quand la PAC « gêne » les projets du Grand Lyon

quand la PAC « gêne » les projets du Grand Lyon
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“J’ai même des voisins qui se « déconvertissent »… » A la tête d’une des 230 exploitations agricoles du Grand Lyon, Sébastien Leclerc, agriculteur et éleveur à Genay, observe, un peu désillusionné, une filière bio en difficulté autour de lui. « Le marché ne suit plus », déplore-t-il. Une analyse confirmée par Jean‐Baptiste Borrès, chef du pôle économique à la Chambre régionale d’agriculture Auvergne‐Rhône‐Alpes : « La filière [du bio] connaît une crise très grave liée à la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs. On assiste à une baisse des conversions et, c’est nouveau, à des déconversions. » Combien précisément ? Une poignée à l’échelle de la région, nuance Jean‐Baptiste Borrès, mais il craint que le phénomène ne s’amplifie et constate une « forte inquiétude des agriculteurs ».

Comme partout en France, les producteurs bio du Grand Lyon – ils étaient une quarantaine en 2020 contre seulement six dix ans plus tôt – n’ont pas échappé à la morosité dans laquelle est plongé le secteur depuis 2021. Mais plus qu’ailleurs, il assume la Apparition d’un paroxysme puisque les écologistes à la tête de la Métropole se sont fixés l’objectif d’atteindre 25 % des terres agricoles en production biologique d’ici la fin de leur mandat, en 2026. Aujourd’hui, le bio représente 19,5 % de la surface agricole de ​​Grand Lyon.

Suppression de « l’aide à la maintenance »

Cerise sur une conjoncture économique défavorable : les règles de la Politique Agricole Commune (PAC) ont changé depuis le 1euh Janvier 2023. Avant cette date, les millions d’euros de subventions européennes distribués aux opérations du Grand Lyon [lire l’encadré] étaient en partie destinés à aider à la conversion, sur une période de cinq ans, et à rester en bio après cette période. Depuis l’année dernière, Bruxelles a supprimé cette « aide au maintien », au profit d’un renforcement du dispositif d’aide à la conversion. « Dans un an, nous arriverons à la fin du quinquennat. Ça va faire mal si le marché ne se redresse pas», s’inquiète Sébastien Leclerc.

Pour Jérémy Camus, vice‐président de la Métropole en charge de l’Agriculture et de l’Alimentation, la pilule de la nouvelle PAC ne fonctionne pas. L’écologiste dénonce « une dichotomie entre Accord vert européen [« le pacte vert »]qui affiche des objectifs très volontaires sur l’environnement et l’agriculture biologique, et l’outil PAC, qui n’est pas du tout conforme à ces objectifs.

« Les orientations de la PAC ne correspondent pas vraiment à ma vision du développement agricole »

Pour répondre à l’évolution des règles d’attribution des aides européennes, les élus métropolitains ont voté en septembre 2023 un « plan de soutien organique » de 761 000 euros. La majorité de Bruno Bernard mise également sur le développement de l’outil Penap (pour « protection des espaces naturels et agricoles périurbains ») qui permet à la Métropole de financer les agriculteurs selon certains critères, privilégiant ainsi ceux certifiés bio.

Le Grand Lyon veut faire revenir les agriculteurs sur son territoire : ce n’est pas gagnant-gagnant

Principe de base de la PAC, les aides européennes sont corrélées à la superficie des exploitations agricoles. Cependant, dans le Grand Lyon, il existe des exploitations artisanales. « Comme nous sommes un petit territoire, la PAC, ce n’est pas grand chose pour nous. Le gros de notre aide vient de la Métropole», illustre Samuel [le prénom a été modifié à la demande de l’interlocuteur], viticulteur biologique, implanté sur huit hectares dans les Monts d’Or. Exemple : l’exploitant a reçu environ 10 000 euros d’aide du Grand Lyon pour la préservation et l’entretien de ses haies, pour le développement de la biodiversité.

“Les orientations de la PAC, puis les choix nationaux, puis les choix de la Région ne correspondent pas vraiment à ma vision du développement agricole”, poursuit Jérémy Camus, qui prône des aides en faveur d’une agriculture locale et saine pour le consommateur et l’environnement. . Problème : dans ce domaine, la Métropole est limitée dans son action en termes de compétences.

Élu « entravé »

L’exécutif en a fait l’expérience il y a un an et demi en adoptant un budget de plus de 1,3 million d’euros pour financer « des mesures agroenvironnementales et climatiques dans les exploitations agricoles ». En clair, « il s’agit d’une compensation financière versée aux exploitations agricoles en échange de pratiques plus respectueuses de l’environnement », détaille la délibération votée en décembre 2022, comme par exemple la réduction de son usage de pesticides.

Mais quelques mois plus tard, la communauté a dû faire marche arrière. « Le gouvernement disait que nous n’avions pas les compétences pour une telle démarche », déplore Jérémy Camus. En effet, depuis la loi NOTRe, c’est la Région qui a la main en matière d’aide économique, et non la Métropole.

« Je me sens gêné », réagit l’élu. Dès qu’on a la volonté ou les moyens de s’y mettre, on est ralenti. » Pour lui, le Grand Lyon est pris entre une Région qui « rend sa tâche encore plus difficile » et une politique agricole commune qui « ne va pas dans le bon sens ». Cela ne l’empêche pas d’annoncer « une multiplication par quatre du budget d’investissement pour l’agriculture, à près de dix millions d’euros ». Reste à savoir si la somme pourra être entièrement dépensée…

34 millions d’euros pour les opérations dans le Grand Lyon

Mediacités a eu accès à toutes les données sur les subventions agricoles européennes collectées par l’ONG allemande FragDenStaat au cours de la dernière décennie. De 2014 à 2022, le total s’élève à 34,5 millions d’euros pour la région du Grand Lyon.

Comme partout en France, ce chiffre cache d’immenses disparités. Le plus gros versement de l’année 2022, alloué aux abattoirs de Corbas pour des « investissements matériels », s’élève à près de 600 000 euros. La même année, le plus petit bénéficiaire, une exploitation agricole de Dardilly, a reçu 1 133 euros.

Selon Jérémy Camus, vice‐président de la Métropole en charge de l’Agriculture, la grande majorité des structures du territoire n’appartient pas « aux 20 % d’exploitations agricoles en France qui reçoivent 80 % des aides de la PAC ». L’explication réside dans la taille des exploitations, beaucoup plus petites sur le territoire, et dans les types d’agriculture qui ne sont « pas en ligne avec les modes de financement de la PAC », soutient l’élu. L’écologiste préférerait des subventions indexées au nombre de travailleurs.

Grand Lyon : comment sauver les dernières terres agricoles de la bétonisation

Autre enseignement des données du Fragdenstaat, le nombre de bénéficiaires de la PAC dans la Métropole est en diminution significative depuis 2014. En 2022, 166 structures avaient droit aux aides européennes contre 259, huit ans plus tôt.

Ces chiffres reflètent une tendance nationale : le nombre d’exploitations agricoles en France connaît un déclin vertigineux (1,6 million en 1970 contre 390 000 aujourd’hui). Entre 2010 et 2020, le pays a perdu près d’un quart de ses exploitations agricoles. Sur le territoire du Grand Lyon, 136 exploitations ont disparu entre 2010 et 2020 (366 exploitations en 2010 contre 230 en 2020).

Rosa-Lou Boccard-Seltzer et Tom Sallembien

 
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