Quand la détente du gaz souffle le chaud et le froid – .

Quand la détente du gaz souffle le chaud et le froid – .
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Cardiologie, oncologie, néphrologie… toutes ces spécialités et d’autres font parfois appel à la cryoablation, une technique chirurgicale mini-invasive. Elle consiste, à l’aide d’une sonde, à détruire localement des tissus indésirables, une tumeur par exemple, par une série de cycles de congélation/décongélation. Pour obtenir le froid intense nécessaire à la pointe de l’instrument, on utilise la détente d’un gaz, généralement de l’argon. Et pour dégager la chaleur nécessaire au dégivrage, on recourt à… la détente d’un gaz, cette fois de l’hélium. Comment le même processus – la dilatation d’un gaz – conduit-il soit au refroidissement, l’effet le plus attendu, soit au réchauffement, ce qui est plus intrigant ? La réponse se situe au niveau moléculaire.

Précisons d’abord ce que nous entendons par relaxation. D’une manière générale, elle est liée à l’augmentation du volume d’un gaz. Habituellement, il est obtenu en plaçant du gaz dans un cylindre dont l’un des couvercles est un piston mobile. Lorsque ce dernier se déplace pour que le volume augmente, à l’échelle macroscopique, le gaz fournit du travail et voit donc son énergie interne diminuer. A l’échelle microscopique, le piston joue le rôle d’une raquette qui s’éloigne pour les molécules qui le frappent : c’est un dispositif amortisseur qui les ralentit. La vitesse diminue, l’agitation thermique aussi et, à notre échelle, la température fait de même. L’effet est donc systématiquement rafraîchissant.

On peut cependant imaginer une détente sans pièces mobiles, comme l’étudiait le physicien français Gay-Lussac vers 1800. On confine un gaz dans un compartiment rigide et calorifugé (ce qui limite les transferts thermiques) et, en ouvrant une vanne, il est autorisé à envahir un compartiment identique où un vide a été préalablement créé. Puisque le gaz ne cède ni travail ni chaleur vers l’extérieur, son énergie interne reste constante. Dans un modèle de gaz parfait où cette énergie est purement cinétique, la vitesse moyenne des molécules et donc la température ne changent pas. Dans un gaz réel, il faut prendre en compte les énergies d’interaction des molécules. Lors de la relaxation dite « Joule », les molécules s’éloignent en moyenne les unes des autres. Or, il existe toujours des forces d’attraction entre molécules, les forces de Van der Waals, celles qui expliquent la cohésion de la matière et le passage de l’état gazeux à l’état liquide. En s’éloignant, les molécules ralentissent, car ces forces s’opposent à leur mouvement : leurs énergies d’interaction augmentent, leurs énergies cinétiques diminuent. Mêmes causes, mêmes effets, la température baisse ! C’est ce que l’on observe pour tous les gaz à température ambiante. Sauf pour l’hélium…

Un gaz gênant

Pourquoi cette singularité ? On a oublié que les molécules se repoussent violemment à courte distance en raison du principe d’exclusion de Pauli, issu de la mécanique quantique : leurs nuages ​​électroniques ne peuvent pas s’interpénétrer. Ainsi, l’énergie d’interaction des molécules est très élevée lorsqu’elles sont très proches et elle diminue très rapidement dès qu’elles s’éloignent. Dans un gaz, le nombre de molécules par unité de volume (densité moléculaire) est « faible » et la probabilité que sur une photographie instantanée du gaz on trouve deux molécules très proches est proportionnelle au carré de cette densité. Lors de la relaxation, cette probabilité va nécessairement diminuer puisque la densité diminue. Conséquence : l’énergie des interactions répulsives diminue lorsque le gaz se détend et grâce à la conservation de l’énergie, cela se traduit par une augmentation de son énergie cinétique et donc de sa température. L’effet est inverse du précédent et les températures élevées le favorisent car le ralentissement par forces attractives est moins marqué sur les molécules qui vont plus vite et qui peuvent aussi se rapprocher les unes des autres : elles gagnent donc aussi de l’énergie de répulsion. Il s’avère que l’interaction attractive entre les atomes d’hélium est suffisamment faible (c’est pourquoi il faut baisser sa température à -269°C pour le liquéfier !) pour que ce deuxième effet, l’échauffement lors de la relaxation, prévale dès le premier effet. les températures sont supérieures à – 75 °C environ. Pour le dihydrogène, c’est également le cas, mais autour de +130°C, et à des températures encore bien plus élevées pour les autres gaz.

Un obstacle au refroidissement

Rappelons que la relaxation s’accompagne le plus souvent d’un refroidissement. De là à exploiter cet effet… Ce n’est pas qu’il soit négligeable (l’air à pression atmosphérique voit sa température diminuer d’environ 0,15°C lorsque son volume double), mais que faire du gaz détendu ? En pratique, les détentes s’effectuent selon un autre procédé, la détente Joule-Thomson, qui permet la circulation des gaz au sein d’une machine thermique. Le gaz s’écoule lentement dans un tuyau isolé à travers un obstacle, tel qu’un bouchon poreux ou un étranglement important. Sa pression chute de l’amont vers l’aval, mais quoi de sa température ? Ceci est similaire à la relaxation de Joule, sauf que…

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© Bruno Vacaro

Le flux est continu et les forces de pression doivent être intégrées au bilan énergétique du gaz. Tout se passe comme si – le raisonnement thermodynamique le confirme – on le comprimait à la pression amont pour le pousser à travers l’obstacle et on le détendait à la pression aval de l’autre côté. Le gaz reçoit donc un travail qui modifie son énergie. En fin de compte, dans une large gamme de température et de pression, on voit que pour un gaz, à une pression de départ donnée, la température baisse lorsque la pression chute, mais que l’effet diminue lorsque la température de départ est plus élevée. élevée, jusqu’à ce qu’elle s’inverse (le gaz s’échauffe) au-delà d’un seuil de température appelé « inversion ». Cette dernière est égale à la pression atmosphérique à – 222 °C pour l’hélium, – 68 °C pour le dihydrogène, mais + 348 °C pour le diazote et + 491 °C pour le dioxygène.

Ces valeurs ont des conséquences pratiques très importantes. La première est qu’en effectuant une détente Joule-Thomson, on peut refroidir la plupart des gaz, notamment l’air. L’effet reste toujours faible, de l’ordre de 0,3 °C par bar à température ambiante, mais il suffit de le comprimer pour l’augmenter. A partir de 200 bars par exemple, on aura une baisse de température de l’ordre de 60°C. Si l’on utilise cet air refroidi pour démarrer la détente à une température plus basse grâce au refroidissement à contre-courant, on peut, en plusieurs cycles, abaisser la température de ce gaz jusqu’à ce qu’il se condense. Il s’agit du procédé développé en 1895 par l’ingénieur allemand Carl von Linde pour liquéfier les gaz atmosphériques.

La deuxième conséquence est que la liquéfaction par détente du dihydrogène ou de l’hélium doit commencer à basse température ! La première étape pour liquéfier le dihydrogène consiste donc à le refroidir avec du diazote liquide jusqu’à – 196 °C !

Cryogéniser les tumeurs

Quant à la cryoablation, la destruction des cellules nécessite que leur température soit abaissée en dessous de –40°C. Compte tenu de leur environnement, un corps à 37°C qui les chauffe, il faut atteindre dans l’aiguille (la cryosonde) que le chirurgien manipule des températures bien plus basses, de l’ordre de – 100°C, mais uniquement au niveau de la cible. domaine évidemment. Cela rend compliqué l’utilisation d’un liquide de refroidissement qui circulerait dans toute la sonde. En provoquant une détente au bout de l’aiguille, en forçant le gaz à passer par un minuscule orifice avant une chambre d’expansion, on crée une Source de froid extrêmement localisée. Et comme le gaz doit être refroidi de manière importante, il est important de commencer avec un gaz à haute pression. L’argon couramment utilisé est ainsi à plus de 400 bars. Avec cette technique, le chirurgien crée un glaçon au bout de la sonde dont la taille est réglable. Que faire s’il faut retirer la sonde ou faire fondre le glaçon plus rapidement ? Facile ! En passant de l’argon à l’hélium, on obtient un échauffement lors de la détente, certes modéré, mais suffisant.

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© Bruno Vacaro

 
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