collège Saint-Michel dans les années 1950, se souvient que son nom était désagréable : « J’ai dû écrire Weck tout simplement sur mes copies, car certains professeurs ne supportaient pas la particule. J’ai pu me rendre compte que le pouvoir patricien laissait des traces dans les esprits, même si ce soi-disant pouvoir n’était depuis longtemps qu’un mythe.»

Joséphine de Weck, comédienne et auteure fribourgeoise, le reconnaît : « Mon nom n’a pas toujours été facile à porter quand j’étais adolescente. » Au fil du temps, elle accepte le fait « d’avoir un nom avec une histoire. Mais le fait d’être issu d’un milieu qui a peut-être été privilégié par le passé m’invite à être encore plus à l’écoute des autres, cela me pousse à une forme d’humilité et de responsabilité.

 
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